De la formation des enseignants ...
Il ne manque pas une réunion, un séminaire, un colloque, une
rencontre qui ne viennent inévitablement poser la question, critique, du manque
de moyens (c’est vrai), et en particulier de l’absence ou de la pauvreté de la
formation des enseignants ordinaires pour pouvoir accueillir des enfants en
situation de handicap dans leur classe, obstacle majeur de la scolarisation
inclusive.
Que se pose la question des moyens, c’est légitime. Mais les
élèves en situation de handicap ne sont pas les seuls à être victimes de choix
politiques d’abaissement de ressources, masqués par des nouveautés séduisantes
(dédoublements des CP en zone prioritaire par exemple). La rentabilisation de
l’Education nationale et sa normalisation (nombre d’élèves par classe,
suppression d’écoles, dispositifs d’aide, cartes scolaires, …) ont des
conséquences néfastes sur les catégories d’élèves les plus en difficultés dans
les apprentissages scolaires, ceux qui risquent le plus l’échec scolaire, et
qui sont le plus souvent issus de milieux défavorisés, et les élève en
situation de handicap. On pourrait croire que ces derniers ont bénéficié de
mesures exceptionnelles dans la dernière période : la réalité de la
scolarisation inclusive est bien éloignée du discours officiel.
La question de la formation se pose peut-être de façon
différente, à partir de ce qui constitue l’identité et la culture
professionnelle des enseignants. Un des aspects qui constitue le ciment de la
culture professionnelle des enseignants est la notion d’autorité :
autorité institutionnelle, mais aussi autorité des savoirs (de l’expertise
d’une discipline à « c’est la maîtresse qui a dit »). Dans ce
registre, l’accueil d’élèves en situation de handicap pose problème, dans la
mesure où il met en évidence l’absence de savoir ou d’autorité : non
connaissance de la nature de la déficience ou du « dossier médical »
de l’enfant, non connaissance des réponses « spécialisées » convenues
à apporter, incertitudes sur les modes de relation magistraux à établir avec
celui qui n’est pas dans les normes, etc. Tout cela fait défaut à son identité
relative à l’autorité, et conduit l’enseignant à penser qu’il n’est pas apte ou
capable d’enseigner à ces élèves.
Mais il est un autre aspect de l’identité professionnelle
sur lequel les enseignants peuvent s’appuyer pour se penser capable
d’accueillir dans leur classe, avec toute la pertinence requise, des élèves en
situation de handicap, c’est la culture de l’accompagnement. Cet aspect de
l’identité professionnelle a davantage été formalisé depuis la loi
d’orientation sur l’éducation de 1989, avec la notion d’« élève au
centre ». Avec la notion d’accompagnement, l’enseignant se met dans une
posture de résolution des problèmes pragmatiques de la rencontre d’un élève
avec ses apprentissages. Il est attentif à la manière dont chaque enfant se
confronte aux situations problèmes, de quelle manière il essaie de les
résoudre, et des réussites ou des difficultés qu’il peut rencontrer dans la
résolution de ses apprentissages et dans l’appropriation des compétences.
Le défaut de la culture d’autorité et de savoir, son absence
même, dont la formation technique au handicap constituerait le palliatif, n’est
plus un obstacle majeur, puisque la posture consistera à se mettre à la hauteur
des difficultés de l’élève, quelles que soient les difficultés en question et
quelles que soient les caractéristiques de l’élève. Peut-être faut-il concéder
que quelques connaissances sur la « nature » des élèves ne sont pas
malvenues (bien que les formations ainsi ciblées sur la nature des déficiences
et incapacités semblent contre-productives). Mais les connaissances les plus
fondamentales sont celles concernant les capacités des enseignants à se mettre
à l’écoute de leurs élèves et de leurs difficultés, concernant les manières de
faire différenciées selon les difficultés, les organisations de classe
favorisant les apprentissages de tous, la multiplication des supports adaptés à
l’ensemble des élèves. Il s’agit en définitive de faire réussir au mieux tous
les élèves plutôt que de cibler des dispositifs destinés exclusivement à
quelques-uns, de plus irréalisables en l’absence d’une formation susceptible de
tout résoudre.
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