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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 11 octobre 2024

Autodétermination : stop ou encore ?

Autodétermination : stop ou encore ?

On ne peut pas être « contre » l’autodétermination. De même qu’on ne peut être contre le bonheur ou le développement personnel. Cela interdit-il d’interroger le concept et son utilisation, et d’en faire la critique ? Il y a en effet quelque chose d’étrange, pour ne pas dire de suspect, dans la ruée institutionnelle dont la notion a fait l’objet dans la période récente. Il y a quelques années, on n’en parlait pas encore (longtemps la notion d’autonomie a prévalu) ; aujourd’hui elle est devenue la référence incontournable, le mot d’ordre suprême, la voie hors de laquelle on mérite l’enfer. Certes l’utilisation invasive du terme a le mérite de mettre la question à l’agenda, de faire advenir une réalité qui sera indiscutable. C’est l’objet d’un langage performatif, de faire advenir des réalités, d’orienter les pensées et les actions vers ce qui est affirmé.

Selon les significations qu’on lui donne, l’autodétermination peut de facto être discriminatoire, et excluante. A donner à l’autodétermination une valeur aussi absolue, on prend le risque de discrimination, avec l’effet de séparer ceux qui seraient en capacité de s’autodéterminer, et ceux qui ne seraient pas en capacité. Là aussi, il y a « ceux qui ne sont rien ». La catégorie de ceux qui ne méritent pas les préoccupations de la société va grossir : aux assistés, à ceux qui ne prennent pas leurs responsabilités ou d’initiatives, aux moins flexibles, aux déclassés, s’ajouteront ceux qui ne peuvent manifester leur autodétermination.

Si tout le monde s’accorde à affirmer qu’il n’y a pas d’autodétermination absolue, les objectifs d’accompagnement à l’autodétermination sont bien souvent organisés autour du développement personnel de la personne, nécessitant le développement de capacités personnelles. Ce type d’objectifs rabat les problématiques sur l’amélioration de la personne, et sur ses capacités à prendre en charge les améliorations nécessaires. Les atteintes d’objectifs étant des critères d’évaluation, la personne qui atteindra l’objectif aura davantage de « valeur » humaine qu’une personne dont l’autodétermination peine à s’exprimer. Il n’empêche : une hiérarchie est établie selon laquelle les personnes qui font preuve d’autodétermination ont davantage de valeur que les autres : ceux qui entreprennent, décident, sont responsables, ont une image bien plus positive en termes de valeur humaine que ceux qui obéissent, se soumettent, ont besoin de protection ou sont vulnérables, … les « assistés ». Comme si la vie humaine n’était faite que de l’idéal des premières caractéristiques. Se laisse aller, se laisser servir, ou plus gravement être aidé, se délester de ses responsabilités et charges, bref ne plus s’autodéterminer est dévalorisé.

Être critique sur l’autodétermination et sur les manières dont ce concept se déploie comme norme et vérité auxquelles il convient d’adhérer de manière absolue, de s’acculturer, est considéré comme « résistance », considérée négativement. La résistance en tant que telle, scientifiquement, philosophiquement, politiquement, est ambivalente : certaines résistances ont été à la source de progrès. Mais ici, la résistance est résistance au changement, celui-ci étant conçu unilatéralement comme progrès. Le changement étant institué comme progrès, la résistance, ou la critique, est renvoyée au passé, à ce qui se faisait avant, voire dans le contexte social à des pratiques considérées comme archaïques, non désirables, malveillantes, maltraitantes. Cette dichotomie radicale et violente opposant résistance/archaïsme/critique et adhésion/changement/progrès empêche intellectuellement de penser, d’élaborer une pensée critique, de se responsabiliser dans ses pratiques, pour ne donner comme possibilité que celle d’adhérer à des normes identifiées à des changements. Effectivement, il y a des changements, la plupart du temps positifs, dans les rapports entre les professionnels et les usagers par exemple, ou dans l’organisation des services. L’autodétermination, à ce titre, devient une norme universalisée comme « bien » technique et social, à laquelle tout un chacun n’a d’autre choix que de manifester son adhésion non critique.

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mercredi 2 octobre 2024

de la compensation, faute d'accessibilité

De la compensation, faute d'accessibilité

 Compensation et accessibilité sont bien souvent, sinon toujours, considérées comme les deux faces d’une même pièce. A juste titre dans la plupart des cas. Ainsi, en ce qui concerne par exemple les transports en commun,  un fauteuil roulant, qui est de l’ordre de la compensation, ne peut-il avoir de sens que dans des dispositifs d’accessibilité de l’espace public des transports (quais…) et dans les véhicules (planchers surbaissés…). Mais l’image des deux faces d’une pièce peut être trompeuse : il arrive que la compensation dont est pourvue une personne dispense la société de mettre en place l’accessibilité, alors que parallèlement la mise en place de dispositifs d’accessibilité permet de minorer les compensations nécessaires. C’est dire que le rapport entre compensation et accessibilité n’est pas fixe et immuable, mais qu’il est flexible et que des changements dans l’un des domaines peut avoir des effets sur l’autre.

mardi 10 septembre 2024

l'école inclusive comme réalité alternative

L'école inclusive comme réalité alternative

 Le langage désigne, nomme et qualifie le réel. Mais il sert aussi à masquer et oblitérer le réel, en créant une réalité alternative. George Orwell a magnifiquement illustré ce phénomène dans son roman 1984 (publié en 1949), avec ce résumé de communication dans la formule, mot d’ordre et slogan : « La liberté, c’est l’esclavage ! ». De manière similaire, le discours politique public désigne une situation, où l’exclusion de l’école (refus, défaut d’adaptation, stigmatisation, ségrégation) de nombre d’enfants handicapés est monnaie courante, sous les termes inclusion ou école inclusive. Il crée ainsi une réalité alternative d’une école inclusive, à l’exact opposé de ce qui se passe véritablement : l’inclusion, c’est l’exclusion !

mardi 3 septembre 2024

surtout, ne pas former au handicap !

Surtout, ne pas former au handicap !

Il est pour le moins paradoxal, sinon provocateur, d’adresser cette apostrophe dans un moment où, pour favoriser l’école inclusive, tout le monde s’accorde à affirmer la nécessité d’une formation des enseignants et autres professionnels des équipes éducatives. Et pourtant, la question se pose, dès lors qu’on s’interroge sur la nature et les contenus de la formation dont il serait question. Si en effet l’approche culturelle du handicap est celle d’une conception individuelle et biomédicale, et que c’est cette approche qui est transmise dans la formation, celle-ci risque d’avoir des effets contre productifs, et contraires à l’idée même d’inclusion. Affirmer (et transmettre) que le handicap est dû aux caractéristiques individuelles de la personne (maladies, troubles, déficiences, incapacités, limitations…), c’est affirmer la responsabilité de la personne dans les situations qu’elle vit. « Pas de bras, pas de chocolat », disait l’autre.

vendredi 23 août 2024

normes, handicap et validisme

Normes, handicap et validisme

Dans une société conçue par et pour les personnes considérées comme valides, on demande généralement aux personnes handicapées d’organiser leur vie et leur comportement autour de ce dont ils sont « dépossédés », autour de ce qui est considéré comme la norme humaine en vigueur, autour de ce qui les fait considérer comme non valides.

Cela est particulièrement visible dans les situations vécues par les personnes sourdes (les Sourds). Malgré une reconnaissance, récente, de la langue des signes, tout est fait, dans les dispositifs et les discours sociétaux, pour que les enfants qui naissent sourds soient « normés » en enfants entendants ou pseudo-entendants. Le texte sociétal, appuyé par des textes réglementaires (législatifs, recommandations…) affirme le caractère pathologique de la condition sourde et organise dès la naissance des parcours réparateurs pour « restituer cet enfant au monde » : dépistage systématique à J+2 et diagnostic précoce, systématisation de l’implantation cochléaire précoce, incitation à l’utilisation de la langue orale (avec aujourd’hui quelques compromis en faveur de la langue des signes), dispositifs de scolarisation non bilingues (de nombreux dispositifs s’affichant bilingues ne le sont que très imparfaitement ou par défaut), des inclusions, ou plutôt des intégrations conçues sur un mode individuel et normatif, etc. Tout est fait pour que l’enfant sourd se développe comme enfant entendant, gage d’une normalité admise et souhaitée. Tous les obstacles sont mis pour qu’il ne puisse construire une identité sourde.

jeudi 27 juin 2024

Une soumission à un ordre gestionnaire ?

 Une soumission à un ordre gestionnaire ?

Comment se fait-il que personne (ou si peu) ne s’étonne que ce soit dorénavant, et en particulier pour les plus vulnérables, d’abord le coût de fonctionnement et des prestations qui détermine la réponse aux besoins individuels et sociaux ? Entre les excès fantasmés d’un « open-bar » mythique et les organisations contraintes de prestations, évaluées à la jauge de leur efficience (c’est-à-dire le fait de rentrer dans des grilles de coûts), il y a un gouffre ! Il n’empêche : c’est la seconde voie qui se met en place. SERAFIN-PH est justement en train d’installer, progressivement et sans doute avec moins de brutalité que dans des secteurs qui l’ont précédemment éprouvée, comme l’hôpital et l’aide à domicile entre autres, cette efficience revendiquée, avec un cynisme rare. Si l’on parle bien pourtant de besoins (une nomenclature a été créée à cet usage), c’est au nom du principe sacré de « l’adéquation des financements ». On inverse la donne : dorénavant c’est le financement qui détermine la cartographie des besoins ainsi que la cartographie des prestations. C’est l’affirmation de la réduction de la condition humaine aux exigences économiques du moment.

mardi 18 juin 2024

approche biomédicale et surdité

 Approche médicale et surdité

Vous croyiez que l’on s’était éloigné, voir que l’on était sorti, d’une approche médicale et individuelle du handicap ? Vous croyiez que les évolutions internationales (convention des droits, modèles du handicap) avaient fait bifurqué ou changé les approches traditionnelles du handicap ? Vous croyiez pouvoir vous satisfaire des évolutions philosophiques, réglementaires et organisationnelles concernant le cham du handicap ? Détrompez-vous ! L’approche individuelle et biomédicale est toujours à l’œuvre, imputant aux caractéristiques individuelles (déficience, trouble, incapacité, limites) la responsabilité des situations vécues de handicap, et considérant que la pleine humanité est de ne plus avoir (ou de réduire) les inconvénients de ces caractéristiques individuelles pour entrer dans la normalité. Les promoteurs et militants de l’anti-validisme renseignent et illustrent comment, au quotidien, ce sont encore ces approches qui installent des obstacles massifs à l’accès aux différents droits fondamentaux pour les personnes handicapées : les environnements non accessibles mettent des obstacles à la participation sociale et à la qualité de vie.

lundi 10 juin 2024

L'inclusion, obstacle à l'éducation inclusive

L'inclusion, obstacle à l'éducation inclusive

Y a-t-il des différences, et quelles seraient-elles, entre inclusion et éducation ou école inclusive ? Faisant suite à la notion et aux dispositifs d’intégration qui ont eu cours jusqu’aux années 2005, se sont installées les notions d’inclusion (surtout) et d’éducation inclusive, souvent utilisées de manière équivalente. Puis, peu à peu, ces deux dernières notions se sont distinguées l’une de l’autre, pour arriver aujourd’hui à des significations distinctes, et qu’il est important de pouvoir distinguer.

J’ai moi-même utilisé, et je le fais encore parfois, indifféremment les deux termes, inclusion et éducation inclusive, davantage dans le souci de les distinguer de la période, des principes et des modalités de l’intégration scolaire. Les terminologies étaient pratiques pour opposer la contrainte de l’adaptation de l’élève aux normes de l’école (l’intégration), à l’adaptation demandée de l’école à l’élève (inclusion). Mais il est temps aujourd’hui de faire le point, et de voir en quoi ce qui est établi de l’inclusion scolaire se distingue de ce qui est en train de se définir en tant qu’éducation inclusive , afin de comprendre comment, en restant sur la notion et les principes de l’inclusion, on se heurte à des impasses et des immobilismes qui sont de véritables obstacles à l’éducation inclusive.

jeudi 16 mai 2024

Handicap et facteurs environnementaux

 Handicap et facteurs environnementaux

L’idée que le handicap appartient à la personne concernée, qu’il est une caractéristique de la personne, et par conséquent n’aurait pas à voir avec l’environnement, est profondément ancrée dans nos représentations et nos habitudes de pensée. Une professionnelle travaillant dans le secteur médico-social déplorait qu’un jeune homme, désirant passer son permis de conduire, soit bloqué pour l’épreuve de code, en raison justement des difficultés cognitives qu’il présentait : il n’arrivait pas à maitriser les connaissances requises, en tout cas pas à y répondre, parce que les diapos passaient trop vite, la formulation des questions présentait de la complexité, etc. Le tableau était ainsi présenté que c’était ce jeune homme qui avait le handicap et qu’il rencontrait ainsi des limites, un peu à la manière de « pas de bras, pas de chocolat ! ». L’idée d’une modification de l’environnement (aménagement des conditions des leçons de code, et de la passation de l’examen) ne lui était pas venue à l’esprit : s’il ne pouvait pas passer le permis, c’est qu’il était handicapé.

lundi 6 mai 2024

le handicat est-il une malfaçon ?

Le handicap est-il une malfaçon ?

Il y a un proverbe (africain ?), dont une des versions dit ceci : « Tant que les lions n’auront pas leur propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter les louanges des chasseurs. » Au-delà du simple signifié de la formulation, le proverbe fait référence à une idée non seulement de séparation de catégories, les humains et les lions, mais essentiellement à la domination de la première sur la seconde, qui est sans voix, sans histoire. Les sans voix, ce sont aussi les catégories humaines dominées, dont la caractéristique est de laisser, ou plutôt de subir, la voix des dominants. C’est ainsi que furent sans voix les femmes (par rapport aux hommes), les personnes de couleur (par rapport aux blancs), les homosexuels (par rapport aux hétérosexuels), mais aussi bien sûr les personnes handicapées (par rapport aux personnes dites valides). C’est aussi le cas des pauvres, dont la caractéristique « sans voix » a été maintes fois soulignée, dominés économiquement et socialement.

jeudi 25 avril 2024

"même pas le temps de faire mon boulot"

"Même pas le temps de faire mon boulot !"

C’est l’heure d’une petite pause-café pour quelques professionnelles d’une équipe médico-sociale. « Oh ! il m’embête, X, dit l’une d’elle, éducatrice spécialisée. Qu’est-ce qu’il est collant, il n’arrête pas de venir me solliciter, il me demande toujours des trucs, il veut toujours savoir si ce qu’il fait c’est bien, tout ça… Pfff ! Il m’empêche de faire mon boulot. » - « Ton boulot ??? » - « Ben oui, je n’ai plus le temps avec lui de remplir mes tableaux Excel, de compléter le dossier informatisé des usagers, de faire mon reporting, tous les trucs qu’on a à faire là… ». Nul doute que le zèle que met cette éducatrice à faire le travail prescrit par les différents référentiels, recommandations et procédures sera la garantie d’une bonne évaluation interne et externe de qualité de services et prestations, qui trouverait grâce auprès d’une quelconque agence de la performance. Elle a le souci de renseigner les différentes grilles et documents (c’est son boulot), et ceux-ci attesteront de l’efficience des prestations, c’est-à-dire de l’adéquation entre ce qui sera déclaré réalisé et les critères établis de l’offre de services et des prestations, au nom de la bonne gestion et administration de l’activité.

lundi 15 avril 2024

Inclusion versus éducation inclusive

Inclusion versus éducation inclusive

 L’inclusion (ou l’éducation inclusive), si présente dans le discours institutionnel, est-elle une valeur (une éthique) si partagée ? On a vu il n’y a pas longtemps un syndicat d’enseignants s’insurger contre la poursuite de l’inclusion et réclamer que les élèves handicapés puissent être ségrégués dans des institutions spécialisées. Mais on voit aussi des décisions politiques, à rebours des discours tenus par les mêmes acteurs, nuire à la perspective inclusive : maintien d’une organisation scolaire séparatiste et inégalitaire, restriction de moyens, absence de formations, dispositifs d’organisation sélectifs et ségrégatifs (orientation, classes de niveau…), élèves handicapés non scolarisés…

lundi 8 avril 2024

l'inclusion, une impasse ?

 L'inclusion, une impasse ?

Et si l’inclusion, dont on voit bien aujourd’hui, au-delà d’un consensus de façade, qu’elle se heurte à de sérieuses limites et contestations, était pensée selon un modèle qui relèverait d’une véritable aporie ? Malgré les ajustements sémantiques et conceptuels que l’on trouve dans les termes d’éducation inclusive et d’école inclusive, il reste que l’inclusion relève encore de la définition qui lui a été attribuée lorsqu’elle a remplacé la notion d’intégration dans la première décennie de ce siècle. C’est d’ailleurs pour cette raison que la plupart du temps, les différentes terminologies sont indifféremment utilisées. Dans ce registre persistant, l’inclusion scolaire concerne un ensemble de dispositifs déployés auprès des enfants handicapés, auxquels s’adapte l’école, en mettant en place diverses compensations et aménagements spécifiquement destinés à celles et ceux dont les besoins ont été identifiés comme relevant des caractéristiques personnelles déficitaires (déficiences, troubles, incapacités, limites). Les dispositifs d’intégration demandaient à l’enfant handicapé de s’adapter au fonctionnement de l’école, de laquelle il était rejeté s’il ne s’adaptait pas. Les dispositifs d’inclusion s’adaptent spécifiquement, particulièrement, à cet enfant, en raison des problèmes qu’il présente, issus de ses caractéristiques personnelles. Ainsi, une classe présente des élèves « normaux » et un élève « différent » auquel il convient de s’adapter par compensation et aménagement.

mardi 2 avril 2024

comment accueillir un élève handicapé dans sa classe ?

Comment accueillir un élève handicapé dans sa classe ?

Il est convenu d’affirmer que les enseignants doivent se former afin d’accueillir des élèves handicapés dans leur classe. Tout dépend de quelle manière. Il y a en définitive deux manières, ou postures, de formation ou d’auto-formation. La première consiste à prendre connaissance des caractéristiques de tel ou tel élève concerné, et de mettre en place des dispositifs qui lui conviendront. La seconde consiste à s’interroger plus globalement sur les dispositifs d’enseignement mis en place pour les rendre accessibles et adaptés à tous les élèves, dont spécifiquement celui concerné. Les deux postures n’ont pas du tout les mêmes enjeux, ni les mêmes principes éthiques.

mardi 26 mars 2024

des représentions archaïques du handicap

Des représentations archaïques du handicap

C’est agaçant ! On croit que, concernant les situations de vie des personnes en situation de handicap et leur accès aux droits fondamentaux, les choses se sont beaucoup améliorées. On présume que l’on ne penserait plus, comme auparavant, que le handicap serait une attribution, une « propriété » de la personne, et que les conditions environnementales jouent un rôle dans les difficultés de participation des personnes, dans les situations de handicap qu’elles rencontrent. On se dit que les évolutions conceptuelles (Classifications internationales, convention des droits des personnes handicapées), que les évolutions des offres de service et les recommandations de bonnes pratiques, que les prises de parole des personnes concernées dénonçant le validisme, que les discours inclusifs et d’autodétermination, ont modifié substantiellement le regard porté sur les personnes concernées et sur les représentations négatives liées à la notion de handicap.

lundi 18 mars 2024

l'école inclusive entre compensation et accessibilité

L'école inclusive entre compensation et accessibilité

L’un des obstacles majeurs au développement de l’éducation inclusive tient peut-être à la mauvaise répartition entre compensation et accessibilité dans les réponses à la scolarisations des élèves en situation de handicap, ou plus précisément au fait que c’est encore la compensation qui constitue le modèle dominant de réponses. Il ne faut pas s’étonner de ces pratiques : la société dans son ensemble a hérité de l’histoire de l’accompagnement des personnes en situation de handicap une approche compensatoire, qui la rend elle-même peu inclusive, mais réhabilitatrice, réparatrice, normative. A cela s’ajoute la tradition d’une école qui n’a pas eu l’habitude d’accueillir ces catégories de populations. Plusieurs phénomènes, plus ou moins visibles, attestent de la pérennité et du poids de cette approche dans les modalités actuelles de la présence des enfants en situation de handicap à l’école.

lundi 11 mars 2024

les impensés du changement

Les impensés du changement

L’injonction au changement est massive et permanente. Comme si l’état naturel était l’immobilisme, et que le changement ne se produirait que par injonction, pression, voire violence. Le schéma le plus courant justifiant de cette conception du changement est basé sur une échelle des zones, allant de la zone de confort à celle du changement, en passant pas celle de l’incertitude ou de la peur et celle de l’apprentissage. Il y a un a priori méthodologique : la zone de confort ne permettrait ni innovation, ni changement, étant définie comme un état dans lequel une personne se sent à l’aise, sans subir de stress ou d’anxiété. Ce qui permettrait innovation et changement, c’est la sortie de cet état, pour entrer dans une zone de peur (heureusement personne n’a encore parlé de zone de terreur comme source de changement !).

mercredi 6 mars 2024

les besoins : une notion piège

Les besoins : une notion piège

Sous le prétexte, légitime, de tenir compte de la personne concernée, de la mettre au centre de son projet, c’est la notion de besoin qui a émergé et défini les réponses d’accompagnement. Il s’agit dorénavant de répondre aux besoins de la personne en situation de handicap, et lieu et place de lui fournir une « institution », un kit de prestations préprogrammées, organisées institutionnellement, identiques pour tous. Il est admis aujourd’hui que chacun, que chaque individu puisse avoir des réponses individualisées ou personnalisées à des besoins eux-mêmes individualisés. La prise en considération d’une telle perspective a certainement renversé, au moins en partie, le rapport entre les personnes concernées et les « prestataires », dans le sens d’une plus grande autodétermination des personnes : je ne subis plus (ou moins) la décision des professionnels et de leurs institutions, je donne mon avis, je manifeste mes besoins, je prends la parole, je (co-)élabore mon projet d’accompagnement…

lundi 26 février 2024

handicap : tout le monde est formidable

Handicap : tout le monde est formidable !

Les fins d’année sont propices à parler des « handicapés » : du Duoday au Téléthon, de la semaine de l’emploi des personnes handicapées à leur journée internationale. Au cours de l’année, de nombreux évènements sont également l’occasion de parler d’eux. Est-ce l’occasion de les valoriser, ou au contraire et en même temps de leur faire part de notre compassion ou solidarité ? Est-ce l’occasion de reconnaitre leurs droits et l’insuffisance de l’action publique les concernant, ou au contraire et en même temps de déplorer leur malheur, leur différence, leur écart au normal et de rappeler l’importance de leur permettre l’accès à nos normes ?

lundi 19 février 2024

troubles associés à une déficience

Troubles associés à une déficience

Je me suis toujours interrogé, non sur la complexité des « troubles » qui pouvaient apparaitre associés à une déficience principale, mais sur la nature de cette association d’une déficience à des phénomènes connexes qui lui apparaissent attachés. Le premier exemple qui m’a interrogé est celui de la déficience auditive, à laquelle les représentations dominantes à une certaine époque associaient des troubles ou des handicaps associés dans différents domaines. Une publication (D.Colin, Psychologie de l’enfant sourd, Masson, 1978) me semble emblématique d’une théorisation de cette association, que l’on retrouve encore assez souvent dans les orientation contemporaines. Cet ouvrage indique, dès son premier chapitre, des « généralités sur les quatre handicaps de l’enfant sourd : handicap biologique, voire psycho-physiologique, handicap verbal, handicap social et affectif, handicap intellectuel ».

lundi 12 février 2024

"Conduire le changement" disent-ils

"Conduire le changement" disent-ils.

Qui, dans sa situation professionnelle, n’a entendu, ou déclaré, vouloir « conduire le changement ». Formule si banalisée dans le monde du management (les managers et les managés) que l’on se désintéresse spontanément des impensés, de l’inconscient et des a priori de la formule. Elle signifie, tout simplement et tout violemment, qu’il y a ceux qui conduisent et ceux qui sont conduits, ceux qui savent vers quoi il est requis de changer et ceux qui doivent se contenter de suivre le mouvement, en y adhérant de préférence, se contenter de suivre les consignes pour opérer des déplacements, des sachants et des ignorants. Dans ces conditions, il peut y avoir certes des changements, des déplacements, mais vraisemblablement pas de transformation, qui nécessiterait que tous élaborent vers où se transformer, au nom de quoi, comment et pourquoi. L’application d’un travail prescrit correspondant à la conduite d’un changement voulu et pensé par d’autres est une impasse, non seulement pour le professionnel, mais aussi pour la transformation elle-même. L’adhésion et la mobilisation pour un changement hétéronome sont rendues invraisemblables, même en se raccrochant aux branches d’une culture d’entreprise (« c’est notre ADN »), qui de toute façon a été élaborée dans les sphères de ceux qui justement prétendent conduire le changement.

lundi 5 février 2024

à qui appartiennent les besoins ?

A qui appartiennent les besoins ?

Un besoin exprime un écart, entre ce que je ne possède pas et ce que possèdent d’autres, cette dernière possession étant considérée comme le standard de ce qui fait une vie satisfaisante. La notion de besoin s’inscrit dans un schéma normatif où il y a une normalité en deçà de laquelle l’écart doit être comblé, en ce qu’il exprime un besoin. Celui-ci, lorsqu’il sera comblé, fera accéder la personne qui a un manque/besoin à l’égalité avec les autres humains, dont la « moyenne » de fonctionnement constitue la norme. Et inévitablement, lorsqu’une personne ne peut satisfaire un tel besoin, surtout si cela est de son fait, elle se trouve de fait dans les catégories hors normes par rapport aux normaux. C’est la définition que l’on trouve dans la réforme SERAFIN-PH, où le besoin de la personne handicapée est défini comme un écart, en moins (c’est-à-dire ce qui manque) par rapport à ce qui est réalisé (formellement) par la personne non handicapée. Le besoin reste la marque du défectueux, du manquant, en définitive de l’homme minoré.

lundi 29 janvier 2024

une pseudo démocratisation pour les personnes en situation de handicap ?

Une pseudo démocratisation pour les personnes en situation de handicap

On se satisfait, peut-être parfois un peu trop rapidement, des progrès sociétaux qui ont vu accorder une place plus importante, plus reconnue, plus respectueuse pour les personnes en situation de handicap dans la société. De fait, si l’on fait une comparaison avec ce qu’il en était il y a plus d’une vingtaine d’année, les progrès ne peuvent être niés. La loi de janvier 2002 a instauré des droits minimaux aux usagers des établissements et services médico-sociaux, même s’ils ne sont toujours considérés que dans leur fonction d’usagers. Le droit à la compensation et à l’accessibilité ont été affirmés dans la loi de février 2005, avec la perspective démocratique de leur citoyenneté. Leur expertise dans l’élaboration des réponses de proximité comme dans celle des politiques publiques a été reconnue, des groupes de pairs-aidants sont présents dans un comité consultatif  national. L’activisme des personnes concernées s’est développé dans différents groupes ou collectifs qui se sont constitués. Le discours dominant ne cesse de mettre en avant leur empowerment, leur autodétermination, leur responsabilité, leur pouvoir d’agir au centre de leur projet de vie. Référence est faite aux droits universels de la Convention onusienne des droits des personnes handicapées…

lundi 22 janvier 2024

troubles et tolérance aux différences

Troubles et tolérance aux différences

 La croissance, qui semble sans fin, de diagnostics de troubles neuropsychologiques ou neurodéveloppementaux de plus en plus diversifiés favorise-t-elle la prise en compte, dans le quotidien de la vie familiale et de la classe, des différences individuelles ainsi déclarées et mises en avant ? Il semble raisonnable de le penser, en fonction du principe selon lequel lorsque l’on connait un phénomène, on est en mesure de le traiter et d’y répondre. Mais ce principe lui-même a-t-il valeur universelle ? Des exemples invalident néanmoins ce principe : le diagnostic de trouble auditif conduit bien des professionnels à un traitement de réhabilitation de la langue orale, en ignorant de ce fait les différences linguistiques et culturelles qui pourraient advenir. Le diagnostic ne dit pas quoi faire. Il est par conséquent pertinent de s’interroger, dans le cas de ces troubles aujourd’hui si fréquents, sur la logique causale entre diagnostic et adaptation à la différence.

lundi 15 janvier 2024

Bricoler ses pratiques

 Bricoler ses pratiques

Dans le déferlement des recommandations de bonnes pratiques et de grilles d’action à mettre en place, suivre et évaluer, face à un travail prescrit qui ne laisse pas beaucoup de place à l’initiative individuelle, il est peut-être temps de réhabiliter le bricolage. Bricolage, terme et postures honnis des experts, des ingénieurs et technocrates de l’action sociale, des contrôleurs de l’efficacité par les preuves, de ceux à qui il convient de rendre des comptes. C’est Claude Levi-Strauss qui a le mieux promu cette notion de bricolage et l’activité du bricoleur, dans le domaine des pratiques humaines : « Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les « moyens du bord », c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble […] est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructions et de destructions antérieures. » (La pensée sauvage).