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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 14 avril 2020

déficience,dépistage et situations de handicap

Déficience, dépistage et situations de handicap


Les situations de handicap, nous affirme-t-on, ne sont plus relatives qu’à la seule déficience, mais à l’interaction entre des facteurs personnels, parmi lesquels la déficience, et des facteurs environnementaux. Pour qu’il y ait une situation de handicap, il faut un « corps déficient » avec des incapacités, et un environnement inhospitalier aux contraintes de vie de ces personnes. Si tel était vraiment le cas, la déficience devrait être considérée autrement, et non comme une maladie qu’il faut encore et toujours guérir et soigner, diagnostiquer et traiter, mesurer et rééduquer. Mais tel n’est pas le cas.

La manière de prendre en considération la déficience, et donc la projection de cette approche dans l’appréciation des conditions de vie des personnes qui ont des déficiences, reste encore ancrée dans la notion de maladie. C’est Alain Blanc (Sociologie du handicap, 2012, p.48) qui pose la question à travers la question du dépistage : « Loin d’être banal, le dépistage pose, parmi tant d’autres, une question cruciale : la déficience est-elle une maladie ? Si l’on répond par l’affirmative, les dépistages de toute nature doivent être systématisés dans le but de soigner, voire d’éradiquer, ce qui est conçu comme une tare ou une erreur de la nature. La médecine y confirme ses galons de gardienne assermentée du bien-être des populations. Si, à l’inverse, on considère que la déficience n’est pas une maladie, alors le caractère systématique du dépistage n’est plus fondé. ».

Or, que se passe-t-il aujourd’hui ? On assiste à une multiplication des dépistages avant ou juste après la naissance, soit pour éviter de faire naitre des enfants avec déficiences, soit pour dépister précocement afin de pouvoir traiter immédiatement et le plus tôt possible, et ainsi éviter les effets prévus d’une déficience. La multiplication des dépistages semble bien vouloir dire que l’on en est encore à une conception défectologique des situations de handicap.

Le cas des sourds est ici exemplaire, avec le dépistage néonatal (à J+1), systématique depuis 2012. Les sourds ont bien évidemment une déficience auditive, et pour certains d’entre eux dès la naissance. Mais ils ne peuvent être réduits, humainement, à cette déficience : ils ont une audition qui n’est pas celle de la très grande majorité de la population, qui s’appelle une déficience auditive, ils ne sont pas déficients auditifs. Ils ont développé, collectivement, leur propre adaptation au monde, en « inventant » une langue pour communiquer et penser (la langue des signes), en créant une culture propre insérée dans la culture dans laquelle ils vivent, et en se regroupant, à l’occasion, dans des espaces communautaires insérés eux-aussi dans la citoyenneté de leurs environnements. Plus qu’une catégorie de déficience ou de handicap, il s’agirait aussi bien d’une catégorie linguistique et identitaire, minoritaire.

Comme la société est pensée par les personnes majoritaires, celles qui entendent, elle est plutôt inhospitalière aux personnes qui n’entendent pas ou mal. Les sourds rencontrent donc des difficultés à réaliser certaines de leurs habitudes de vie lorsque rien dans leur environnement ne leur facilite la vie, ne leur est accessible. On peut donc caractériser leurs conditions de vie comme des situations de handicap.

Le dépistage systématique précoce se situe à l’extrême opposé de cette approche. Il est présumé que la personne qui a une déficience est une personne à qui il manque quelque chose qu’il faut compenser, réparer, traiter, au même titre qu’une maladie qu’il faut guérir. Rien à voir avec une situation de handicap qu’il faudrait tenter de réduire en respectant les caractéristiques des personnes concernées et en faisant évoluer l’environnement pour qu’il puisse tenir compte de ses caractéristiques. Non, le dépistage présume d’une société normée, fonctionnant aux normes de la majorité, et à laquelle ne peut appartenir que celui qui a surmonté sa déficience pour devenir normal.

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