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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 3 avril 2020

institution et désinstitutionnalisation

Institution et désinstitutionnalisation


Lorsqu’on évoque la participation sociale des personnes en situations de handicap, le développement de leur pouvoir d’agir, la valorisation de leurs rôles sociaux, leurs droits et l’accès à ces droits, le respect de leurs aspirations, deux notions viennent immédiatement à l’esprit, la société inclusive et la désinstitutionnalisation, comme deux modalités d’accès à cette nouvelle place des personnes en situation de handicap dans la société. La désinstitutionnalisaton peut être envisagée selon deux orientations, fondamentalement différentes.

Dans la première orientation, la désinstitutionnalisation constitue un objectif de transformation, d’une organisation médico-sociale fermée à un accompagnement ouvert dans les diverses institutions mainstream de la société, via des services souples et adaptés. C’est cette orientation que l’on trouve mise en avant dans les politiques publiques organisant le secteur médico-social, à travers des outils de transformation de l’offre : contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, SERAFIN-PH, évaluations, reddition de comptes, appels d’offres… C’est aussi ce qui constitue le marché des nombreux consultants, évaluateurs, formateurs, coachs intervenant dans le secteur : l’institution est la représentante du passé, l’objet négatif à transformer ou à faire disparaitre, le lieu maudit d’abus en tous genres. Tout n’est pas faux, loin de là, dans les critiques que l’on peut adresser aux institutions, et qui par conséquent rend nécessaires les objectifs de transformation.

Mais les choses ne sont jamais aussi simples que ce que voudraient mettre en évidence les anathèmes des experts et les injonctions des politiques publiques.

Il y a peu, une professionnelle me faisait part de cette situation. Elle travaille dans un dispositif d’unité d’enseignement externalisée (pour élèves sourds), qui n’a pas attendu les derniers décrets pour se délocaliser dans un groupe scolaire maternelle et élémentaire, depuis plus de vingt ans. La simple délocalisation initiale d’origine s’est peu à peu transformée en un dispositif pratiquant, pour la plupart des élèves, sur des temps variables, des temps d’inclusion accompagnée, importants pour certains d’entre eux. Arrivent dans le dispositifs deux jeunes élèves, « agités » sur le plan comportemental et relationnel. Au bout de quelques semaines, l’institution scolaire (avec tous ses acteurs) fait le « constat » que ces deux élèves, même s’ils sont accompagnés en permanence dans leurs activités, n’ont pas leur place dans l’école. Voilà donc l’institution contrainte de réinstutionnaliser un dispositif, de recréer un groupe (avec deux élèves !) au sein de l’institution, qui n’accueille par ailleurs aucun autre jeune (tous sont en effet externalisés). Cette professionnelle, pourtant très favorable à l’inclusion, se trouve contrainte de penser que celle-ci n’est pas possible. Non pas parce que par nature les enfants en situation de handicap seraient destinés à des dispositifs particuliers et spécialisés, mais tout simplement parce que l’environnement ordinaire n’en veut pas, quels que soient les efforts d’accompagnement qu’elle déployait. La désinstitutionnalisation ne fait pas la société inclusive.

La seconde orientation, bien plus complexe à concevoir et à mettre en œuvre, envisage la désinstitutionnalisation comme une conséquence d’un changement social, et l’objectif de travail sur la transformation de l’institution incluante. L’institution n’a plus lieu d’exister dès lors que la société devient ou est devenue inclusive. La désinstitutionnalisation devient une conséquence sociale d’un changement social et sociétal. Elle se fait à la mesure et au rythme de la qualité inclusive de la société. Lorsqu’elle se fait à marche forcée, sans que la société ou l’école deviennent inclusive, elle ne peut que justifier le retour aux institutions, et le constat du manque de place dans les institutions. Mettre la désinstitutionnalisation comme objectif comporte le risque d’immobilisme ou de régression ; mettre la transformation sociale des institutions mainstream comme objectif garantit davantage les possibilités de participation sociale des personnes en situation de handicap.

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