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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 19 septembre 2023

les apparences de l'inclusion

Les apparences de l'inclusion

Dans les années 1980, une célèbre marque de boissons gazeuses a utilisé une formule publicitaire qui fit florès. « Ça ressemble à de l’alcool, c’est doré comme l’alcool, mais ne n’est pas de l’alcool ! » Ainsi pourrait-on qualifier aujourd’hui l’inclusion et les dispositifs inclusifs en France : cela ressemble à de l’inclusion, cela utilise le même langage, mais ce n’est pas de l’inclusion. Que l’on parle aujourd’hui, pour désigner comment les personnes en situation de handicap participent de la vie sociale, d’inclusion, de société inclusive, de transition inclusive, d’inclusivité, etc. Les formules sont bien éloignées de la réalité vécue par les personnes concernées. Oui bien sûr il y a eu des progrès, des évolutions, dont d’ailleurs les responsables politiques ou administratifs s’enorgueillissent : des réglementations, des dispositifs, une communication généreuse, sans compter les numéros verts !

Mais fondamentalement, justement, ce sont seules ces petites choses qui changent, sans les changements structurels qui seraient nécessaires pour faire valoir l’effectivité des droits et une pleine participation sociale, et dont on se garde bien évidemment de parler. La situation des élèves handicapés à l’école est emblématique de ces choix politiques. Des plans se sont succédés (par exemple les plans autisme), les dispositifs se sont multipliés (ULIS, UEE, UEMA, DITEP, ….), l’idée que l’accueil de ces élèves était une obligation s’est (un peu) répandue… Mais tout cela se heurte de plein fouet à ce qu’est l’école aujourd’hui, au rôle qu’on veut lui faire jouer et aux moyens qu’on y met, à sa fonction politique en quelque sorte.

En même temps que le discours se fait insistant, et même injonctif, sur l’inclusion des élèves handicapés, les inégalités des « bénéfices » de l’éducation ne cessent de s’accroitre par les choix politiques qui sont effectués : ségrégation sociale entre les établissements scolaires par la carte scolaire reproduisant la cartographie populationnelle et répartissant ainsi les élèves dans des ghettos de pauvres et des ghettos de riches, dont les chances de parcours scolaires ne sont pas identiques, mais aussi renforcement d’un enseignement privé élitiste et ségrégatif, des systèmes d’options et de parcours favorisant ceux qui maitrisent le système, etc. On en arrive même à des paradoxes étranges où l’on voit un établissement extrêmement élitiste (sur le plan social et sur le plan de la performance des apprentissages) clamer haut et fort que l’inclusion des élèves handicapés fait partie intégrante de son projet d’établissement. Comment est-ce concevable de pratique en même temps l’exclusion et l’inclusion ?

Plus insidieusement, la perspective inclusive se heurte aux finalités d’une école dont la fonction fut, et reste sélective, celle d’une répartition des élèves sur des parcours qui mèneront certains d’entre eux (dans des établissements qui disposeront de ressources) vers de « hautes » fonctions, laissant aux autres des miettes plus ou moins consistantes. Et ce n’est pas une méritocratie fantasmée qui remédie à la situation. Dans ces conditions de sélection des plus performants, les divers aménagements de l’école, des « plans inclinés pédagogiques » aux aménagements d’examens, ne peuvent que faire grise mine face au rouleau compresseur d’une école qui reproduit sans cesse des inégalités.

C’est pour cette raison que ce qui se présente aujourd’hui dans le système éducatif comme « école inclusive » n’est souvent qu’aménagement mineur, de surface, caution et excuse argumentative, ou leurre, c’est-à-dire des apparences de l’inclusion. Les mots ont pour fonction à la fois de nommer, de « créer » et de masquer des réalités (comme la publicité). Le qualificatif inclusif nomme aujourd’hui des réalités de ségrégation, de séparation, d’exclusion, faisant du concept « inclusion » une réalité éloignée des intentions initiales, et masquant la terrible réalité d’une société non inclusive.

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lundi 11 septembre 2023

tant que ...

Tant que ...

Tant que les injonctions à l’inclusion des enfants handicapés à l’école voisineront avec la ségrégation sociale qui est pratiquée et instituée dans le système éducatif (recrutement et composition sociale de l’enseignement privé, répartition des ressources entre les établissements, parcours de scolarisation privilégiés, ghettoïsation des établissements…), les élèves en situation de handicap n’y auront pas véritablement leur place. Ils seront certes tolérés, acceptés sous pression, présents physiquement, parfois à temps partiel, mais ils ne seront pas des élèves de droit, effectuant une parcours de scolarisation de qualité en bénéficiant des aides adaptées. L’école inclusive n’y est pas crédible.

lundi 4 septembre 2023

"Notre enfant attend une place en IME"

"Notre enfant attend une place en IME"

Comment ne pas compatir au désespoir de ces milliers de parents dont les enfants en situation de handicap n’ont de place nulle part, ni à l’école où on n’en veut pas, ni en établissement spécialisé où il n’y a pas de place. Face à cette situation dramatique, les associations et les parents mettent en avant le plus souvent la demande de création de places en établissement spécialisé. Et si la question était mal posée ? Ne devrait-on pas plutôt poser la question en ces termes : pourquoi ces enfants n’ont-ils pas de place à l’école et pour quelles raisons devrait-ils être orientés en IME ?

mercredi 23 août 2023

pour en finir avec les (fausses) situations de handicap

Pour en finir avec les (fausses) situations de handicap

La formulation « personne en situation de handicap » semble avoir eu gain de cause, et supplante progressivement, mais rapidement semble-t-il, les termes « personne handicapée » ou « handicapé ». Elle apparait moins stigmatisante, plus respectueuse, plus écosystémique, peut-être même plus ouverte à des facteurs autres que ceux appartenant à la personne, tels que les facteurs environnementaux. On voit ainsi des organisations modifier les noms, titres, appellations et raisons d’être en utilisant cette nouvelle formulation. Celle-ci se retrouve également dans la communication publique, réglementaire ou médiatique.

Mais « chassez le naturel, il revient au galop ».

lundi 10 juillet 2023

lecture : Dans ta bulle ! de J Dachez

Dans ta bulle ! - Les autistes ont la parole

de Julie DACHEZ (Hachette, 2018, Poche, 2021)

Il n’est pas inutile de faire une recension d’un livre paru il y a déjà quelques années, d’autant qu’il a été republié en édition de poche plus récemment en 2021). C’est ce que je me propose de faire, après une deuxième lecture. Pas inutile, à l’heure où les autistes sont plus que jamais l’objet de jugements, de catégorisations et d’étiquetage davantage que de prise en compte générale dans la vie de tous les jours. Désormais les autistes sont catégorisés, d’un point de vue « médical » ou « politique » ( ?), parmi les troubles du neurodéveloppement (TND), dans les troubles du spectre de l’autisme (TSA). La labellisation par la qualification de trouble place d’emblée les personnes concernées dans les « non-normaux », elle prend le point de vue, les valeurs et les références des « neurotypiques » (terme en usage chez les personnes autistes), pour créer une catégorie (« neuroatypique ?) pour les personnes qui ne correspondent pas aux normes en usage ou attendus chez les premiers. Ce contre quoi s’insurge Julie Dachez : « Pour moi, l’autisme est une différence de fonctionnement, pathologisée par une société obsédée par la normalité » (p.24)

lundi 3 juillet 2023

Les troubles sont de sortie

Les troubles sont de sortie

Pour qui regarde avec une certaine distance ce qui se passe autour de ce qui est caractérisé aujourd’hui, de manière générique, comme troubles, il apparait des phénomènes curieux. Tout d’abord cette caractérisation même de troubles affecte un nombre toujours plus grand d’enfants, là où auparavant il était admis que ceux-ci, en particulier à l’école, rencontrent des difficultés, vivent des échecs scolaires ou aient des comportements difficilement tolérés. Tous ces enfants ont aujourd’hui des troubles, manière d’objectiver médicalement et scientifiquement (avec toutefois quelques questionnements à ce sujet) des dysfonctionnements, de bénéficier d’une attention, d’aides et d’interventions plus pertinentes dans leur éducation, et de voir leurs difficultés reconnues. C’est ce qui explique en particulier la croissance exponentielle qu’on l’on a pu observer ces dernières années dans le nombre de reconnaissance de handicap, et dans le nombre identiquement exponentiel d’inclusions (en oubliant que ces enfants étaient déjà dans les écoles).

lundi 26 juin 2023

controverses sur les situations de handicap

Controverses sur les situations de handicap

L’expression « situation de handicap » s’est banalisée, et est désormais utilisée presque systématiquement pour désigner un signifié sur lequel il n’y pourtant pas toujours d’accord. Il ne s’agit pas d’un nouvel euphémisme pour évoquer de manière moins brutale les vécus des personnes qui ont des déficiences ou des incapacités ; elle nomme un changement de paradigme de pensée concernant les personnes concernées. Mais ce nouveau paradigme disparait le plus souvent derrière une utilisation pour le moins imprécise et tronquée de l’expression. L’expression désigne, dans les faits, la plupart du temps, ce que désignait auparavant l’expression « personne handicapée » ou le mot « handicapé ». L’utilisation généralisée de l’expression témoigne, me semble-t-il, d’une incompréhension radicale de ce qui constitue une situation de handicap.

lundi 19 juin 2023

les ambigüités d'une empathie égocentrée

Les ambigüités d'une "empathie égocentrée"

Les « formations au handicap », dans la perspective de l’inclusion, ont évolué. Lorsqu’il s’agissait de former des professionnels « non spécialisés » à l’accueil des personnes en situation de handicap (à l’école, au travail, dans l’espace public…), longtemps, les contenus de la formation consistaient à transmettre des informations et des connaissances sur les déficiences concernées et les incapacités conséquentes, selon un schéma quasi-immuable : causes de la déficience, nature et caractéristiques, incapacités et conséquences dans le développement et la vie sociale, prévention et traitements. De telles formations renforçaient en définitive le regard déficitaire (corporel et fonctionnel) et justifiaient en quelque sorte de « l’étrangeté » de l’individu concerné et son éloignement des normes. Contre-productives par conséquent par rapport à un objectif d’environnement inclusif.

lundi 12 juin 2023

l'autonomie dans la servitude ?

L'autonomie dans la servitude ?

Une personne soumise (la servitude volontaire dirait E. de la Boétie) pourrait-elle penser et agir en faveur de la liberté (la sienne et celle des autres) ? Sauf mensonge ou hypocrisie, non ! De la même manière, une personne non autonome dans sa vie ou dans sa fonction professionnelle ne peut pas agir en faveur de l’autonomie (la sienne ou celle des autres). Une des conditions requises, en effet, de mise en œuvre de tels principes (liberté, autonomie, accès à des droits, empowerment, etc.) est bien une certaine conformité, une concordance, entre ce qui est visé, l’objectif professionnel programmé, et la manière d’être (le savoir-être, la posture, l’attitude, les conditions d’exercice) personnelle et professionnelle. On ne peut valoriser quelqu’un que si l’on est soi-même valorisé ; on ne peut aider à l’autonomie de quelqu’un que si l’on est soi-même autonome ; on ne peut ambitionner d’agir au développement du pouvoir d’agir de personnes ou de groupes que si l’on dispose ou développe pour soi-même son pouvoir d’agir et ses marges de manœuvre, et qu’on est en mesure de l’exercer. Ce sont là d’apparentes évidences.

mercredi 31 mai 2023

Lecture : Vivre son destin, vivre sa pensée, d'A-L Chabert

Vivre son destin, vivre sa pensée

D'Anne-Lyse CHABERT (Albin Michel, 2021)

« Mon regard est donc celui de la personne dépendante, qui ne se déprend jamais de celui de la personne qui réfléchit. » (p.84). Loin d'une philosophie désincarnée qui joue avec des mots creux, Anne-Lyse Chabert propose ici une véritable philosophie de l'existence, une existence entravée pour ce qui la concerne par une maladie dégénérative, qui la contraint fortement aujourd'hui dans nombre de ses habitudes de vie. Mais philosophie universelle aussi tant les thèmes et les questions qu'elle aborde nous concernent tous, nous interrogent tous . Dans la préface, André Comte-Sponville présente ainsi l’auteure : « Marcher ? Il y a longtemps qu'elle ne peut plus, en tout cas sans aide. Ecrire, à la main ou sur un ordinateur ? C'est devenu impossible. Lire ? Cela devient difficile, voire impraticable, à cause de la perte progressive de son oculomotricité liée à sa maladie. Dicter à un tiers (son « auxiliaire dactylographe ») ? Cela même devient de plus en plus ardu tant ses difficultés d'élocution, résultant de ses troubles moteurs, rendent sa parole épuisante, pour elle, et passablement inintelligible pour une oreille non avertie ».

mercredi 24 mai 2023

des troubles envahissants...

 Des troubles envahissants...

Les nouvelles dénominations et définitions de ce qui était auparavant nommé déficience intellectuelle ou mentale inscrivent désormais cette caractéristiques dans les troubles neurodéveloppementaux (TND), sous la rubrique : troubles du développement intellectuel (TDI). « Le trouble du développement intellectuel (TDI) est un trouble du neurodéveloppement (TND) apparaissant durant la petite enfance. Il est caractérisé par : une limitation des fonctions intellectuelles (raisonnement, résolution de problèmes, planification, abstraction, jugement, etc.) ; un déficit des comportements adaptatifs (déficit dans un ou plusieurs champs de la vie quotidienne comme la communication, la participation sociale, etc.). » (HAS, octobre 2022). On peut penser que le passage de la notion de déficience, restrictive dans son évaluation/diagnostic comme dans sa définition « organique » et fonctionnelle,  à la notion de trouble, avec son évolutivité développementale et ses caractérisations plus globales, permettra une ouverture vers la prise en compte des multiples facteurs concourant aux troubles en question.

mardi 9 mai 2023

"Ne me parlez plus d'assistanat"

"Ne me parlez plus d'assistanat !"

« Assistanat » : voilà un mot qui est devenu tabou ! L’assistanat, c’est ce qui « coûte un pognon de dingue » dans le champ social, c’est ce qui fait obstacle à l’autonomie et aux droits des personnes en situation de handicap ou vulnérables. Désormais, il importe non d’assister les personnes concernées, mais de les accompagner, de les rendre responsables de leur vie, adaptées à leur environnement, quelle que soit d’ailleurs la nature (parfois néfaste) de celui-ci. Si un grand nombre d’attitudes, de comportements, de représentations, d’organisations, qu’on peut aujourd’hui qualifier comme relevant de l’assistanat, étaient effectivement peu respectueux des personnes en tant que personnes à part entière, on peut craindre que d’autres dispositions ne disparaissent dans le maelstrom du changement, que tout ne soit jeté avec l’eau du bain.

mardi 2 mai 2023

troublants diagnostics de troubles

Troublants diagnostics de troubles

Les causes d’un handicap, essentiellement attribuées traditionnellement à des maladies et des déficiences, se sont élargies à la notion de troubles. Il est intéressant d’observer dans cette évolution que des notions ont pu être précisées Ainsi la notion de déficience intellectuelle manquait-elle de déterminants dans le système anatomique. Elle est devenue « Trouble du développement intellectuel (TDI) » avec la récente recommandation de bonne pratique mis en ligne par la HAS (5 octobre 2022). On sort d’une attribution déficitaire de l’organisme (physique ou psychique) pour prendre en considération des notions plus complexes comme des incapacités entrant dans la catégorie des troubles, à côté de ce qui est observable dans les déficits corporels. La définition des troubles du développement intellectuel acquiert par conséquent une meilleure précision et une approche plus complète et complexe des situations. De la même manière, les troubles des apprentissages, à défaut d’avoir des certitudes sur les détériorations neurologiques, s’observent-ils sur la réalisation d’aptitudes dans divers domaines (attention, langage, motricité, mémoire…).

lundi 24 avril 2023

Lecture : L'insoutenable subordination des salariés de D. Linhart

L'insoutenable subordination des salariés

de Danièle LINHART (érès, 2022)

A l’heure où le secteur médico-social s’est converti au management sur le modèle des priorités organisationnelles et éthiques inspirées de l’économie de marché, et de plus en plus appliqué dans le secteur public, il importe de s’interroger sur le fondement même et les différentes configurations de ce(tte) mode de fonctionnement. L’ouvrage de la sociologue Danièle Linhart ne décrit pas spécifiquement le secteur médico-social, mais on y retrouve à sa lecture nombre des fonctionnements managériaux qu’elle décrit, leurs conseils et orientations, leur discours, la vacuité et l’hypocrisie de leur langage. 
Ces fonctionnements managériaux existent bel et bien dans le secteur médico-social, parés de modernité et d’envies imitatrices du secteur privé, de la même manière qu’ils ont été mis en place dans le milieu hospitalier et de la santé, avec les résultats que l’on a connu pendant les périodes de crise.

lundi 17 avril 2023

Ecole inclusive : un nouvel acte manqué ?

 Ecole inclusive : un nouvel acte manqué ?

Un « arrêté du 28 mars 2023 relatif au diplôme d’état du Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement des jeunes sourds » (CAPEJS) modifie les conditions et contenus de formation et la certification du diplôme, accompagné d’une très longue annexe sur le référentiel métier. Quoi de plus naturel que d’ainsi modifier un diplôme pour accompagner les changements de pratiques.

Mais à examiner les choses de près, on ne peut manquer de s’étonner de l’inscription de ces modifications dans le contexte actuel. En effet, à l’heure de l’école inclusive, inscrite comme règle et comme objectif politiques et sociétaux, confirmer l’existence d’un diplôme spécialisé d’enseignement, sous signature des services de la Cohésion sociale qui plus est, semble quelque peu anachronique et manquer de cohérence. Quand tous les discours politiques clament l’objectif et la volonté inclusives, en dépit certes de tous les actes manqués témoignant de nombreuses pratiques inverses, pourquoi un diplôme d’enseignement hors du champ du système éducatif pour tous, héritier d’une éducation spécialisée bicentenaire, qui placé les enfants sourds et aveugles hors du champ de l’éducation pour tous, et les en a soustrait ? Certes à certaines époques de l’histoire, cette éducation fut un bénéfice certain pour les élèves concernés, exclus de toute façon de l’éducation dite ordinaire. Mais la question se pose légitimement à l’heure de l’éducation inclusive.

mardi 11 avril 2023

qu'est-ce qu'une situation de handicap ?

Qu'est-ce qu'une situation de handicap ?

La terminologie situation de handicap est aujourd’hui banalisée, elle devient LE terme politiquement correct. Au point d’avoir un sens très large et finalement imprécis. Dans cette évolution sémantique, il est à craindre que la nouvelle terminologie n’apporte pas beaucoup de modifications ni aux représentations, ni aux attitudes, ni aux pratiques relatives aux rapports que l’on entretient avec les personnes concernées. L’expression a remplacé le terme handicap, qui lui-même avait remplacé les termes de déficience, d’invalidité et d’incapacité. De même, l’expression personne en situation de handicap a remplacé personne handicapée ou personne déficiente.

lundi 3 avril 2023

transformer l'offre sans transformer la société ?

Transformer l'offre sans transformer la société ?

La loi de 2005 sur les personnes handicapées, laquelle est toujours d’actualité, est faite au bénéfice des personnes concernées, mais dans le même temps à destination des institutions (fermées ou ouvertes), incitant celles-ci à des évolutions importantes au profit des personnes qu’elles accompagnent. Dans cette perspective, la loi se prolongera quelques années plus tard par une réforme de l’offre de service et une réforme des financements adéquats (SERAFIN-PH). Mais la loi en question, ainsi que ses prolongements, se cantonne à se focaliser sur les personnes en situation de handicap et sur les organisations qui en ont la charge. Elle ne s’atttaque pas, ou alors à la marge, par quelques mesures ciblées et prudentes d’accessibilité, aux réformes et aux évolutions structurelles, sociétales, de la société, qui pourraient pourtant être une clé d’entrée d’un fonctionnement inclusif. Elle limite le problème à une question des effets subis par le handicap, pas aux causes des situations de handicap que vivent les personnes concernées.

mardi 21 mars 2023

faire disparaitre l'inclusion ?

Faire disparaitre l'inclusion ?

Evoquer (invoquer ?) à tout va l’inclusion, n’est-ce pas faire le constat que l’école n’est pas inclusive ? S’il faut cibler une population pour la mettre dans le système, à l’appui de textes, de dispositifs, de formations, d’obstacles de tous ordres, c’est que la présence de ces enfants à l’école n’est pas acquise, n’est pas légitime. Certains des acteurs de l’école (administration et enseignants) considèrent encore que des enfants ayant les caractéristiques du handicap n’ont pas leur place dans leur classe, qu’il y a des établissements spécialisés pour eux. D’autres pensent que les difficultés que les enfants rencontrent ne sont pas de leur ressort pédagogique et qu’elles relèvent de spécialistes paramédicaux en mesure de soigner ces enfants. Les craintes que la présence de tels enfants dans les classes ne fasse baisser le niveau, qu’ils souffrent dans les classes ordinaires, la considération qu’ils « seraient mieux ensemble », attestent que l’idée d’inclusion, si elle a progressé dans les esprits, est loin d’être unanimement partagée. En témoignent aussi tous les « couacs » de l’inclusion de fait dans les écoles : refus d’élèves, absences d’AESH, incitation d’orientations vers les IME, etc.

mercredi 15 mars 2023

situation de handicap pédagogique

Situation de handicap pédagogique

Les évolutions lexicales que l’on peut observer, substituant les termes « situation de handicap » à celui de « handicap » ne sont pas sans ambiguïtés. En témoigne l’utilisation d’expressions comme « situation de handicap sensoriel » ou « situation de handicap intellectuel », attribuant en définitive les attributs de la situation aux caractéristiques de la personne (capacités/incapacités sensorielles, intellectuelles). Et non, comme l’établit la notion même de situation, comme un phénomène ou un événement à l’intersection, à l’interaction entre les caractéristiques d’une personne et les caractéristiques de l’environnement dans lequel elle vit. Celui-ci peut être un obstacle, ou au contraire un facilitateur, dans la réalisation d’une activité personnelle ou sociale, d’une situation ou d’une habitude de vie.

mardi 7 mars 2023

le mot validisme fait-il peur ?

Le mot validisme fait-il peur ?

Le plus simple est de répondre à cette question comme l’a fait l’ancienne secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Mme Cluzel : « Le validisme n’existe pas ! » Mais le déni discursif d’existence d’un phénomène social ne l’empêche par d’être une réalité. Et le déni manifeste peut manifester une peur que cette « chose » que cela représente ne vienne bousculer l’équilibre existant et le statu quo. Qu’est-ce que le validisme, qui est présenté souvent comme un épouvantail remettant en question le fonctionnement social, comme le « wokisme » par exemple. Oui, reconnaissons-le, l’approche du handicap comme une réalité issue d’un fonctionnement validiste de notre société constitue une critique radicale de ce dit fonctionnement. Elle fait rupture par rapport à l’histoire de la pensée et des fonctionnements (organisations, représentations, attitudes…) concernant les personnes en situation de handicap. Et c’est peut-être ce changement radical de point de vue, en le situant sur le plan politique, qui fait peur, qui interroge un fonctionnement d’exclusion de certaines personnes.

mardi 28 février 2023

quand la priorité est l'évolution de l'offre de services

Quand la priorité est l'évolution de l'offre de services

Dans la période actuelle, il nous est donné d’observer deux évolutions dans les approches de l’accompagnement des personnes en situation de handicap. D’une part, une évolution des approches conceptuelles, passant d’une approche biomédicale qui attribuait le handicap aux caractéristiques de la personne ayant des déficiences et des incapacités, à une approche écosystémique et sociale, qui identifie le handicap comme étant le produit de l’interaction entre les caractéristiques de la personne (dont les déficiences et les incapacités) et les caractéristiques de l’environnement, qui peut être un obstacle à la réalisation d’activités et d’habitudes de vie. D’autre part, une évolution de l’offre de service, passant d’une organisation structurée autour d’établissements spécialisés, de murs, à une organisation de services répondant de manière flexible aux besoins des personnes et promouvant leur autodétermination, leurs droits et leur liberté de choix.

jeudi 23 février 2023

quand les troubles ignorent les situations de handicap

Quand les troubles ignorent les situations de handicap

Il y a un paradoxe majeur dans le processus inclusif. En termes de valeurs, sur le plan éthique, l’inclusion est de mise. L’on convient facilement que chaque individu, quelles que soient ses caractéristiques, y compris celles concernant son fonctionnement organique (déficiences, maladies, troubles) ou ses aptitudes (capacités), a droit à participer à la vie de tous, a droit à la participation sociale et à l’exercice de ses droits, fût-il aidé pour ce faire. Pour rendre cela possible, le concept d’inclusion postule que de son côté l’environnement, ou la société en général, se rende accessible à cette diversité humaine, et se transforme justement pour donner toute leur place à tous, dont les personnes en situation de handicap. Cette conception de l’inclusion suppose que l’on n’attribue plus les situations de handicap rencontrées par une personne exclusivement à cette personne elle-même, en raison de sa déficience ou de ses incapacités. Cela suppose que l’on conçoive les situations de handicap comme produites par l’interaction entre les caractéristiques de la personne et les caractéristiques de l’environnement. Une personne en fauteuil se retrouve en situation de handicap devant un escalier ; un plan incliné ou un ascenseur enlève l’obstacle et fait disparaitre la situation de handicap dans cette circonstance.

mercredi 15 février 2023

lecture : Les fossoyeurs, de V. Castenet

 Les fossoyeurs

de Victor CASTENET, (Fayard, 2022)

Le livre de Victor Castenet vient d’être réédité. C’est une bonne nouvelle, en espérant que celle-ci va encore davantage bousculer l’indigne tolérance quant à ce qui se passe dans les EHPAD. La présente note de lecture ne parle pas de la récente édition augmentée, mais de la première édition, il y a bientôt un an, dont les propos sont plus que jamais d’actualité, et indispensables.

Nombre d’acteurs du secteur médico-social sont séduits aujourd’hui par une approche libérale, voire néolibérale, de fonctionnement du secteur, qui pensent-ils, les libéreraient des pesanteurs des fonctionnements français des politiques publiques. La libre initiative entrepreneuriale (de type start-up), le passage d’un statut d’usager d’un système assurantiel solidaire à celui de client solvable, la motivation des acteurs par un retour financier de la reconnaissance, etc. toutes choses et évolutions qui permettraient, comme magiquement, un fonctionnement adéquat et favorable aux personnes concernées et un esprit uniquement orienté vers leur service. Certains d’entre eux ne sont pas insensibles non plus à une telle orientation permettant de « se faire de l’argent », à l’image de secteurs lucratifs plus rémunérateurs.

lundi 6 février 2023

différence, domination et singularité

Différence, domination et singularité

On se croit quitte du respect dû aux personnes en situation de handicap dès lors que l’on évoque la notion de différences les concernant et que l’on affirme le respect de ces différences. Et de fait, considérer que certaines personnes caractérisées par des différences physiques ou psychiques font partie, « malgré » leur différence, de la diversité humaine contribue à leur reconnaissance. Cela constitue un progrès certain au regard des phénomènes, comportements, attitudes, représentations et institutions qui avaient placé les personnes concernées dans une position d’exclusion, d’infériorité, de ségrégation et de discrimination. La reconnaissance des différences rétablit leurs droits dans la société. Elle rétablit leur qualité d’êtres humains à part entière, rompant avec les représentations déficitaires biomédicales, dans lesquelles leurs caractéristiques étaient immanquablement identifiées à l’incomplétude, à la déficience, à l’écart à la norme, aux manques, aux incapacités et aux besoins.

lundi 30 janvier 2023

Entre care et empowerment

Entre "care" et "empowerment"

Au-delà des anglicismes régissant la pensée contemporaine, ces deux termes, « care » et « empowerment », énoncent en définitive deux orientations fondamentales possibles d’intervention et d’accompagnement des personnes vulnérables, exclues ou handicapées. Traditionnellement, dans le « care », on se trouve dans le prendre soin des personnes, dont les dérives passées et encore possibles sont l’assistance, dépossédant les personnes concernées de leurs droits fondamentaux à plus ou moins grande échelle. Il y a lieu toutefois de ne pas réduire le « care » à cette extrémité, qui a pris les formes des institutions fermées et protectrices. A l’inverse, l’« empowement », notion et pratique plus récentes, se situe dans la non-assistance, dans la non-ingérence du social dans la vie des personnes. Il présuppose (en tant qu’acquis ou en tant qu’objectif, à tout le moins comme donnée anthropologique) l’autonomie de la personne et la responsabilité qui lui incombe de s’inclure dans la société. Mais là aussi il existe des dérives. G. Le Blanc prend comme exemple celui des « homeless » dans la société américaine (Que faire de notre vulnérabilité, Bayard, 2011) : « Les « homeless » américains, souvent peu visibles en journée, mais déplaçant leur Caddy-maison en fin de journée, à la recherche d’un endroit dans la rue pour dormir, sont les indicateurs vivants d’une maximalisation de « l’empowerment » au détriment du « care » aux Etats-Unis, là où en France par exemple, la solution par le « care » semble encore prévaloir. » (p.180).