Inclusion intégrative et inclusion ségrégative
Si l’on part de l’origine étymologique du terme inclusion,
on trouve le latin inclusio : emprisonnement. Par rapport aux
significations qu’a prises le terme aujourd’hui, on peut distinguer deux
aspects à l’inclusion : une inclusion « ségrégative », celle de
l’emprisonnement, et une inclusion « intégrative », celle qui est
mise en exergue dans l’utopie de la société dite inclusive.
L’inclusion ségrégative correspond à la période nommée le
plus souvent par les termes d’intégration scolaire. L’école a fonctionné selon
un modèle complètement ségrégatif lorsque les enfants en situation de handicap
en étaient par principe, et de droit, exclus et assignés à des institutions
spécifiques. Elle a ensuite fonctionné sur le modèle de l’intégration,
lorsqu’elle a accepté en son sein, parfois difficilement, une partie des
enfants en situation de handicap, ceux qui étaient le plus proche de la
« normalité » scolaire, en excluant toutefois ceux qui en étaient le
plus éloignés, en étant par conséquent ségrégative à l’égard d’une partie non
négligeable de la population des enfants en situation de handicap. Aujourd’hui,
le modèle inclusif a, en théorie, supplanté et recouvert ces anciens modèles.
Mais sous les deux aspects évoqués ci-dessus, un aspect intégratif et un aspect
ségrégatif.
Aujourd’hui, malgré la référence « universelle »
(textes internationaux et nationaux) à l’inclusion, il reste encore de nombreux
enfants en situation de handicap dont la scolarisation s’effectue en dehors des
espaces communs (toutes les institutions n’ont pas externalisés leurs unités
d’enseignement dans les établissements scolaires), avec des enseignants hors du
système éducatif commun (les enseignants spécialisés pour sourds ou aveugles
relèvent encore pour partie d’entre eux du ministère de la solidarité).
Persiste encore très fortement l’impossibilité conceptuelle de concevoir une
scolarisation ordinaire pour des enfants dont les situations de handicap sont
importantes et complexes. Ces situations placent d’emblée une politique
inclusive dans le champ d’une ségrégation persistante.
On pourrait caractériser comme semi-intégratif et
semi-ségrégatif tout un ensemble des dispositifs mis en place depuis une
vingtaine d’années, et qui seront vraisemblablement en place encore pendant un
certain temps. Relèvent de ce modèle mixte des dispositifs comme les ULIS
(Unités localisée pour l’inclusion scolaire) ou les UEE (Unités d’enseignement
externalisées). Ces dispositifs sont bien localisés dans un établissement
scolaire (face intégrative), mais à part (face ségrégative) : dans des
locaux spécifiques, avec des professionnels dédiés, avec une sociabilité
particulière, l’ensemble de ces modalités étant censées répondre à leurs
« besoins particuliers ».
Mais faut-il supprimer systématiquement la part ségrégative
de ces dispositifs pour qualifier la situation d’inclusive ? On peut voir
ces dispositifs comme une transition insatisfaisante vers une école inclusive.
Mais on peut les voir aussi comme des conditions nécessaires d’appartenance
inclusive. A. Marcellini (dans l’ouvrage dirigé par J.P.Tabin et al : Repenser
la normalité, 2020) évoque, dans un autre registre mais la même
problématique, la situation des sportifs handicapés de haut niveau. Leur
performance sportive reste modeste dans le monde sportif ordinaire. Par contre
dans le monde du sport-handicap, « elles atteignent des sommets,
remportent des championnats, assument une identité sociale, ce sont des modèles
pour les jeunes handicapés… » (p.30). La référence au handicap et à son
monde n’est pas une stigmatisation, mais le lieu de l’indépendance et de
l’émancipation.
Les modalités de scolarisation des jeunes sourds interrogent
de la même manière. La ségrégation mettait les sourds en dehors du monde.
L’intégration exigeait qu’ils parlent oralement pour être à l’école de tous.
L’inclusion individuelle, même avec la reconnaissance de la langue des signes,
les exclut des sociabilités ordinaires. Le regroupement, sous le signe de la
surdité, fait référence pour une inclusion dans l’institution école.
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