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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

jeudi 10 décembre 2020

inclusion : du pourquoi au comment ?

 Inclusion : du "pourquoi ?" au "comment" ?

Lors de ma participation à l’assemblée générale d’une organisation intervenant dans les domaines de formation et de conseil dans le secteur social et médico-social, j’ai entendu le président indiquer que nous étions passés en quelques années du « pourquoi l’inclusion ? » au « comment l’inclusion ? » aujourd’hui. Ce propos illustre, il est vrai, une modification fondamentale de l’appréhension de la problématique de l’inclusion, de la société inclusive, de l’école inclusive. Mais l'évolution des questions est-elle  pour autant pertinente ?

Les premiers débats sur l’inclusion, chez les professionnels de terrain et leurs responsables, étaient positionnés en termes d’élargissement ou d’approfondissement de l’intégration. Celle-ci reposait sur le principe d’accueil de populations handicapées, à condition toutefois que celles-ci puissent s’adapter aux institutions de la vie ordinaire (école, travail, espace public), sans trop se préoccuper des contraintes qui leur seraient imposées pour changer afin de s’adapter aux conditions de vie de ces personnes. L’extension de l’intégration dans ce modèle de fonctionnement trouvait bien évidemment ses limites à la mesure de l’éloignement des personnes d’avec la norme faite pour « l’ordinaire ». La notion d’inclusion, telle qu’on la comprend aujourd’hui, n’apparaissait pas pertinente dans un tel modèle, qui présupposait une frontière entre ceux qui pouvaient être inclus et ceux qui ne pouvaient pas. Alors « pourquoi l’inclusion ? »

Cette même question se posait du point de vue du regard que la société portait sur les personnes en situations de handicap. Quand une personne handicapée était vue d’abord comme une personne spéciale, déficiente et par conséquent avec des manques à combler, avec des incapacités à réduire ou des capacités à restaurer, les dispositifs et filières spécialisés constituaient une réponse évidente, logique, naturelle, non fondamentalement remise en cause d’ailleurs par le modèle intégratif. Dans ce registre de représentations, le modèle de l’inclusion n’était pas véritablement une question, et il a fallu attendre l’émergence d’autres représentations pour poser la question du pourquoi de l’inclusion. Progressivement, l’émergence d’autres modèles du handicap (modèle social, modèles écosystémiques), les revendications des personnes handicapées elles-mêmes de reprendre leur vie en main (« rien pour nous sans nous »), l’affirmation de leurs droits dans différentes instances nationales ou internationales, la préoccupation sociétale de leur autonomie et de leur autodétermination, ont changé la donne et donné un contenu plus consistant à la réponse au pourquoi l’inclusion.

Dans ce contexte, la question du pourquoi étant résolue, se posait inévitablement la question du comment. De nombreuses initiatives, individuelles ou collectives ont vu le jour, issues des personnes en situation de handicap elles-mêmes, d’entrepreneurs d’outils de compensation ou d’accessibilité, des institutions, de l’administration publique ou des collectivités. Elles ont favorisé la qualité de vie des personnes concernées, elles ont amélioré leur participation sociale et leur autonomie, elles les ont rendues plus citoyennes. Les réponses au comment ne sont pas closes, et laissent envisager le déploiement d’une inventivité favorable.

Pour autant, la question du pourquoi l’inclusion est-elle close ? Sur le plan formel et théorique, cela semble être le cas. Mais sur le plan de la réalité inclusive, la question se pose encore. Sinon, pourquoi des enfants handicapés sont-ils encore refusés à l’école ou ne disposent-ils pas des aides nécessaires ? Sinon, pourquoi le taux de non-travail des personnes en situation de handicap est-il au moins le double de celui des personnes non handicapées ? Sinon, pourquoi l’école continue-t-elle d’être élitiste et sélective (excluant donc certains) et séparatiste (tolérant des ghettos de privilégiés) ? Sinon, pourquoi les conditions d’emploi et de travail se dégradent-elles, excluant les plus fragiles et les moins rentables ?

Poser la seule question du comment aujourd’hui sert aussi à occulter les nombreuses questions du pourquoi, qui interrogent les conditions politiques d’une société inclusive. Le comment ne suffit pas.

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