L'insoutenable subordination des salariés
de Danièle LINHART (érès, 2022)
De courts (1 page) propos, d'actualité ou pas, sur la manière de prendre en considération, sur le plan théorique et pratique, les situations de handicap dans notre société.
L'insoutenable subordination des salariés
de Danièle LINHART (érès, 2022)
Un « arrêté du 28 mars 2023
relatif au diplôme d’état du Certificat d’aptitude au professorat de
l’enseignement des jeunes sourds » (CAPEJS) modifie les conditions et
contenus de formation et la certification du diplôme, accompagné d’une très
longue annexe sur le référentiel métier. Quoi de plus naturel que d’ainsi
modifier un diplôme pour accompagner les changements de pratiques.
Mais à examiner les choses de près, on ne peut manquer de s’étonner de l’inscription de ces modifications dans le contexte actuel. En effet, à l’heure de l’école inclusive, inscrite comme règle et comme objectif politiques et sociétaux, confirmer l’existence d’un diplôme spécialisé d’enseignement, sous signature des services de la Cohésion sociale qui plus est, semble quelque peu anachronique et manquer de cohérence. Quand tous les discours politiques clament l’objectif et la volonté inclusives, en dépit certes de tous les actes manqués témoignant de nombreuses pratiques inverses, pourquoi un diplôme d’enseignement hors du champ du système éducatif pour tous, héritier d’une éducation spécialisée bicentenaire, qui placé les enfants sourds et aveugles hors du champ de l’éducation pour tous, et les en a soustrait ? Certes à certaines époques de l’histoire, cette éducation fut un bénéfice certain pour les élèves concernés, exclus de toute façon de l’éducation dite ordinaire. Mais la question se pose légitimement à l’heure de l’éducation inclusive.
La terminologie situation de handicap est aujourd’hui banalisée, elle devient LE terme politiquement correct. Au point d’avoir un sens très large et finalement imprécis. Dans cette évolution sémantique, il est à craindre que la nouvelle terminologie n’apporte pas beaucoup de modifications ni aux représentations, ni aux attitudes, ni aux pratiques relatives aux rapports que l’on entretient avec les personnes concernées. L’expression a remplacé le terme handicap, qui lui-même avait remplacé les termes de déficience, d’invalidité et d’incapacité. De même, l’expression personne en situation de handicap a remplacé personne handicapée ou personne déficiente.
La loi de 2005 sur les personnes handicapées, laquelle est toujours d’actualité, est faite au bénéfice des personnes concernées, mais dans le même temps à destination des institutions (fermées ou ouvertes), incitant celles-ci à des évolutions importantes au profit des personnes qu’elles accompagnent. Dans cette perspective, la loi se prolongera quelques années plus tard par une réforme de l’offre de service et une réforme des financements adéquats (SERAFIN-PH). Mais la loi en question, ainsi que ses prolongements, se cantonne à se focaliser sur les personnes en situation de handicap et sur les organisations qui en ont la charge. Elle ne s’atttaque pas, ou alors à la marge, par quelques mesures ciblées et prudentes d’accessibilité, aux réformes et aux évolutions structurelles, sociétales, de la société, qui pourraient pourtant être une clé d’entrée d’un fonctionnement inclusif. Elle limite le problème à une question des effets subis par le handicap, pas aux causes des situations de handicap que vivent les personnes concernées.