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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 7 septembre 2020

à contre-culture de l'inclusion

A contre-culture de l'inclusion

L’inclusion semble être une évidence politique et sociale. Elle est prônée par les pouvoirs publics comme étant un projet politique et éthique fort et incontournable, parfois aves des stratégies d’occupation du terrain et à coups de plateformes téléphoniques et numéros verts, ou à coups de mise en réseaux organisationnels et professionnels qui ignorent, voire masquent, des réalités de terrain qui sont loin d’être inclusives, quand ce ne pas pour se dispenser d’une mise en œuvre véritablement inclusive. Poser l’inclusion comme déjà là, ou comme véritablement en cours et en progression significative, c’est aussi faire fi des conditions d’avancée de cet idéal inclusif dans les réalités des diverses institutions sociales pour tous. Car l’horizon inclusif n’est pas réduit à une scolarisation satisfaisante d’enfants en situation de handicap ou à l’emploi de « travailleurs handicapés », mais il définit un enjeu politique et sociétal.

L’opposition entre promoteurs et résistants au projet inclusif n’est pourtant pas si nette, entre projet et réalités. Cette société, la nôtre, est remplie de valeurs dont certaines sont favorables à une progression vers une société inclusive, mais dont d’autres sont clairement à rebours de l’idéal inclusif. Et ces valeurs appartiennent autant aux promoteurs qu’aux résistants. La société est dans une recherche permanente d’équilibre entre des valeurs contradictoires. Dans un entretien accordé à la revue Empan (n°117, mars 2020), Charles Gardou indique que la notion de société inclusive « apparait en quelque sorte à contre-culture, telle une idée ronde dans un monde carré ».

Il décline cette idée des divergences de valeurs, de postures, de mentalités, par cinq oppositions de qualification de temps. (1) « Nous vivons un temps contradictoire qui prône l’égalité mais hiérarchise les vies, jugeant leur rentabilité ». Entre l’égalité formelle des droits affirmée dans tous les textes, et les situations humaines de fait, il y a bien des contradictions. Les inégalités croissantes sont admises et permises, qui vont de l’extrême pauvreté aux plus grandes fortunes ; le mépris des « élites » envers « ceux qui ne sont rien » s’affiche politiquement sans vergogne ; certaines personnes ont moins valu que d’autres dans les choix qui ont dû être faits lors de la pandémie COVID-19. Prôner l’égalité des droits dans le cadre de l’inclusion est incompatible avec le renforcement de ces valeurs.

(2) « C’est aussi un temps paradoxal qui affirme respecter la fragilité et, en même temps, la marginalise, se perdant dans des idéaux de puissance et la « tentation de l’illimité ». L’homme (plutôt que la femme) compétitif, fort, beau, agile, adapté devient la norme à atteindre, rejetant dans les marges les « inadaptés » (on revient ici au vocabulaire qui avait cours au milieu du XXe siècle !). La diversité des situations de vie (maladies, déficiences, handicaps, vieillesse) et la diversité des caractéristiques humaines, pour peu que celles-ci dérogent aux valeurs et normes dominantes, sont pathologisées et vouées à être « guéries », dans la perspective d’une illusoire perfection humaine.

(3) « C’est également un temps ambivalent, où l’on parle abondamment d’accompagnement humain tandis que les plus vulnérables, dont les personnes en situation de handicap, vivent souvent avec un sentiment de délaissement, de mise à l’écart, de désaffiliation et d’insécurité dans une société qui se veut de plus en plus sécurisée ». Un certain nombre de choix sociétaux et politiques accroissent la vulnérabilité, et interdiraient de prétendre à la prétention inclusive. (4) « C’est un temps qu’on peut qualifier de désarmant, un temps qui se veut indépendant d’esprit mais s’assujettit à des normes souveraines ». Les singularités revendiquées dans le projet politique libéral sont démenties par les barrières des normes implicites exigées. (5) « C’est enfin un temps indécis qui dit faire place à la diversité, mais ceux qui par leur mode d’être-au-monde, n’entrent pas dans les cadres usuels de reconnaissance se voient plus ou moins exclus de la photographie de famille. »

Le projet inclusif se trouve bien inséré dans des valeurs contradictoires, dont certaines constituent des obstacles majeurs à son inscription dans les évolutions de la société.

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