Autonomie et projet personnalisé
Il n’est pas un projet personnalisé qui aujourd’hui, comme hier, ne se conçoive sans la notion d’autonomie, inscrite à la fois dans la démarche (participation de la personne à l’élaboration de son projet) et dans les objectifs (l’un d’entre eux au moins vise à l’autonomie de la personne en situation de handicap ou vulnérable). Le projet « personnalisé » d’accompagnement est ainsi pensé sous le signe ou la figure de l’individu « capable » de son projet, responsable, libre, capable ou en voie d’être capable d’un comportement individuel « émancipé ». Le remplacement de la notion de prise en charge par celle d’accompagnement, qui accorde à la personne concernée un principe d’autonomie présente ou à venir, est un symbole fort d’un changement de paradigme.
Mais il demeure un paradoxe. La valorisation de ce principe
d’autonomie s’inscrit dans des dispositifs extrêmement encadrés par les
différents instruments des politiques publiques. Ainsi, la formalisation des
différentes formes de projets (de vie, d’accompagnement, de scolarisation, de
parcours…) constitue-t-elle le cadre obligatoire, à formaliser par conséquent,
des besoins et des aspirations des personnes concernées. C’est l’existence même
du projet, quel qu’il soit, et quelques soient ses contraintes sociales pour
l’individu, qui définit la possibilité de mise en œuvre de de la moindre
parcelle d’autonomie. L’autonomie en dehors du cadre du projet n’est plus autonomie,
n’est plus concevable que comme marginalisation, hors parcours, ou résistance,
auxquels les personnes concernées ou les professionnels n’ont pas intérêt ou ne
peuvent pas souscrire.
Car ces outils de politiques publiques participent d’un
certain contrôle social, privilégiant une uniformisation ou une
institutionnalisation des parcours, aussi individualisés soient-ils. Ce sont
aussi des instruments qui favorisent (voire n’autorisent que) des modes de vie
ou des parcours standardisés. Lorsque ceux-ci ne sont pas réalisés ou atteints
(par exemple une personne sans emploi qui ne parvient pas à retrouver un
emploi), c’est la capacité même d’autonomie de la personne qui est mise en
question. Le principe avancé de parcours ouverts à des conduites diversifiés et
choisies, témoignages de l’autonomie, se heurte aux contraintes normatives
exigibles. Il n’est pas simple d’être pleinement autonome (et émancipé) quand
les injonctions des politiques publiques tracent de manière injonctive le cadre
du parcours autorisé tout en affirmant le principe d’autonomie.
C’est pourtant ce paradoxe qui est à l’œuvre : un cadre institutionnel de parcours et de trajectoires contraignant en termes de valeurs et de modes de vie, et le recours à l’autonomie individuelle pour réaliser ce parcours balisé, parfois assorti de contreparties à fournir (on en reparle aujourd’hui dans les questions sur les « fraudes sociales »)
Tous autonomes ? Oui. Mais avec une remise en question des politiques publiques d’injonction à l’autonomie, qui serait la marque uniforme de l’adaptation individuelle au monde, et des outils de cadrage systématique de modes de vie standardisés et d’une définition de soi comme « entrepreneur de soi-même ».
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