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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 18 septembre 2020

une indifférence aux différences

Une indifférence aux différences

L’école inclusive est censée porter attention aux différences. Mais le fait-elle vraiment, et dans quelles conditions ? Dans un certain nombre de situations, on a pu observer des évolutions significatives des modalités d’enseignement et d’accueil d’élèves aux marges des normes classiques de la scolarisation. L’accueil des élèves en situation de handicap ou d’élèves en grande difficultés, ou encore éloignés de la culture scolaire, a mis en évidence les ressources d’adaptation des enseignants à ces populations, dans la différenciation des modalités pédagogiques ou l’aménagement des conditions d’apprentissage. Non sans ambiguïtés.

Les dispositifs mis en place, en effet, sont encore focalisés sur le traitement de l’écart à la norme, et sur sa réduction. C’est bien sûr une manière de reconnaitre les différences, mais pour les identifier souvent de manière catégorielle et y répondre de manière individuelle. Les différences sont en quelque sorte diluées dans une somme de singularités et de particularités auxquelles s’adressent les réponses des enseignants. Autrement dit, dans la classe, les modalités choisies sont d’une double nature : celles destinées à l’ensemble des élèves de la classe, les « normales », et celles destinées à un ou quelques élèves à « besoins particuliers », qui sont exceptionnelles et dérogatoires. Il se trouve que parfois les enseignants tirent de cette expérience de besoins particuliers des modalités adéquates à tous, et c’est heureux.

C’est pour cette raison que la compensation (c’est-à-dire le comblement de l’écart entre les caractéristiques particulières de tels élèves et les caractéristiques moyennes des autres élèves) reste la modalité essentielle de la scolarisation, mettant les différences dans l’ordre de l’écart à combler. L’accompagnement par des AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) relève de ce principe : il·elle est présent·e comme médiateur entre l’élève concerné et le reste de la classe (élèves et enseignant) pour qu’il puisse être scolarisé, faire des apprentissages, se socialiser… La rééducation (paramédicale) permet à l’élève d’établir ou rétablir des fonctions ou des aptitudes qui lui permettront de se rapprocher des standards attendus. La compensation marque ainsi, plus qu’une indifférence aux différences, une reconnaissance de ces différences, mais pour les atténuer, voir les faire disparaitre de l’extérieur quand c’est possible.

Les modalités d’accessibilité sont certes plus sensibles à la prise en compte des différences : des aménagements pédagogiques « universels », une architecture accessible, des mentalités favorables à l’accueil de tous témoignent d’une certaine fin de l’indifférence aux différences, c’est-à-dire au fait d’inclure d’emblée et par principe tous les enfants dans les institutions pour tous. Mais suffit-il de lever les obstacles environnementaux pour acter de la fin de l’indifférence ? A vouloir se désencastrer (avec raison) de la catégorie handicap qui détermine des assignations, des stigmatisations et concrètement des parcours séparés, on promeut l’égalité dans la suppression des freins environnementaux, en ignorant le traitement des conditions d’inégalité induites par les implications sociales d’une déficience dans les institutions.

Dans ces modalités, l’enfant reste contraint en quelque sorte à se comparer à l’aune d’une normalité qui lui est parfois inaccessible, pendant que l’environnement prétend diluer les différences dans une somme de singularités qui sont pour la plupart ressemblantes, quand lui est renvoyé à sa différence. Dans ce contexte, ce n’est plus l’école de tous pour vivre et apprendre ensemble, c’est l’école de chacun pour vivre et apprendre à côté d’autres chacuns. Les dimensions sociales qui conditionnent l’acception (la non indifférence) des différences sont ignorées au profit de réponses pour des individus singuliers. La réunion de ressemblances (par des dispositifs spécifiques), là où elles pourraient être valorisées en tant que telles, pourrait être une modalité de rupture de l’indifférence aux différences.

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