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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 7 octobre 2020

projet inclusif et créolisation

 Projet inclusif et créolisation

Je n’avais jamais envisagé, faute de connaissances, de curiosité et d’approfondissement de réflexion, que le terme de créolisation puisse nommer un concept ailleurs que dans le domaine linguistique, où la confrontation et les échanges entre deux langues produisaient de nouvelles formes linguistiques (le créole). Le terme, sorti de l’anonymat par Mr Mélenchon en référence à l’œuvre de l’écrivain Edouard Glissant, porte une valeur et une signification auxquelles il est intéressant d’être attentif lorsqu’on réfléchit sur l’inclusion et le projet inclusif.

La créolisation dit E Glissant n’est pas un simple métissage, mais un métissage qui produit de l’imprévisible (voir le site : edouardglissant.fr). C’est l’idée que des cultures du monde sont mises, de fait, en contact, et que de leur contact nait de l’imprévisible dans les cultures et dans la production commune qui en résulte. Cela suppose que les éléments des cultures en contact, d’un côté comme de l’autre, soient considérées par les uns comme par les autres, comme d’égale valeur. L’imprévisible qui survient n’est pas une addition culture 1 + culture 2, ou identité 1 + identité 2, mais quelque chose de nouveau. Cela suppose aussi que le résultat est imprévisible, non donné d’avance, qu’il se construit dans l’aléa.

Autrement dit, lorsque des cultures, ou des modes de vie, sont en présence, y compris parfois sous forme de confrontation rude, ce qui se produit de la présence ou de la confrontation n’est pas une assimilation de l’une par l’autre (comme ce fut le cas dans les phénomènes de colonisation) ; ce n’est pas non plus une juxtaposition de l’une et de l’autre (comme cela peut être rêvé dans les assignations identitaires de certains modèles multiculturalistes). C’est une création imprévisible, génératrice d’une production sociale nouvelle, d’une nouvelle culture, d’un nouveau mode de vie, qui utilisent les éléments de l’une et de l’autre pour se constituer de manière imprévisible et mouvante. Une condition est nécessaire : que ces éléments soient considérés comme positifs par les uns et les autres.

Le concept me semble tout à fait intéressant pour penser l’inclusion dans une nouvelle perspective. L’inclusion, telle qu’elle se décline aujourd’hui sur le plan théorique et pratique, est l’héritière de la notion d’intégration, même si elle en a perverti partiellement le modèle. Malgré tout, le modèle reste prégnant dans les réalités pensées et agies sur le terrain. Or l’intégration est le « contraire » de la créolisation. Elle fonctionne en effet sur le principe de l’assimilation. En effet, les conditions pour être intégré (au travail, à l’école, dans l’espace public) étaient d’être relativement proche de la norme des « valides », ou d’avoir surmonté ses différences à l’issue de réadaptation, de rééducation et d’efforts personnels. Le mode de vie dominant, celui des « normaux », celui des « valides », reste celui auquel devraient parvenir au mieux les personnes en situations de handicap. L’inclusion a certes changé quelque peu la donne, en ajoutant à cette perspective celle de la nécessaire adaptation de l’environnement « normal » aux conditions de vie de ces personnes.

Mais elle est restée quelque peu en chemin, en n’affirmant pas, dans les faits plutôt que dans les principes d’ailleurs, l’égalité de valeur d’autres modes de vie, d’autres cultures que celle dominante, celle des « valides ». C’est peut-être aussi ce qui explique que la société inclusive progresse certes, mais se heurte de manière de plus en plus visible, à un mur invisible, véritable obstacle à son développement. En définitive, les frontières de la norme restent globalement identiques, et n’englobent pas les différences de modes de vie ou de culture. C’est en ce sens que la réflexion sur l’inclusion, sur l’imprévisibilité de la société inclusive, comme créolisation est pertinente : présence et confrontation de différents modes de vie, modes de rapports au monde, modes d’être, tous d’égale valeur éthique, qui permettraient de créer de nouvelles modalités de fonctionnement dans l’ensemble des institutions de la société.

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