Inclusion : tout va bien ! Vraiment ? (ce que nous apprend le déconfinement)
Lors de la préparation du déconfinement et dans ses premiers
jours, quand des enseignants ont été contraints de ne pas pouvoir reprendre
l’école, quand des enfants handicapés n’ont pas pu être rescolarisés, une
grande partie des politiques et des médias s’est empressée de lyncher leurs
boucs émissaires, les professionnels, qui feraient là la preuve de leur
mauvaise volonté, de leur rigidité mentale, voire de leur fainéantise. De cette
façon, les politiques inclusives restent valides, mais elles seraient
malheureusement contrariées par de mauvaises volontés. Ce lynchage n’étonne
même plus, tant le discours dominant de ces politiques et de ces médias
présentent des réalités aseptisées, réussies, sans difficultés. A la TV, les
réponses à la pandémie (disponibilité du matériel, organisation des soins,
régulations) se sont bien déroulées à tel point que le président de la
République a même affirmé qu’il n’y avait pas eu de rupture d’approvisionnement
de masques ; le déconfinement (retour à l’école, retour au travail,
transports) se passe bien ; l’inclusion des enfants handicapé lors du
déconfinement se passe bien, etc. Sauf que…
Sauf qu’une autre partie de la presse, d’autres politiques
(mais, nous disent les premiers, il s’agit d’opposants systématiques, ainsi
disqualifiés) et les réseaux sociaux (dans lesquels s’expriment des parents se
confrontent à des refus) fourmillent de contre-exemples, qui démontrent
largement que cela ne se passe pas si bien que cela. Si des enfants handicapés
ne peuvent pas retourner à l’école, ce n’est pas par mauvaises volontés
individuelles. Bien sûr, comme dans toute catégorie professionnelle, il y a des
« moutons noirs » qui, par principe ou par valeur, refusent d’inclure
certains enfants, dont ceux qui sont handicapés (ce sont ces quelques enseignants
qui regrettent d’avoir dans leur classe toutes sortes d’élèves qui « n’y
ont pas leur place »). Mais si la rentrée des élèves handicapés a été
difficile, que certains ont été refusés, c’est bien en raison des manques
criants et de l’oubli systématique de cette catégorie de population.
Le protocole sanitaire de reprise de l’école rédigé par le
ministère de l’éducation nationale comportait une cinquantaine de pages, mais
en oubliant les élèves en situation de handicap. La promesse, tardive, d’une
mise en place qui s’est fait attendre d’un protocole sanitaire de la part du secrétariat
d’Etat aux personnes handicapées a tenté de rattraper le coup, révélant de ce
fait l’absence de préoccupation de l’inclusion de l’administration de
l’éducation nationale. Si les 50 pages de mesures de retour à l’école
concernaient tous les élèves, rien n’était prévu spécifiquement pour faciliter
ou même garantir la rescolarisation des élèves handicapés. (dispositions
matérielles, accompagnements, aménagements). Les AESH (accompagnants des élèves
en situation de handicap) ont été complètement oubliés dans tous les discours,
plans et mesures prises, alors qu’ils sont extrêmement présents et
indispensables à la scolarisation de nombreux élèves handicapés. Ils ont même
été utilisés parfois pour des tâches d’organisation générale de l’établissement
scolaire, au détriment de leurs accompagnements.
Des enfants en situation de handicap ont été refoulés de
l’école. Le gouvernement a jugé cette « discrimination
inadmissible ». Avec raison. Mais il est tout aussi inadmissible de
n’avoir rien prévu pour enlever les obstacles à cette discrimination. Le
pouvoir politique déclare prioritaire la scolarisation des élèves en situation
de handicap dans le cadre d’une école de la confiance, inclusive. Les actes
manqués récurrents de l’impréparation et de l’absence de préoccupation de cette
perspective dans un moment de crise témoignent de l’écart entre un discours
bienséant d’un « tout va bien » inclusif et les réalités concrètes et
organisationnelles d’une inclusion qui fait toujours ségrégation. En accusant
des professionnels, qui n’y peuvent mais, de faillir à l’objectif fixé de
l’inclusion, le pouvoir politique se défausse de ses responsabilités et ne fait
que renforcer son hypocrisie inclusive.
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