Inclusion, besoins particuliers et contraintes catégorielles
La reconnaissance des besoins éducatifs particuliers conduit normalement à accueillir dans le milieu scolaire, de manière plus satisfaisante et significative, des enfants qui n’y étaient pas, ou mal, accueillis auparavant. Ces enfants sont identifiés comme faisant partie de catégories définies « politiquement » : enfants en situation de handicap, mais aussi enfants provenant de l’immigration ou de milieux nomades, ou de milieux de grande pauvreté. L’approche de besoins particuliers est censée ouvrir les modalités d’accueil de l’école à tout enfant, en fonction de ses besoins particuliers, personnels, individuels, en classe, indépendamment de toute appartenance à une catégorie. L’appartenance à une catégorie, dans ce cas précis identifiée comme étant la cause de ces besoins et la raison des réponses apportées, ne devrait pas être de mise, mais seulement ses besoins hic et nunc : que l’enfant dorme avec sa famille dans la voiture familiale, qu’il vienne et circule en fauteuil roulant, qu’il vive dans un camp de caravanes délabrées, qu’il ait une trisomie 21, … ou qu’il vienne en limousine avec chauffeur !
La notion de besoins particuliers suppose que par rapport
aux objectifs d’apprentissage donnés par les programmes (émanation de la
volonté politique commune), l’école (les enseignants et les équipes éducatives)
se préoccupe des modalités les plus favorables à chacun, en mettant en action
des adaptations générales et spécifiques, des compensations (internes ou pour
certaines d’entre elles externes), et de l’accessibilité (avec ce que l’on
appelle des « aménagements raisonnables »). En ce sens ; la
notion de besoins éducatifs particuliers est au cœur d’une école inclusive
personnalisant ses pratiques.
Oui, mais … ce n’est pas le cas aujourd’hui. Lorsque l’on
fait appel à la notion de besoins éducatifs particuliers, c’est la plupart du
temps dans le cadre d’un contexte administratif et organisationnel dont la
nécessité fait loi.
Ainsi, pour les enfants en situation de handicap, le projet
personnalisé de scolarisation (PPS) est une obligation pour organiser les
réponses à des besoins particuliers issus de sa situation d’enfant avec des
caractéristiques particulières dans une institution en principe faite pour
tous. Autrement dit, la personnalisation en principe induite par la notion de
besoins éducatifs particuliers exige le passage par une catégorisation
instituée par une institution destinée à ces publics spécifiques (la MDPH). De
la même manière, l’indication de besoins particuliers pour un enfant issu de
milieu défavorisé se fait sous l’égide d’un PPRE (programme personnalisé de
réussite éducative), et celle des enfants présentant des troubles
d’apprentissage sous l’égide d’un PAP (plan d’accompagnement personnalisé).
Il y a donc là un paradoxe, voire une injonction paradoxale,
posant le principe d’une personnalisation des pratiques, gage de la réussite de
tous et de l’adaptation de l’école aux diversités et aux différences, mais sous
conditions d’une catégorisation assignatrice à une identité définie par un
ensemble populationnel. Comment inciter spontanément à l’élaboration des
réponses adaptées à des enfants ayant des besoins éducatifs particulier (pour
en faire une culture professionnelle) quand la culture sociale ambiante
(organisationnelle, administrative et professionnelle) institue des contraintes
et des cadres organisant ces réponses ? Une enseignante d’école
élémentaire accueillant une petite réfugiée ne connaissant pas le français eut
l’idée d’utiliser une application de traduction numérique entre sa langue
maternelle et le français pour se faire comprendre et passer les consignes.
Fallait-il qu’elle attende un cadre administratif pour mettre en place une
modalité adaptée ? C’est comme si aujourd’hui l’administration ne faisait
absolument pas confiance dans les compétences techniques et humaines des
enseignants.
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