Handicap et accès aux soins
Un rapport a été remis en cette fin d’année 2019 à la ministre de
la santé et à la secrétaire d’état chargée des personnes handicapées : Améliorer
l’accès aux soins des personnes en situation de handicap accompagnées par un
établissement ou service médico-social (J. Lenormandie et S Talbot). Comme
on pouvait le supposer, on le « savait », ces personnes en situation
de handicap n’ont pas un accès satisfaisant aux soins. Malgré des incertitudes,
le rapport le confirme dans son chapitre 2 : « Les difficultés
d’accès aux soins des personnes en situation de handicap accompagnées par des
ESMS sont difficiles à objectiver. »
Le livre de Pascal Jacob (Liberté égalité autonomie, Dunod, 2018) témoigne de nombreux exemples où l’accès aux soins reste difficile, et pointe en particulier la problématique de la difficulté de relations entre soignants et personnes en situation de handicap. Les témoignages attestent en particulier le manque de formation et d’information des soignants sur la manière de faire avec les personnes handicapées. La Charte Romain Jacob peut constituer un outil d’amélioration de la situation. Plus largement, on peut considérer que les personnes handicapées n’ont pas un accès satisfaisant aux soins : l’application handifaction donne des chiffres impressionnants sur leur insatisfaction. J’ai récemment encore entendu un directeur d’établissement me dire : « Dans mon établissement [adultes handicapés], lorsque l’un d’eux doit avoir des soins dentaires importants, s’il n’y a pas d’éducatrice qui l’accompagne, c’est systématiquement une anesthésie générale qui est préconisée. Les soignants ont peur des personnes handicapées » concluait-il.
On est en droit de s’interroger en particulier sur l’accès
aux soins dans les établissements et services. En effet, voilà des établissements
qui réfèrent de manière massive au « médical » (dans leur
dénomination médico-sociale, dans leur rattachement à des organisations de
santé comme l’ARS, dans les approches et pratiques encore massivement
médicalisées), qui ont généralement du personnel médical et paramédical en
nombre et en position de pouvoir et d’influence, et dont la préoccupation ne
semble pas être première en termes de qualité et de suivi de soins, et soit
même si défaillante. Il s’agit là d’un étrange paradoxe.
Etaient-ils mieux soignés avant, lorsque les institutions
comportaient en leur sein les réponses médicales appropriées (médecin
généraliste, médecin spécialiste, dentiste…) ? Si c’était le cas, on
pourrait considérer que les usagers étaient mieux soignés peut-être, mais dans
quelles conditions ? Les institutions étaient quelque peu totalitaires, et
la question des besoins et des aspirations des personnes handicapées ne se
posait pas. Les soins étaient décidés unilatéralement par les médecins et les
soignants, qui seuls savaient. Nombreuses ont été les situations d’abus, où les
personnes handicapées ont été soumises à des traitements, sans informations ou
connaissance ou même contre leur volonté. Maintenant que la médecine de ville répond
progressivement et de plus en plus (c’est aussi ce que préconise le rapport)
dans les soins généraux, la question se pose autrement. C’est là aussi que se
dévoilent les défaillances d’une société pas encore inclusive dans l’accès aux
soins.
Mais
il me semble aussi que l’on a hérité, inconsciemment, dans encore de nombreux
établissements et services, de postures professionnelles où l’on n’écoute pas
les besoins et les aspirations des personnes concernées, postures dans
lesquelles le pouvoir et l’autorité appartiennent encore aux professionnels, et
ceci avec d’autant plus de force que l’on est dans le registre de l’autorité
médicale, qui s’arroge « naturellement » ce pouvoir. L’on a hérité
aussi d’une « évidence » cognitive : le handicap étant encore
conceptuellement très attaché à des caractéristiques personnelles très liées au
corps et à son fonctionnement, la réparation du dysfonctionnement compte
peut-être davantage que l’accès général aux soins, comme pour tous.
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