biographie

Ma photo
Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 7 février 2020

autonomie et protection

Autonomie et protection

Les notions d’autonomie et de protection ont été de tout temps des identificateurs de l’action auprès des personnes en situation de handicap ou vulnérables, jouant alternativement de leur primauté : la protection a longtemps été première, l’autonomie s’est inscrite progressivement comme projet. Si ces notions ont toujours été au principe des pratiques, elles n’ont pas toujours eu les mêmes significations.

Lorsque l’autonomie est conçue comme projet, la personne concernée est en mesure de se donner, au fur et à mesure, que cela fonctionne ou pas, des outils pour devenir de plus en plus autonome. Dans ce processus, il bénéficie d’aides ou d’accompagnements pour faire valoir ses droits, malgré l’écart entre sa situation d’autonomie partielle et son objectif d’autonomie à atteindre.


Aujourd’hui, l’autonomie n’est plus un projet, elle est devenue une norme à laquelle il faut souscrire et qu’il faut faire sienne. Il faut déjà être autonome, faire valoir ses caractéristiques d’autonomie pour bénéficier des aides, avantages et accompagnements qui seraient nécessaires à justement acquérir cette autonomie. Cette approche se rencontre massivement aujourd’hui et de plus en plus dans les politiques publiques des secteurs de l’aide sociale ou de l’action auprès des plus vulnérables. Le non recours aux droits est attribué au manque d’autonomie des personnes (qui ne savent pas, ou n’osent pas, demander à bénéficier des aides qui leur seraient dévolues). La personne au chômage est « responsable » de sa situation en raison du manque d’exercice de son autonomie (appelée ici flexibilité), et doit faire la preuve de son autonomie dans la recherche de travail (traverser la rue !) pour voir maintenir ses droits. Dans SERAFIN-PH, l’autonomie est conçue comme besoin à satisfaire et plus du tout comme projet.

L’injonction à l’autonomie qu’on trouve ainsi massivement dans les politiques publiques, en écho de la valeur autonomie instaurée comme fétiche sociétal, se traduit par des inégalités d’aides et d’accompagnement : ceux-ci sont en effet relatifs à l’exercice d’une autonomie considérée comme étant une norme exigible, comme déjà là. L’investissement de la personne dans son « projet », manifestation et condition de son autonomie présumée, génère des inégalités en fonction des caractéristiques d’autonomie des personnes : donner moins à ceux qui ont moins (d’autonomie).

On touche là un paradoxe : la promotion de l’autonomie, censée être l’inverse de la normalisation (être autonome, c’est faire preuve de singularité), produit la normalisation à l’égard du fonctionnement social : la critique sociale (par exemple : défense des solidarités, des droits collectifs, etc.) n’est pas un signe d’autonomie, mais d’anomie.

Dans le contexte d’une autonomie/norme, quand l’injonction à l’autonomie rencontre le besoin de protection, c’est cette dernière qui cède le pas : ainsi dans les politiques publiques de l’intervention sociale, la protection sociale devient secondaire au profit de la responsabilisation, et finalement de l’assignation, des populations les plus vulnérables (chômeurs, pauvres, …) à s’en sortir par elles-mêmes, à être autonomes. La promotion sociétale et dans les politiques publiques de l’individu entrepreneur, autonome, condamne nombre de personnes à ne pas s’en sortir, jusqu’à la caricature (les chômeurs sont des fainéants, les pauvres sont responsables de leur situation).

On en arrive même à avoir une certaine honte à parler de protection, comme si cette notion était dépassée, ringarde, politiquement incorrecte. Comme si la vulnérabilité était une faute, un échec de l’autonomie/norme, une faillite du développement personnel et de la responsabilité individuelle. Ces nouvelles valeurs ne semblent pas encore s’être déployées dans le champ du handicap, mais le risque est cependant là.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire