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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

jeudi 16 mai 2024

Handicap et facteurs environnementaux

 Handicap et facteurs environnementaux

L’idée que le handicap appartient à la personne concernée, qu’il est une caractéristique de la personne, et par conséquent n’aurait pas à voir avec l’environnement, est profondément ancrée dans nos représentations et nos habitudes de pensée. Une professionnelle travaillant dans le secteur médico-social déplorait qu’un jeune homme, désirant passer son permis de conduire, soit bloqué pour l’épreuve de code, en raison justement des difficultés cognitives qu’il présentait : il n’arrivait pas à maitriser les connaissances requises, en tout cas pas à y répondre, parce que les diapos passaient trop vite, la formulation des questions présentait de la complexité, etc. Le tableau était ainsi présenté que c’était ce jeune homme qui avait le handicap et qu’il rencontrait ainsi des limites, un peu à la manière de « pas de bras, pas de chocolat ! ». L’idée d’une modification de l’environnement (aménagement des conditions des leçons de code, et de la passation de l’examen) ne lui était pas venue à l’esprit : s’il ne pouvait pas passer le permis, c’est qu’il était handicapé.

Dans un autre registre, les dernières réformes du système éducatif ont laissé libre cours à des propos d’exclusion, basés sur cette même idée que c’était la personne handicapée qui était responsable de sa situation en raison de son handicap. Un tel déplorait que l’on faisait souffrir les enfants autistes dans un établissement scolaire en raison de la stridence de la sonnerie des changements de cours ou de récréations. Et que c’était là la preuve qu’ils n’avaient pas leur place dans l’établissement scolaire, qu’ils seraient mieux dans un milieu spécialisé qui ne les mettrait pas en souffrance. Sans avoir le réflexe que la souffrance, vraisemblablement réelle, pouvait être supprimée par une autre modalité de sonnerie ou de signal. Dans un autre registre encore, on pourrait penser que la recherche forcenée des caractéristiques biologiques ou neurologiques de nombre de troubles participe de cette attribution à la personne de la caractéristique du handicap, sans chercher ce qui fait difficulté ou obstacle dans l’environnement.

Il n’y a pas que dans la praxis (théorie et pratique, pensée et action) que l’on trouve cet implicite, parfois masqué pourtant dans une référence à l’environnement. Tel est le cas par exemple de la définition française du handicap que l’on trouve dans la loi du 11 février 2005.Malgré sa « modernité » apparente, la définition pérennise l’idée que le handicap est dû (« en raison d’une altération ») aux caractéristiques individuelles de la personne concernée. Certes les effets sont caractérisés dans le domaine de la « participation à la vie en société », mais la limitation d’activité pourrait n’être comprise que comme l’exercice diminué des aptitudes personnelles. Certes aussi l’environnement est cité « dans son environnement », mais sans que celui-ci soit caractérisé comme un des facteurs responsable de la situation. On ne s’étonnera donc pas que l’approche française du handicap reste enchainée à une vision individuelle et défectologique du handicap, empêchant de prendre en compte véritablement l’environnement, et d’intervenir sur celui-ci.

Pour véritablement expliquer comment une situation de handicap est produite pour une personne dans une ou des situations de vie concernant cette personne, il faut se tourner vers le Modèle de Développement Humain et de Processus de Production du Handicap (MDH-PPH, 2018 RIPPH). Le handicap, ou plutôt les situations de handicap, rencontrées par les personnes qui ont des maladies, des déficiences, des limitations, est bien sûr dû en partie aux caractéristiques qu’elles peuvent avoir. Mais s’il y des situations de handicap, c’est parce que l’environnement dans lequel elles vivent n’est pas ajusté à ces caractéristiques. L’environnement produit, en ce sens, en lien avec des caractéristiques personnelles, des situations de handicap dans divers domaines de la vie quotidienne et sociale. Adopter une telle démarcher ou approche est le seul moyen de sortir de l’impasse historique qui attribue le handicap aux caractéristiques de la personne, et de se donner des objectifs d’intervention sur l’environnement.

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lundi 6 mai 2024

le handicat est-il une malfaçon ?

Le handicap est-il une malfaçon ?

Il y a un proverbe (africain ?), dont une des versions dit ceci : « Tant que les lions n’auront pas leur propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter les louanges des chasseurs. » Au-delà du simple signifié de la formulation, le proverbe fait référence à une idée non seulement de séparation de catégories, les humains et les lions, mais essentiellement à la domination de la première sur la seconde, qui est sans voix, sans histoire. Les sans voix, ce sont aussi les catégories humaines dominées, dont la caractéristique est de laisser, ou plutôt de subir, la voix des dominants. C’est ainsi que furent sans voix les femmes (par rapport aux hommes), les personnes de couleur (par rapport aux blancs), les homosexuels (par rapport aux hétérosexuels), mais aussi bien sûr les personnes handicapées (par rapport aux personnes dites valides). C’est aussi le cas des pauvres, dont la caractéristique « sans voix » a été maintes fois soulignée, dominés économiquement et socialement.