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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 8 juin 2020

"le problème c'est que je ne peux pas l'évaluer"

"Le problème, c'est que je ne peux pas l'évaluer"


La qualification de handicap légitime parfois et en partie l’exclusion de l’institution scolaire. Non plus directement depuis « l’obligation » inclusive de la loi de 2013 sur la refondation de l’école de la République, à la suite de la loi de 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Mais indirectement, parce que l’ordre de l’institution scolaire est mis en question, malmené, par des attitudes et des comportements de certains élèves, ceux en particulier qui ont ou vont relever du statut d’élève handicapé. Un élève qui ne parle pas, qui ne répond pas, qui ne peut pas être évalué met en péril le rapport pédagogique, ce qui est censé être fait par les enseignants et le système éducatif. Une partie de ces élèves, qui manifestent trop de différences par rapport à l’ordre scolaire prescrit, va, de manière opportune, pouvoir être enregistrée dans la catégorie « enfant handicapé », même s’il n’y a pas de déficience avérée, ou si la déficience n’est définie que par les incapacités de cet élève par rapport aux attentes de l’ordre scolaire.

L’un des arguments fréquemment entendus pour dire l’impossibilité de faire et les limites atteintes par l’inclusion d’un élève handicapé dans une classe est celui de l’évaluation : « Le problème, c’est que je ne peux pas l’évaluer ». Il y a bien sûr des élèves en situation de handicap qui ne rentrent pas dans cette catégorie des non évaluables : les enfants qui ont une déficience motrice sont certes handicapés, mais ils ne remettent pas en cause l’ordre scolaire : sous réserves d’un certain nombre d’aménagements matériels (l’espace physique de la classe par exemple) ou d’aides humaines pour un certain nombre de tâches, l’enfant est bien élève, et peuveut être évalués les apprentissages qu’il fait et les compétences qu’il acquiert. Finalement, il ne bouscule pas l’ordre scolaire, il apparait moins « handicapé » par rapport à l’école et à ce qu’elle institue, il sera mieux accepté. Il pourra être évalué, quitte à ces modalités d’évaluation puissent être aménagées. Témoigne de cette particularité le fait que l’accès à l’enseignement supérieur est plus accessible pour les étudiants de cette catégorie, et que les premiers aménagements d’examens ont concernés ceux-ci.

La difficulté ou l’impossibilité de l’évaluation devient l’argument objectivé, dans une école et une société où l’évaluation devient importante et permanente, de l’école au travail en passant par la vie personnelle, de l’auto-évaluation aux likes des réseaux sociaux. L’évaluation manifeste le symbole de l’ordre scolaire, et dès lors qu’elle est compromise, c’est l’écart à la norme scolaire qui est invoqué pour définir éventuellement un handicap, ou même une déficience. Un élève qui refuse passivement ou résiste activement à cette règle d’or du fonctionnement institutionnel scolaire est un élève qui remet en question l’école et ses visées. Il n’y a plus sa place, et une qualification de handicap vient opportunément apporter des solutions : mise en place de compensations (aides humaines), attribution de la responsabilité de la situation d’écart à l’enfant lui-même (son handicap), dédouanement de la responsabilité institutionnelle (méthodes, fonction, organisation).

Peu importe que d’autres raisons moins « objectives » que l’évaluation soient présentes dans la réticence à accueillir des élèves en situation de handicap et à s’y adapter en modifiant un certain nombre de pratiques : élève difficilement supportable par l’enseignant, comportement déstabilisant, en écart quant à son niveau scolaire, qui sollicite trop par rapport aux autres, etc. La raison objectivée reste celle de l’évaluation, à laquelle personne ne peut répondre, tant celle-ci est centrale dans le système, et que sa remise en cause remet en cause le système. Dès lors il est fait appel à une externalisation des réponses. Soit en confiant une partie de la tâche d’enseignement/apprentissage à des spécialistes et des experts, en dehors de l’école (des médecins ou des orthophonistes par exemple) qui paradoxalement vont proposer des conseils « pédagogiques ». Soit en les « excluant » dans des dispositifs spécialisés, internes à l’éducation nationale ou dans le secteur médico-social.

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