"Conduire le changement" disent-ils.
Qui, dans sa
situation professionnelle, n’a entendu, ou déclaré, vouloir « conduire le
changement ». Formule si banalisée dans le monde du management (les
managers et les managés) que l’on se désintéresse spontanément des impensés, de
l’inconscient et des a priori de la formule. Elle signifie, tout simplement et
tout violemment, qu’il y a ceux qui conduisent et ceux qui sont conduits, ceux
qui savent vers quoi il est requis de changer et ceux qui doivent se contenter
de suivre le mouvement, en y adhérant de préférence, se contenter de suivre les
consignes pour opérer des déplacements, des sachants et des ignorants. Dans ces
conditions, il peut y avoir certes des changements, des déplacements, mais vraisemblablement
pas de transformation, qui nécessiterait que tous élaborent vers où se
transformer, au nom de quoi, comment et pourquoi. L’application d’un travail
prescrit correspondant à la conduite d’un changement voulu et pensé par
d’autres est une impasse, non seulement pour le professionnel, mais aussi pour
la transformation elle-même. L’adhésion et la mobilisation pour un changement hétéronome
sont rendues invraisemblables, même en se raccrochant aux branches d’une
culture d’entreprise (« c’est notre ADN »), qui de toute façon a été
élaborée dans les sphères de ceux qui justement prétendent conduire le
changement.