biographie

Ma photo
Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

jeudi 30 avril 2020

inclusion : des obstacles invisibles

Inclusion : des obstacles invisibles


On déplore, à juste titre, que la société soit loin d’être inclusive. A l’appui de cette assertion, les arguments ne manquent pas : des organisations et institutions de droit commun excluantes, des carences dans l’accessibilité, un manque de moyen criant dans certains secteurs, la pérennisation des catégories spécifiques et de leurs dispositifs, etc… Il est vrai que l’on se félicite dans le même temps que toutefois les choses changent, même si les évolutions sont insuffisamment rapides.

Dans la présentation habituelle de cette situation, les obstacles qui sont mis en avant sont des obstacles de « superstructures », matérielles ou organisationnelles. Mais il se trouve que, même lorsque ces obstacles sont levés, et il faut reconnaitre que le projet politique depuis de nombreuses années va dans ce sens, quelle que soit la couleur politique du pouvoir, et bien, on se heurte quand même à une muraille de verre qui interdit de fait toute évolution majeure. Il y a par conséquent des obstacles invisibles, subconscients ou inconscients, qui constituent la trame de pensée, d’attitude, de réflexe, tout ce qui constitue les mentalités et les représentations. Celles-ci ne sont en effet peut-être pas si inclusives que ce que le discours politique unanime laisse percevoir.

L’examen de la situation de la surdité et des sourds permet d’illustrer le propos. On a assisté depuis maintenant plusieurs décennies, et grâce aux combats des sourds eux-mêmes, à leur visibilisation dans le paysage social et sociétal et à une certaine reconnaissance de leurs spécificités. La reconnaissance de la langue des signes comme langue de communication, de pensée et d’éducation a été reconnue en 2005, et le nombre de locuteurs, sourds ou non, l’utilisant a augmenté. La communauté sourde s’est fait connaitre dans le grand public comme dans la recherche. Les niveaux de scolarisation et de formation se sont élevés. L’accessibilité s’est développée dans les médias, le travail ou la culture. Il est même évoqué, pour définir la population des personnes sourdes, la catégorie de minorité linguistique plutôt que la catégorie de personnes handicapées. Bien évidemment, les choses ne vont pas assez vite et nombre de situations manifestent encore des phénomènes d’inclusion.

En face de ces évolutions, les médias et les réseaux sociaux mettent en valeurs d’autres indicateurs. Ils privilégient bien souvent des personnes qui ont surmonté leur handicap, à force de prothèses, de rééducations et d’efforts surhumains (comme si c’était ce qui les rendait véritablement humains). Qui ont surmonté l’obstacle du sonore : les personnes qui parlent bien, celle qui est devenue avocate (oralisante), celui qui est normal parce qu’il communique oralement avec des amis entendants, etc. Il y a comme un inconscient collectif, dans lequel les valeurs de normativité sont bien présentes, qui mettent en avant la ressemblance acquise (parfois durement) et ignorent des différences « vitales » psychologiquement et socialement. Il s’agit là d’« oralo-centrisme », et le validisme entendant prévaut.

La surdité, en tant que caractéristique, relève d’une même approche. Il n’est que de consulter le site Doctissimo, emblème d’une approche médicale grand public, pour voir que la surdité est considérée comme une maladie à guérir, une caractéristique qu’il faut éradiquer et faire disparaitre. La page « Troubles de l’audition : dépistage de la surdité » comporte 5 chapitres nommément et strictement médicaux. L’approche est identique dans la page « Surdité de l’enfant ». Nulle part n’est mentionnée la langue des signes, ou une éducation bilingue. La seule perspective est celle de la compensation prothétique, de la rééducation et de la maîtrise de la langue orale. On ne peut donc s’étonner de la généralisation du diagnostic à la naissance, de la généralisation de l’implantation cochléaire, de l’éducation oraliste. Au détriment de la reconnaissance des besoins des personnes sourdes, de leurs aspirations, du respect de leurs caractéristiques. Ce n’est pas ainsi que la société devient accueillante aux personnes sourdes, ni ne devient inclusive.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire