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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 15 janvier 2020

accessibilité et éducabilité

Accessibilité et éducabilité


Depuis de longues années, un débat porte sur la nature et les modalités de l’accompagnement des jeunes sourds à l’école, l’alternative consistant dans le choix ou bien de l’accompagnement par des enseignants spécialisés en surdité ou bien des accompagnements par des « interface » de communication (interprètes en langue des signes ou codeurs en langue française complétée codée). La question, pratique autant que théorique, n’est pas si anodine, car elle révèle la représentation que l’on peut avoir des élèves sourds et sur les situations de handicap y afférant. L’histoire des évolutions dans ces domaines est éclairante.

A l’origine de l’éducation des sourds, seul prévaut l’enseignement spécialisé, dans des classes spécialisées à l’intérieur d’institutions spécialisées, avec des méthodes spécialisées, et donc des enseignants spécialisés. Spécialisé veut signifier ici hors des normes applicables aux autres, et inversement que les normes applicables à tous ne valent pas ici. Ces modalités se sont pérennisées pendant plus de deux siècles, jusqu’à la période où l’on a parlé d’intégration scolaire, puis d’inclusion. Les élèves sourds ont été alors progressivement « intégrés », mais bien souvent sans modalités d’accessibilité ou de compensation, avec des résistances parfois légitimes lorsque cette intégration était le prétexte à bannir et faire disparaitre la langue des signes. Avec le paradigme de l’inclusion, se pose de nouveau la question de la nature de l’accompagnement, puisque le postulat inclusif est la prise en compte des particularités.

Mais, dès les périodes de l’intégration, des modalités d’accompagnement de la scolarité se mirent en place, de manière contrastée dans leur nature et leurs caractéristiques. Dans certains dispositifs, ceux qui furent créés à cette époque pour répondre à de besoins exprimés par les familles en particulier, furent mis en place des « interfaces de communication » (à défaut d’interprètes ou de codeurs encore en nombre insuffisant) qui peu à peu se positionnèrent dans le domaine de l’accessibilité. Les évolutions d’une fonction d’aide à la communication pour les sourds à une professionnalisation d’interprète en langue des signes en sont le témoignage.

Dans d’autres dispositifs, et en particulier dans les institutions historiques où l’enseignement spécialisé avait une place centrale, dont les INJS (Instituts nationaux pour les jeunes sourds) sont l’emblème, l’intégration/inclusion, notamment collective, s’est effectuée sous d’autres modalités. Ici, ce sont les enseignants spécialisés qui se sont positionnés dans l’accompagnement des élèves en scolarisation plus ou moins inclusive, mais dans une perspective davantage de compensation que d’accessibilité. Le plus souvent, cela a commencé par quelques cours partagés (l’éducation physique ou sportive, les arts plastiques, puis les sciences), avant de généraliser les temps d’inclusion, toujours accompagnés par des enseignants spécialisés. Le co-enseignement a été de règle, mettant en présence l’enseignant titulaire de la classe, et dans cette classe, un enseignant spécialisé dédié aux seuls jeunes sourds.

Derrière ces modalités, on trouve un certain nombre de postulats éducatifs récurrents de l’enseignement spécialisé et de son histoire. Il y a l’idée prégnante que les sourds ne peuvent accéder au « discours » ordinaire sans avoir une adaptation cognitive et langagière. J’ai vu par exemple des enseignants me dire qu’en co-enseignement, ils faisaient un autre cours dans le cours, pour que les élèves sourds comprennent. Ou encore simplifiaient-ils à l’extrême le vocabulaire, quitte à l’appauvrir. Cette indispensable présence était requise parfois au nom de l’irréductible singularité identitaire (et pas seulement langagière) des jeunes sourds, dans leur fonctionnement cognitif, dans leur manière d’apprendre, de sentir, etc, bref que l’apprentissage pour tous ne pouvait convenir.

On frôle là un déni d’éducabilité si les sourds ne peuvent apprendre comme tous et avec tous (sous réserve d’accessibilité), en les rendant dépendants d’une compensation qui refuse tout risque.

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