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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

jeudi 17 décembre 2020

inclusion, besoins particuliers et contraintes catégorielles

Inclusion, besoins particuliers et contraintes catégorielles

La reconnaissance des besoins éducatifs particuliers conduit normalement à accueillir dans le milieu scolaire, de manière plus satisfaisante et significative, des enfants qui n’y étaient pas, ou mal, accueillis auparavant. Ces enfants sont identifiés comme faisant partie de catégories définies « politiquement » : enfants en situation de handicap, mais aussi enfants provenant de l’immigration ou de milieux nomades, ou de milieux de grande pauvreté. L’approche de besoins particuliers est censée ouvrir les modalités d’accueil de l’école à tout enfant, en fonction de ses besoins particuliers, personnels, individuels, en classe, indépendamment de toute appartenance à une catégorie. L’appartenance à une catégorie, dans ce cas précis identifiée comme étant la cause de ces besoins et la raison des réponses apportées, ne devrait pas être de mise, mais seulement ses besoins hic et nunc : que l’enfant dorme avec sa famille dans la voiture familiale, qu’il vienne et circule en fauteuil roulant, qu’il vive dans un camp de caravanes délabrées, qu’il ait une trisomie 21, … ou qu’il vienne en limousine avec chauffeur !

jeudi 10 décembre 2020

inclusion : du pourquoi au comment ?

 Inclusion : du "pourquoi ?" au "comment" ?

Lors de ma participation à l’assemblée générale d’une organisation intervenant dans les domaines de formation et de conseil dans le secteur social et médico-social, j’ai entendu le président indiquer que nous étions passés en quelques années du « pourquoi l’inclusion ? » au « comment l’inclusion ? » aujourd’hui. Ce propos illustre, il est vrai, une modification fondamentale de l’appréhension de la problématique de l’inclusion, de la société inclusive, de l’école inclusive. Mais l'évolution des questions est-elle  pour autant pertinente ?

vendredi 4 décembre 2020

toutes les vies ont-elles la même valeur ?

 Toutes les vies ont-elles la même valeur ?

En période de crise, qu’il s’agisse de crise pandémique comme celle de la COVID-19, ou d’une crise économique et sociale qui met en avant l’évidence et l’obligation d’une diminution de ressources et de libertés (ou à tout le moins des orientations contraignantes de diminutions au nom d’une certaine idéologie), toutes les vies valent-elles ? Sont-elles toutes d’égale valeur ? La question s’est posée lorsqu’il s’est agi, lors de la pandémie, de faire des choix de soins au regard de la saturation des services hospitaliers face à l’afflux des malades dans un contexte marqué par les manques de moyens humains et matériels : qui allait-on sacrifier ? Des personnes âgées résidant en EHPAD ont ainsi été dépriorisées par rapport à des malades plus jeunes. Des personnes en situation de handicap complexes (polyhandicap) ont été déclarées de fait non prioritaires pour les soins. Sur différents plateaux médias, des commentateurs n’hésitent plus à discriminer ceux qui méritent d’être sauvés et ceux qui ne le méritent pas.

lundi 30 novembre 2020

handicap : besoins éducatifs ou besoins de santé

Handicap : besoins éducatifs ou besoins de santé? 

Chez les professionnels comme dans les médias, l’inclusion est souvent considérée comme le résultat d’une série d’aménagements techniques au bénéfice des personnes en situation de handicap, et plus rarement comme une philosophie, comme changement de paradigme de pensée et de représentations sur les personnes en situation de handicap. Ici une rééducation de compensation, là un aménagement de l’environnement, ou encore une application mobile pour faciliter la vie… Et ainsi, à force d’améliorer les petits détails de la vie, les facteurs de l’exclusion et de la ségrégation envers les personnes en situation de handicap s’atténueraient, jusqu’à peut-être disparaitre.

lundi 23 novembre 2020

l'inclusion face à la dureté du monde

 L'inclusion face à la dureté du monde

Il semble aller de soi que l’école ordinaire, le travail ordinaire, l’espace public pour tous, soient des institutions auxquelles doivent participer, de plein droit, les personnes en situation de handicap, les personnes vulnérables, et toutes les personnes qui ont pâti ou pâtissent des conditions de vie contemporaines. Les institutions spécialisées de l’éducation et de travail ont, à juste titre parfois, la réputation d’instaurer de la ségrégation, de faire du « séparatisme » pour employer un terme aujourd’hui popularisé pour désigner des phénomènes marginaux à cette problématique, et d’ignorer les droits fondamentaux des personnes à être avec les autres, comme tout un chacun.

mardi 17 novembre 2020

enfin sortir du modèle médical ?

 Enfin sortir du modèle médical ?

La compréhension et l’appréhension des situations de vie des personnes en situation de handicap semblent s’être libérées des approches médicales qui les enfermaient antérieurement dans des situations défectologiques et marginales. La qualification de déficients et d’inadaptés a laissé place à la qualification de handicap et de situations de handicap. Les critères d’incapacités ont été remplacés par des critères de droits, progressivement étendus à égalité pour tous. L’autonomie et l’autodétermination ont suppléé les caractéristiques passive du patient, devenu usager dans le secteur médico-social. De ce point de vue, les personnes en situation de handicap se sont émancipées de leur caractéristique sociale d’objet de soins.

mardi 10 novembre 2020

handicap, désinstitutionnalisation et exclusion

 Handicap, désinstitutionnalisation et exclusion

Dans le secteur médico-social, et particulièrement concernant les personnes en situation de handicap, la désinstitutionnalisation est présentée comme un objectif politique et sociétal, objet d’espoir pour les personnes concernées et pour un certain nombre de professionnels, et objet de craintes pour d’autres. Elle signifie de fait la fin des institutions spécialisées telles qu’elles ont fonctionné jusqu’à une date récente, avec l’image d’espaces clos dédiés à des populations qui étaient exclues du champ ordinaire, et dans lesquelles la vie sociale était hors de monde (et aussi hors du droit parfois).

jeudi 5 novembre 2020

lecture : Les invalidés

Les invalidés - Nouvelles réflexions philosophiques sur le handicap
de Bertrand QUENTIN (érès, 2008)

A lire le dernier ouvrage de Bertrand Quentin, philosophe, sous-titré Nouvelles réflexions philosophiques sur le handicap, on ne peut que déplorer que ces réflexions n’irriguent pas les espaces et les professionnels dont les métiers seraient justement d’agir et de penser l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Car dans la philosophie, et cet ouvrage en est le témoignage, il y a une réflexion sur les fondements de notre rapport aux personnes en situation de handicap, de l’éthique à l’œuvre, et une réflexion pour sortir des mécanismes, des routines de l’application sans sens des préconisations, obligations et recommandations qui viennent « d’en haut », censées dire la vérité sur ce qu’il faut faire et penser pour ajuster les besoins et les moyens.

jeudi 29 octobre 2020

protection et autonomie

 Protection et autonomie

La notion de protection a été à l’origine (une des origines) des politiques sociales. Sa mise en œuvre politique a permis de réduire la misère, l’extrême pauvreté, le « paupérisme », les situations de vulnérabilité qui ont été pendant longtemps le quotidien d’une majorité de la population. Elle a été aussi à l’origine plus spécifiquement de la préoccupation des personnes dont on dit aujourd’hui qu’elles sont en situations de handicap. Mais la notion de protection s’est aussi accompagnée de limites, réduisant les personnes concernées à être des bénéficiaires de charité ou de bienfaisance, d’assistance, les plaçant en état de dépendance et d’infériorité et « hors du monde ». Avec l’émergence de la notion « d’ayant droit » et de celle de droits, en particulier récemment par exemple avec ceux formalisés par la convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU, la notion de protection est interrogée par les notions d’autonomie et d’émancipation.

lundi 26 octobre 2020

Alexandre, un élève qui "pose des problèmes"

 Alexandre, un élève qui "pose des problèmes"

Alexandre est un jeune garçon sourd « qui pose des problèmes ». Il a effectué toute sa scolarité élémentaire en CLIS (Classes pour l’Inclusion scolaire, aujourd’hui ULIS). Il n’a pas pu bénéficier d’une langue des signes efficace ; son niveau de compétences en langue orale (réception et expression) est faible. Ses compétences scolaires à 12 ans sont plutôt équivalentes à celles d’un élève de CE1 (7-8 ans). Aujourd’hui, à 14 ans, il poursuit sa scolarité dans une unité d’enseignement d’un « établissement pour déficients sensoriels » au sein d’un collège, dans un dispositif de classe spécialisée. Il est toutefois inclus dans une classe de 5ième du collège en Education physique et sportive et en Arts Plastiques, accompagné par un interface en langue des signes.

vendredi 16 octobre 2020

sans solidartités, pas d'inclusion

Sans solidarités, pas d'inclusion

On ne peut juger de la qualité de l’inclusion des personnes en situation de handicap sans observer et qualifier l’environnement incluant, et ainsi qualifier la société d’inclusive, ou non. Or il existe des fonctionnements sociétaux qui semblent constituer des obstacles, peut-être rédhibitoires, à des avancées vers une société inclusive. Ces fonctionnements sont constitués d’organisations, mais aussi de mentalités et de représentations. Ainsi l’individualisme, sous l’égide duquel se présentent certaines conceptions de l’inclusion, rognant les principes de la solidarité et les approches collectives, pourrait-il être en définitive un obstacle à l’inclusion à laquelle il prétend aboutir : poussé dans sa logique extrême, il pourrait aboutir, à rebours d’une inclusion, à une désaffiliation et une atomisation sociales.

mercredi 7 octobre 2020

projet inclusif et créolisation

 Projet inclusif et créolisation

Je n’avais jamais envisagé, faute de connaissances, de curiosité et d’approfondissement de réflexion, que le terme de créolisation puisse nommer un concept ailleurs que dans le domaine linguistique, où la confrontation et les échanges entre deux langues produisaient de nouvelles formes linguistiques (le créole). Le terme, sorti de l’anonymat par Mr Mélenchon en référence à l’œuvre de l’écrivain Edouard Glissant, porte une valeur et une signification auxquelles il est intéressant d’être attentif lorsqu’on réfléchit sur l’inclusion et le projet inclusif.

jeudi 1 octobre 2020

handicap, diversité et différence

 Handicap, diversité et différence

Les notions de diversité, de différence et de handicap ont toujours été en proximité. Soit dans une relation de subordination, quand les différences ou les diversités se réduisaient à la qualification de handicap pour les personnes concernées ou encore quand la sortie du handicap équivalait à la suppression des différences ; soit dans une relation de réfutation (et parfois de valorisation), lorsque les différences ou la diversité se manifestent comme étant des caractéristiques humaines autres, qui ne réduisent pas la personne à un statut de personne handicapée. C’est bien sûr la première de ces relations qui fut et reste le paradigme dominant de la manière de considérer les personnes qui ont des différences physiques ou d’aptitudes. La différence manifestée par une personne dite handicapée est vécue socialement comme une minoration de la qualité humaine. Du côté de l’autre modalité de relation, les Sourds ont représenté une valorisation de leurs caractéristiques, instituant leur différence dans la diversité humaine, avec la langue des signes et la culture sourde.

vendredi 25 septembre 2020

Des dispositifs d'inclusion pour enfants polyhandicapés

Des dispositifs d'inclusion pour enfants polyhandicapés

Il y a encore peu de temps, s’autoriser à penser que peut-être un jour des élèves gravement handicapés, par exemple ceux qui sont qualifiés sous la catégorie de polyhandicapés, puissent être présents à l’école ordinaire relevait d’un rêve impossible. L’intégration ou l’inclusion d’élèves avec des situations de handicap beaucoup moins problématiques semblait déjà bien difficile et se heurtait à des résistances fortes, et perdait sa légitimité à mesure que les enfants concernés étaient éloignés de la norme scolaire : on voulait bien intégrer, mais ceux qui n’étaient quand même pas trop différents ! Dans ce paradigme de pensée et d’action, il était inconcevable, au sens fort de ce terme, que des jeunes ayant un polyhandicap puissent un jour être présents dans un établissement scolaire pour y faire leurs apprentissages.

vendredi 18 septembre 2020

une indifférence aux différences

Une indifférence aux différences

L’école inclusive est censée porter attention aux différences. Mais le fait-elle vraiment, et dans quelles conditions ? Dans un certain nombre de situations, on a pu observer des évolutions significatives des modalités d’enseignement et d’accueil d’élèves aux marges des normes classiques de la scolarisation. L’accueil des élèves en situation de handicap ou d’élèves en grande difficultés, ou encore éloignés de la culture scolaire, a mis en évidence les ressources d’adaptation des enseignants à ces populations, dans la différenciation des modalités pédagogiques ou l’aménagement des conditions d’apprentissage. Non sans ambiguïtés.

vendredi 11 septembre 2020

autonomie et projet personnalisé

 Autonomie et projet personnalisé

Il n’est pas un projet personnalisé qui aujourd’hui, comme hier, ne se conçoive sans la notion d’autonomie, inscrite à la fois dans la démarche (participation de la personne à l’élaboration de son projet) et dans les objectifs (l’un d’entre eux au moins vise à l’autonomie de la personne en situation de handicap ou vulnérable). Le projet « personnalisé » d’accompagnement est ainsi pensé sous le signe ou la figure de l’individu « capable » de son projet, responsable, libre, capable ou en voie d’être capable d’un comportement individuel « émancipé ». Le remplacement de la notion de prise en charge par celle d’accompagnement, qui accorde à la personne concernée un principe d’autonomie présente ou à venir, est un symbole fort d’un changement de paradigme.

lundi 7 septembre 2020

à contre-culture de l'inclusion

A contre-culture de l'inclusion

L’inclusion semble être une évidence politique et sociale. Elle est prônée par les pouvoirs publics comme étant un projet politique et éthique fort et incontournable, parfois aves des stratégies d’occupation du terrain et à coups de plateformes téléphoniques et numéros verts, ou à coups de mise en réseaux organisationnels et professionnels qui ignorent, voire masquent, des réalités de terrain qui sont loin d’être inclusives, quand ce ne pas pour se dispenser d’une mise en œuvre véritablement inclusive. Poser l’inclusion comme déjà là, ou comme véritablement en cours et en progression significative, c’est aussi faire fi des conditions d’avancée de cet idéal inclusif dans les réalités des diverses institutions sociales pour tous. Car l’horizon inclusif n’est pas réduit à une scolarisation satisfaisante d’enfants en situation de handicap ou à l’emploi de « travailleurs handicapés », mais il définit un enjeu politique et sociétal.

vendredi 28 août 2020

Handicap et situations de handicap

 Handicap et situations de handicap

Dans le langage courant, et même dans le langage professionnel, les termes handicap et situation(s) de handicap sont utilisés la plupart du temps indifféremment, comme s’ils avaient la même signification : « tout ça c’est pareil ». Mais cette confusion est extrêmement préjudiciable, à la fois sur le regard porté sur les personnes concernées, et à la fois sur les dispositifs d’accompagnement et sur leurs missions. Utiliser indifféremment ces termes n’est pas du tout anodin, et il importe pour tous de dissiper les confusions.

vendredi 21 août 2020

Retours en institution

 Retours en institution

Il y a peu, une professionnelle me faisait part de cette situation. Elle travaille dans un dispositif d’unité d’enseignement externalisée (pour élèves sourds), qui n’a pas attendu les derniers décrets pour se délocaliser dans un groupe scolaire maternelle et élémentaire, depuis plus de vingt ans. La simple délocalisation initiale d’origine s’est peu à peu transformée en un dispositif pratiquant, pour la plupart des élèves, sur des temps variables, des temps d’inclusion accompagnée. Arrivent dans le dispositifs deux jeunes élèves, « agités » sur le plan comportemental et relationnel. Au bout de quelques semaines, l’institution scolaire (avec tous ses acteurs) fait le « constat » que ces deux élèves, même s’ils étaient accompagnés en permanence dans leurs activités, n’avaient pas leur place dans l’école. Voilà donc le service contraint de réinstutionnaliser un dispositif, de recréer un groupe (avec deux élèves !) au sein de l’institution.

lundi 29 juin 2020

le trompe-l'oeil de l'expertise en déficience

Le trompe-l'oeil de l'expertise en déficience


Faut-il connaitre la déficience dont est affectée une personne pour établir avec elle une relation personnelle ou professionnelle ? Faut-il avoir une connaissance experte, technique, médicale ou scientifique, de ce qu’est la déficience auditive pour communiquer avec une personne qui a une déficience auditive, ou vivre avec elle ? Faut-il avoir une connaissance scientifique de la trisomie 21 pour élever et éduquer un enfant qui naît avec cette anomalie chromosomique ?

Pragmatiquement, on serait tenté de répondre par la négative, et l’expérience des personnes qui sont dans la situation de vivre avec quelqu’un qui a une déficience pourrait attester que ce n’est pas le cas, et que ce n’est pas la connaissance de la déficience qui permet de vivre de manière satisfaisante avec elle. Bien évidemment, il est nécessaire d’avoir quelques connaissances, moins d’ailleurs sur la déficience elle-même, que sur l’aménagement relationnel : ne pas exiger l’impossible dans le rythme de développement d’un enfant qui a une trisomie 21, être attentif aux modalités matérielles de communication avec un enfant qui a une déficience auditive, etc.

mercredi 24 juin 2020

lecture : l'institution du handicap

L'institution du handicap
de Romuald BODIN (La dispute, 2008)

C’est ici un ouvrage, dense, parfois difficile à lire, mais qui pose des questions fondamentales sur nos approches de la déficience, du handicap et des situations de handicaps. La déficience a été à l’origine définie, déterminée et qualifiée d’un point de vue médical. Le handicap est venu modifier et enrichir l’approche en le définissant également dans les conséquences de la déficience en termes d’incapacités et de désavantages sociaux, mais en gardant la déficience au centre des problématiques. Enfin, l’approche sociale-environnementale, que l’on trouve dans les modèles de l’OMS (la classification internationale des fonctionnements, du handicap et de la santé) ou le modèle québécois (classification internationale du modèle de développement humain – processus de production du handicap) est venu parachever l’approche en posant les situations de handicap comme étant dues à l’interaction entre des facteurs personnels (parmi lesquels la déficience) et des facteurs environnementaux.

lundi 15 juin 2020

Noémie, ou le maintien d'une compensation inutile

Noémie, ou le maintien d'une compensation inutile


Noémie est une jeune fille sourde de 13 ans ; elle vient de rentrer en classe de 4ième, elle a donc l’âge considéré comme normal pour ce niveau scolaire. Ses parents, entendants, son frère et sa sœur communiquent avec elle par la langue des signes, plus ou moins maitrisée par les uns ou par les autres. Son niveau scolaire est considéré comme bon par les enseignants du collège, sa compréhension en lecture est tout à fait satisfaisante, sa production écrite est un peu en deçà de la maîtrise attendue, et elle a une très bonne réussite en mathématiques (dans les meilleurs résultats de sa classe). Elle dispose d’un accompagnement dense dans sa scolarisation de la part d’un service spécialisé : avec trois autres élèves sourds dans la même classe, elle est accompagnée sur pratiquement tous les cours essentiellement par des enseignants spécialisés en co-enseignement (ces enseignants spécialisés ne sont pas de l’éducation nationale mais du médico-social et titulaires du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignements aux jeunes sourds, le CAPEJS), ou par des interfaces en langue des signes française. Elle bénéficie en outre, comme ses trois camarades, de deux heures de soutien hebdomadaires, en français et en mathématiques.

lundi 8 juin 2020

"le problème c'est que je ne peux pas l'évaluer"

"Le problème, c'est que je ne peux pas l'évaluer"


La qualification de handicap légitime parfois et en partie l’exclusion de l’institution scolaire. Non plus directement depuis « l’obligation » inclusive de la loi de 2013 sur la refondation de l’école de la République, à la suite de la loi de 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Mais indirectement, parce que l’ordre de l’institution scolaire est mis en question, malmené, par des attitudes et des comportements de certains élèves, ceux en particulier qui ont ou vont relever du statut d’élève handicapé. Un élève qui ne parle pas, qui ne répond pas, qui ne peut pas être évalué met en péril le rapport pédagogique, ce qui est censé être fait par les enseignants et le système éducatif. Une partie de ces élèves, qui manifestent trop de différences par rapport à l’ordre scolaire prescrit, va, de manière opportune, pouvoir être enregistrée dans la catégorie « enfant handicapé », même s’il n’y a pas de déficience avérée, ou si la déficience n’est définie que par les incapacités de cet élève par rapport aux attentes de l’ordre scolaire.

mercredi 3 juin 2020

inclusion et niveaux de changements

Inclusion et niveaux de changements

Pourquoi assiste-t-on à ce discours paradoxal qui présente d’un côté des avancées indiscutables vers une société inclusive, quand ce ne sont pas des affirmations selon lesquelles divers dispositifs ou mesures témoignent d’une inclusion déjà réalisée, et de l’autre côté des insatisfactions récurrentes et ne décroissant pas sur l’incomplétude des mesures et sur des réalités d’exclusions plutôt que d’inclusion, qui s’inscrivent dans des évolutions sociétales parfois à rebours de l’inclusion ?

Le champ social (et médico-social) s’est construit dans une certaine autonomie et dans une certaine distance par rapport au champ économique et politique, sur lequel il ne prétendait pas intervenir. Le champ économique pouvait imposer ses lois, le champ social s’inscrivait au mieux dans la gestion de certains de ses effets (vulnérabilité, exclusion) mais nullement dans la remise en cause des fonctionnements du champ économique.

mardi 26 mai 2020

le handicap accroît-il les situations de handicap ?

Le handicap accroît-il les situations de handicap ?

Les personnes qui ont des déficiences, des troubles, des maladies, des incapacités, sont des personnes qui rencontrent dans leur vie des situations de handicap pour pouvoir réaliser de façon satisfaisante leurs habitudes de vie. Elles sont qualifiées administrativement de personnes handicapées. Elles relèvent politiquement d’un secteur appelé médico-social. Il est à noter d’ailleurs qu’un tel secteur, constitué tel qu’il est, est spécifique à la France. De ce fait, même si l’on assiste à quelques évolutions, les personnes handicapées sont installées comme dans un système à part, qui est coupé d’une certaine manière de ce qui fait le droit commun. Et ose penser Pascal Jacob (Il n’y a pas de citoyens inutiles, p.248) : « Et si nous faisions l’hypothèse que le secteur spécialisé constitue un frein, un écran pour l’accès à la vie ordinaire ? »

mercredi 20 mai 2020

Inclusion : tout va bien ! Vraiment ?

Inclusion : tout va bien ! Vraiment ? (ce que nous apprend le déconfinement)


Lors de la préparation du déconfinement et dans ses premiers jours, quand des enseignants ont été contraints de ne pas pouvoir reprendre l’école, quand des enfants handicapés n’ont pas pu être rescolarisés, une grande partie des politiques et des médias s’est empressée de lyncher leurs boucs émissaires, les professionnels, qui feraient là la preuve de leur mauvaise volonté, de leur rigidité mentale, voire de leur fainéantise. De cette façon, les politiques inclusives restent valides, mais elles seraient malheureusement contrariées par de mauvaises volontés. Ce lynchage n’étonne même plus, tant le discours dominant de ces politiques et de ces médias présentent des réalités aseptisées, réussies, sans difficultés. A la TV, les réponses à la pandémie (disponibilité du matériel, organisation des soins, régulations) se sont bien déroulées à tel point que le président de la République a même affirmé qu’il n’y avait pas eu de rupture d’approvisionnement de masques ; le déconfinement (retour à l’école, retour au travail, transports) se passe bien ; l’inclusion des enfants handicapé lors du déconfinement se passe bien, etc. Sauf que…

vendredi 15 mai 2020

inclusion intégrative et inclusion ségrégative

Inclusion intégrative et inclusion ségrégative


Si l’on part de l’origine étymologique du terme inclusion, on trouve le latin inclusio : emprisonnement. Par rapport aux significations qu’a prises le terme aujourd’hui, on peut distinguer deux aspects à l’inclusion : une inclusion « ségrégative », celle de l’emprisonnement, et une inclusion « intégrative », celle qui est mise en exergue dans l’utopie de la société dite inclusive.

lundi 11 mai 2020

de la protection à l'égalité et aux droits

De la protection à l'égalité et aux droits


Longtemps, la prise en charge des personnes en situation de handicap a relevé du modèle de la protection, pensée et organisée sous différents registres et dispositifs. La protection n’avait pas une finalité univoque : s’il y avait lieu de protéger les personnes concernées, il y avait lieu aussi de protéger la société de ces personnes. La protection a pris diverses formes : l’éloignement (les institutions à la campagne) l’enfermement (les institutions fermées s’inspirant de la prison ou des monastères cloitrés), la surveillance (en particulier des personnes présentant un danger pour la société). Le cadre conceptuel de la protection puisait ses racines dans une représentation des personnes en situation de handicap comme étant « incapables », n’ayant pas toutes les capacités (physiques, intellectuelles, sensorielles, mais aussi psychiques ou morales) d’être comme les « normaux ».

mercredi 6 mai 2020

Le monde d'après est-il condamné à être le monde d'avant ?

Le monde d'après est-il condamné à être le monde d'avant ? "On voit réapparaitre de vieux réflexes de la direction gestionnaire"


La pandémie du COVID-19 a semblé réveiller de nombreux citoyens et responsables. Ceux-ci surtout se sont empressés d’évoquer un monde d’après qui ne devrait pas permettre que ce qui était arrivé n’arrivât pas de nouveau, comme pour se dédouaner du monde d’avant, de qu’ils avaient mis en place, organisé et cautionné. Comme si une simple et dramatique pandémie due à un virus allait du jour au lendemain tout changer. A l’écoute du discours présidentiel d’une promesse d’un monde d’après qui serait radicalement différent de celui d’avant, les promesses des « jours heureux » en référence au Conseil national de la résistance, de l’engagement à « se réinventer », j’avoue avoir eu du mal à adhérer sans état d’âme aux dites promesses. Je restais quelque peu sceptique, tant le langage utilisé précédemment, et avec la même conviction rhétorique, par les mêmes acteurs (président de la République, ministres, majorité, médias complaisants) qui se proposaient de diriger le monde d’après, tant ce langage était, depuis longtemps déjà, double et fourbe, présentant et déclarant le côté positif des choses en mettant en place exactement le contraire.

jeudi 30 avril 2020

inclusion : des obstacles invisibles

Inclusion : des obstacles invisibles


On déplore, à juste titre, que la société soit loin d’être inclusive. A l’appui de cette assertion, les arguments ne manquent pas : des organisations et institutions de droit commun excluantes, des carences dans l’accessibilité, un manque de moyen criant dans certains secteurs, la pérennisation des catégories spécifiques et de leurs dispositifs, etc… Il est vrai que l’on se félicite dans le même temps que toutefois les choses changent, même si les évolutions sont insuffisamment rapides.

Dans la présentation habituelle de cette situation, les obstacles qui sont mis en avant sont des obstacles de « superstructures », matérielles ou organisationnelles. Mais il se trouve que, même lorsque ces obstacles sont levés, et il faut reconnaitre que le projet politique depuis de nombreuses années va dans ce sens, quelle que soit la couleur politique du pouvoir, et bien, on se heurte quand même à une muraille de verre qui interdit de fait toute évolution majeure. Il y a par conséquent des obstacles invisibles, subconscients ou inconscients, qui constituent la trame de pensée, d’attitude, de réflexe, tout ce qui constitue les mentalités et les représentations. Celles-ci ne sont en effet peut-être pas si inclusives que ce que le discours politique unanime laisse percevoir.

vendredi 24 avril 2020

SERAFIN-PH : modernisation ou risques?

SERAFIN-PH : modernisation ou risques ?


La réforme engagée depuis déjà plusieurs années par SERAFIN-PH (pour Services et Etablissements : Réforme pour une Adéquation des FINancements aux parcours des Personnes Handicapées) se propose de faciliter la fluidité des parcours des personnes handicapées et la transformation des offres d’accompagnement, en mettant leurs besoins en adéquation avec les réponses qui peuvent leur être apportés, celles-ci étant déclinées sur deux registres : les prestations directes (soins et accompagnements) et les prestations indirectes (pilotage et fonctions supports). La modernisation du système prend la suite d’autres modernisations des systèmes étatiques, avec la même touche technocratique mainstream, celle qu’on retrouve dans la réforme de l’hôpital et des services publics, soucieuse de bonne gestion et de performance, en réalité de restrictions de ressources et d’économies.

lundi 20 avril 2020

maladroit ? C'est peut-être une pathologie

Maladroit ? C'est peut-être une pathologie

Je suis né avec un strabisme important qui, à l’époque, n’a été ni opéré ni corrigé ; par la suite cela a partiellement été corrigé. Mais j’ai été privé dès la naissance de toute vision binoculaire, de toute vision en relief et de profondeur de champ, que je n’ai d’ailleurs toujours pas. Lorsque j’étais petit, cela on me l’a raconté car je ne m’en souviens pas précisément, j’étais extrêmement maladroit : je me cognais aux chaises et aux coins des meubles, aux embrasures de portes, j’avais du mal à saisir du premier coup les objets… Plus tard à l’école, j’ai eu du mal à viser les lignes des cahiers d’écolier pour l’écriture, et il a fallu que je m’applique. Avec le temps, j’ai pu ajuster mon expérience et l’espace et maîtriser convenablement mon rapport spatial avec les objets, et mon comportement n’apparaît plus (trop) comme une suite de maladresses. Aujourd’hui, il me reste encore quelques maladresses, comme lorsque j’essaie de verser un verre de vin, mais dans l’ensemble, je me suis adapté à mon environnement.

mardi 14 avril 2020

déficience,dépistage et situations de handicap

Déficience, dépistage et situations de handicap


Les situations de handicap, nous affirme-t-on, ne sont plus relatives qu’à la seule déficience, mais à l’interaction entre des facteurs personnels, parmi lesquels la déficience, et des facteurs environnementaux. Pour qu’il y ait une situation de handicap, il faut un « corps déficient » avec des incapacités, et un environnement inhospitalier aux contraintes de vie de ces personnes. Si tel était vraiment le cas, la déficience devrait être considérée autrement, et non comme une maladie qu’il faut encore et toujours guérir et soigner, diagnostiquer et traiter, mesurer et rééduquer. Mais tel n’est pas le cas.

mercredi 8 avril 2020

lecture : L'effet Louise

L'effet Louise
de Caroline BOUDET (Stock, 2020)


J’aurais pu commencer ce texte en indiquant que les décideurs politiques et institutionnel devraient avoir obligation de lire ce livre. Mais il a apparemment été lui en haut lieu, jusqu’à la présidence de la République, avant la conférence nationale du handicap. Si on postule que les lectures ont des effets sur la vie, on devrait voir les choses rapidement et radicalement changer dans les situations de handicap des enfants qui ont une trisomie 21 ou d’autres déficiences. Reste à vérifier si cela aura ces effets ! Toujours est-il que loin des affirmations politiques et des jeux médiatiques sur l’école inclusive et sur les mesures « importantes » qui auraient été prises ou qui seront prises pour l’inclusion des élèves en situation de handicap, ce livre de la mère d’une petite fille, Louise, ayant une trisomie 21, témoigne d’une autre réalité récente (la petite fille est née en 2015). La réalité des institutions, de la MDPH à l’école, qui ne sont nullement inclusives, qui n’arrêtent pas de mettre des obstacles à des droits auxquels pourraient prétendre cette enfant et ses parents, qui n’arrêtent pas de peser de tout leur poids de fonctionnement sur la vie quotidienne de ces parents (dossiers, attente, re-dossier, réunions…) et de Louise.

vendredi 3 avril 2020

institution et désinstitutionnalisation

Institution et désinstitutionnalisation


Lorsqu’on évoque la participation sociale des personnes en situations de handicap, le développement de leur pouvoir d’agir, la valorisation de leurs rôles sociaux, leurs droits et l’accès à ces droits, le respect de leurs aspirations, deux notions viennent immédiatement à l’esprit, la société inclusive et la désinstitutionnalisation, comme deux modalités d’accès à cette nouvelle place des personnes en situation de handicap dans la société. La désinstitutionnalisaton peut être envisagée selon deux orientations, fondamentalement différentes.

lundi 30 mars 2020

intégration et inclusion (encore)

Intégration et inclusion (encore)


Il semble aller de soi aujourd’hui que les deux notions d’intégration et d’inclusion ne renvoient ni au même paradigme, ni à la même réalité. En ce qui concerne le niveau du paradigme, depuis quelques années, les définitions se sont effectivement affinées et précisées : non il ne s’agit pas du même modèle. L’intégration est l’ancien paradigme selon lequel une personne devait ressembler à la majorité pour accéder aux « biens communs », les autres étant laissés dans des dispositifs particuliers en dehors du système destiné à tous. L’inclusion est le nouveau paradigme selon lequel c’est au système des « biens communs » de mettre en place les conditions de son accessibilité, de se rendre accessible à tous, en tenant compte de la diversité et des différences.

mardi 24 mars 2020

handicap et accès aux soins

Handicap et accès aux soins

Un rapport a été remis en cette fin d’année 2019 à la ministre de la santé et à la secrétaire d’état chargée des personnes handicapées : Améliorer l’accès aux soins des personnes en situation de handicap accompagnées par un établissement ou service médico-social (J. Lenormandie et S Talbot). Comme on pouvait le supposer, on le « savait », ces personnes en situation de handicap n’ont pas un accès satisfaisant aux soins. Malgré des incertitudes, le rapport le confirme dans son chapitre 2 : « Les difficultés d’accès aux soins des personnes en situation de handicap accompagnées par des ESMS sont difficiles à objectiver. »

jeudi 19 mars 2020

empowerment des uns, soumission des autres

Empowerment des uns, soumission des autres ?


L’empowerment est aujourd’hui une référence partagée dans les modalités professionnelles d’accompagnement social ou médico-social des personnes vulnérables, dont les personnes en situation de handicap. Il n’y a pas de traduction consensuelle de ce terme : il est indifféremment traduit par autodétermination, pouvoir d’agir, empouvoirement, agentivation ou agentivité, capacitation…

Ce nouveau paradigme passe par l’exercice de nouveaux droits, le développement de la participation sociale des usagers, tels qu’ils ont par exemple été prônés dans la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Il passe aussi par l’émergence de nouveaux modèles de représentations concernant les personnes en situation de handicap, avec par exemple les notions d’usager-expert ou les groupes d’entraide mutuelle. Il est également lié à des perspectives d’émancipation (on parle du développement du pouvoir d’agir), du moins lorsque cette participation sociale des personnes en situation de handicap n’est pas dévoyée comme alibi de démocratie dans des contextes d’orientations autoritaires des politiques publiques ou des fonctionnements institutionnels (le choix de la couleur des couloirs n’est pas suffisant pour attester de l’empowerment). Il s’agit de l’octroi de davantage de pouvoir à des individus ou à des groupes pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques auxquelles ils sont confrontés. Le développement du pouvoir d’agir porte par conséquent en germe des changements fondamentaux dans les relations des personnes en situation de handicap avec les professionnels, les organisations et les politiques publiques. Il peut être émancipateur.

vendredi 13 mars 2020

PAP, PPS, et handicap

PAP, PPS, et handicap


Face à l’indigence des modalités d’accompagnement de certains élèves « dys » (troubles des apprentissages) ; dans le cadre des Projets d’accompagnement personnalisés (PAP), la demande logique de certains parents et professionnels est de dénoncer cette formule et d’exiger qu’il soit remplacé par le Projet personnalisé de scolarisation (PPS).

Ce dernier apparait en effet comme un meilleur garant d’une approche globale de l’accompagnement de l’élève concerné. Il rend obligatoire des aménagements divers décidés par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), organisés dans le cadre des équipes de suivi de la scolarisation (ESS). Il articule également ces aménagements de la scolarisation avec d’autres dispositifs décidés également par la MDPH : mise en place d’un accompagnant d’un élève en situation de handicap (AESH), accompagnement par un service médico-social, autres aides… Tandis que le PAP ne permet que de discuter de la mise en place de divers aménagements propres à faciliter les apprentissages des élèves (rythme, organisation, supports…) ; il est plus restrictif (aménagements exclusivement pédagogiques) et semble apparaitre comme moins contraignant que le PPS.

vendredi 6 mars 2020

lecture - Happycratie

HAPPYCRATIE - Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies
de Edgar CABANES et Eva ILLOUZ, Premier parallèle, 2018.

Pourquoi parler ici d’un ouvrage qui n’a pas à voir avec les problématiques habituelles de cette rubrique ? Parce que cet ouvrage parle d’une problématique sociétale qui a bien évidemment des retombées dans le champ du handicap, des « entreprises » concernées par le handicap, dans les représentations relatives aux personnes en situation de handicap, etc. En effet, cette référence de plus en plus soutenue au bonheur dans l’entreprise, comme mode de vie et condition de fonctionnement, irrigue les organisations du secteur social et médico-social. Cet ouvrage est à ce niveau une entreprise salutaire pour prendre du recul, de la hauteur, devant une « évidence idéologique ».


lundi 2 mars 2020

de la formation des enseignants ...

De la formation des enseignants ...


Il ne manque pas une réunion, un séminaire, un colloque, une rencontre qui ne viennent inévitablement poser la question, critique, du manque de moyens (c’est vrai), et en particulier de l’absence ou de la pauvreté de la formation des enseignants ordinaires pour pouvoir accueillir des enfants en situation de handicap dans leur classe, obstacle majeur de la scolarisation inclusive.

Que se pose la question des moyens, c’est légitime. Mais les élèves en situation de handicap ne sont pas les seuls à être victimes de choix politiques d’abaissement de ressources, masqués par des nouveautés séduisantes (dédoublements des CP en zone prioritaire par exemple). La rentabilisation de l’Education nationale et sa normalisation (nombre d’élèves par classe, suppression d’écoles, dispositifs d’aide, cartes scolaires, …) ont des conséquences néfastes sur les catégories d’élèves les plus en difficultés dans les apprentissages scolaires, ceux qui risquent le plus l’échec scolaire, et qui sont le plus souvent issus de milieux défavorisés, et les élève en situation de handicap. On pourrait croire que ces derniers ont bénéficié de mesures exceptionnelles dans la dernière période : la réalité de la scolarisation inclusive est bien éloignée du discours officiel.

lundi 24 février 2020

une inclusion dans l'ambiguïté

Une inclusion dans l'ambiguïté



Cette représentation est souvent utilisée pour illuster l’inclusion et le modèle inclusif. Mais elle est peut-être en partie trompeuse. D’un côté, il faut reconnaitre qu’elle illustre de manière adéquate le fait que, dans le modèle inclusif, personne n’est laissé à l’extérieur, que tous les individus sont intégrés ou inclus dans les frontières dessinées de l’ensemble incluant. Ainsi, l’inclusion scolaire consiste bien effectivement à accueillir tous les élèves, quelles que soient leurs caractéristiques, et à refuser de ne pas accueillir l’un d’eux. Cette représentation graphique figure bien par conséquent le modèle inclusif opposé à un modèle d’exclusion qui laisserait à l’extérieur certains des individus.

lundi 17 février 2020

désinstitutionnalisation et inclusion

Désinstitutionnalisation et inclusion


Depuis quelques décennies déjà, le terme de désinstitutionnalisation fait florès, inquiétant bien souvent les professionnels et les gestionnaires d’établissements. Ainsi que le définit l’ONU, « le concept de désinstitutionnalisation est un processus qui prévoit le passage des milieux de vie institutionnels et autres structures ségrégationnistes à un système permettant une participation sociale des personnes handicapées, dans lequel les services sont fournis à l’échelle de la communauté selon la volonté et les préférences individuelles ». Elle désigne donc un processus qui consiste à apporter des services dans l’environnement ordinaire, et non plus à répondre aux besoins au sein des établissements.

mercredi 12 février 2020

déficience, incomplétude, égalité

Déficience, incomplétude, égalité

L’approche des situations de handicap par l’entrée première et principale de la déficience et des incapacités qui en seraient les conséquences univoques et directes (et par conséquent des soins et traitements qui en seraient la réponse) est une approche qui est qualifiée dans le champ de la recherche d’approche bio-médicale. On pourrait la caractériser aussi comme une approche défectologique, dans la mesure ou la déficience est considérée comme une diminution des caractères humains, comme une amputation d’humanité. 

L’approche défectologique est une manière de considérer que certains humains ne sont pas pleinement humains dans la mesure où il leur manquerait quelque chose par rapport à ce qui est institué comme norme, par-delà les différences individuelles. La norme définit une frontière entre un groupe et des catégories unifiées, généralement majoritaires, et d’autres individus regroupés par caractéristiques de catégories identiques administrativement (c’est la situation de la catégorie handicap).


vendredi 7 février 2020

autonomie et protection

Autonomie et protection

Les notions d’autonomie et de protection ont été de tout temps des identificateurs de l’action auprès des personnes en situation de handicap ou vulnérables, jouant alternativement de leur primauté : la protection a longtemps été première, l’autonomie s’est inscrite progressivement comme projet. Si ces notions ont toujours été au principe des pratiques, elles n’ont pas toujours eu les mêmes significations.

Lorsque l’autonomie est conçue comme projet, la personne concernée est en mesure de se donner, au fur et à mesure, que cela fonctionne ou pas, des outils pour devenir de plus en plus autonome. Dans ce processus, il bénéficie d’aides ou d’accompagnements pour faire valoir ses droits, malgré l’écart entre sa situation d’autonomie partielle et son objectif d’autonomie à atteindre.


lundi 3 février 2020

L'inclusion n'est pas un plus d'intégration

L'inclusion n'est pas un plus d'intégration : l'exemple des jeunes sourds


Développement d’un article publié dans la
Revue EMPAN, n° 89, mars 2013

J’avais publié une forme réduite de l’article dans la revue Empan. Je viens de retrouver la forme développée de cet article, que je propose ici. Les problématiques relatives aux notions d’intégration et d’inclusion ont bien évolué depuis 2013. A la relecture du texte, il reste d’actualité, et la réflexion sur les enjeux respectifs de ces deux notions et expériences mérite d’être approfondie.

Introduction

On assiste depuis quelques années, et avec une plus grande occurrence depuis la loi du 11 févier 2005[1], à une évolution sémantique qui substitue fréquemment, et de plus en plus, le terme inclusion à celui d’intégration. Celui-ci a été contesté bien avant la publication de cette loi, en particulier en raison des restrictions qu’il portait relativement à la place accordée aux personnes handicapées dans la société. Emblématique de cette critique est le Rapport Lachaud : « Il est temps de cesser de parler d’« intégration scolaire », car il n’est pas concevable qu’un individu ait besoin d’« intégrer » la communauté nationale sauf à en être étranger. Les enfants, les adolescents et les adultes handicapés appartiennent pleinement à notre communauté. »[2] Même si le terme inclusion n’est pas explicitement utilisé dans cette loi, les valeurs et les principes d’action qui y sont présents réfèrent à une philosophie de société inclusive et de droits humains.

vendredi 24 janvier 2020

les risques de la catégorisation

Les risques de la catégorisation

Les personnes handicapées constituent une catégorie, à l’intérieur de laquelle les populations sont extrêmement diversifiées. Elle a été construite davantage en fonction d’objectifs et de contraintes administratifs qu’en fonction des caractéristiques des populations concernées. Les catégories servent ainsi à organiser l’action publique selon des critères administratifs « objectivés ». Mais il faut aussi se rendre compte que les catégories et les catégorisations ont des effets sur les personnes catégorisées et sur le regard qu’on porte sur elles, les assimilant à une définition ontologique donnée par la catégorie. 

lundi 20 janvier 2020

compensation et accessibilité

Compensation et accessibilité


Compensation et accessibilité sont les deux notions centrales de la loi du 11 février 2005, et des notions aujourd’hui familières. A priori, il ne semble pas difficile de distinguer ces deux notions. De la compensation, relèvent toutes les actions et tous les objets qui réduisent la distance entre la personne qui a une déficience ou une incapacité et les normes établies de l’environnement. Dans ce registre, on trouve autant les prothèses que les rééducations nécessaires à l’usage d’un organe, ou encore les AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap) à l’école. De l’accessibilité dépendent tous les aménagements ou les changements opérés dans l’environnement pour favoriser la participation des personnes, en tenant compte de leurs différences : en relèvent les plans inclinés et les ascenseurs, la traduction en langue des signes ou les sous-titrages, de même que l’aménagement pédagogique effectué par un enseignant dans sa classe.

mercredi 15 janvier 2020

accessibilité et éducabilité

Accessibilité et éducabilité


Depuis de longues années, un débat porte sur la nature et les modalités de l’accompagnement des jeunes sourds à l’école, l’alternative consistant dans le choix ou bien de l’accompagnement par des enseignants spécialisés en surdité ou bien des accompagnements par des « interface » de communication (interprètes en langue des signes ou codeurs en langue française complétée codée). La question, pratique autant que théorique, n’est pas si anodine, car elle révèle la représentation que l’on peut avoir des élèves sourds et sur les situations de handicap y afférant. L’histoire des évolutions dans ces domaines est éclairante.

vendredi 10 janvier 2020

Lecture : Liberté égalité autonomie

Liberté égalité autonomie - Handicap : en finir avec l'exclusion

de Pascal JACOB (Dunod, 2018)

Voici un plaidoyer pour l’autonomie, la plus petite soit-elle, des personnes en situation de handicap. L’autonomie, c’est la condition indispensable et incontournable de l’humanité de chacun. Elle ne se confond pas à l’indépendance, même si elle s’oppose à la dépendance. L’autonomie commence par la prise de parole des personnes concernées, et c’est ce par quoi commence l’ouvrage : des témoignages, assez longs, de la lutte pour l’autonomie qu’ont dû mener plusieurs personnes en situation de handicap. Dans ces témoignages, ainsi d’ailleurs que dans l’ensemble du livre, nombre d’institutions, le système de « prise en charge », les habitudes professionnelles, sont pointés comme facteurs de dépendance et d’obstacles à l’autonomie. 

lundi 6 janvier 2020

L'inclusion comme avatar

L'inclusion comme avatar


Se mettent aujourd’hui en place des dispositifs qui se font labelliser « dispositifs inclusifs », et ceci au nom de l’inclusion. La création d’une classe spéciale pour de jeunes autistes, une nouvelle Unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS), un dispositif d’externalisation d’une unité d’enseignement (UEE) sont médiatisés par la presse, par la communication gouvernementale ou par des associations comme étant autant de dispositifs témoignant d’une inclusion en cours, voire d’une inclusion déjà là, d’un processus irréversible d’inclusion ou encore d’une école devenue inclusive.