Handicap, diversité et différence
Les notions de diversité, de différence et de handicap ont toujours été en proximité. Soit dans une relation de subordination, quand les différences ou les diversités se réduisaient à la qualification de handicap pour les personnes concernées ou encore quand la sortie du handicap équivalait à la suppression des différences ; soit dans une relation de réfutation (et parfois de valorisation), lorsque les différences ou la diversité se manifestent comme étant des caractéristiques humaines autres, qui ne réduisent pas la personne à un statut de personne handicapée. C’est bien sûr la première de ces relations qui fut et reste le paradigme dominant de la manière de considérer les personnes qui ont des différences physiques ou d’aptitudes. La différence manifestée par une personne dite handicapée est vécue socialement comme une minoration de la qualité humaine. Du côté de l’autre modalité de relation, les Sourds ont représenté une valorisation de leurs caractéristiques, instituant leur différence dans la diversité humaine, avec la langue des signes et la culture sourde.
Plus récemment, un mouvement, celui des autistes, s’est
également fait jour dans cette perspective. Entre d’une part, la classification
du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM III) de 1987,
qui caractérise l’autisme dans les maladies et troubles mentaux, qualifiés en
l’occurrence de « troubles envahissants du développement », et
d’autre part les revendications et affirmations par un certain nombre
d’autistes qu’il ne s’agit pas de handicap, mais d’un profil neurologique parmi
d’autres, en définitive une simple différence parmi d’autres, une identité et
non une pathologie, la question est parfaitement posée. Et il y a de quoi s’y
perdre. Car même considérée de ce dernier point de vue, ces personnes
différentes vivent des situations de handicap dans une société faite pour des
personnes non différentes.
La question est complexe, car, caractérisés comme autistes,
il y a Greta Thurnberg, « Rain man », et il y a ceux dont parle le
film « Hors-normes ». Il y a des situations où la
neurodiversité devrait être considérée comme positive, charge aux mentalités et
aux environnement sociaux et matériels de s’adapter et de faire place à cette
diversité dans son fonctionnement social quotidien, dans l’espace public, à
l’école ou au travail. Cela peut même aller jusqu’à privilégier les
fonctionnements de neuro-diversité, comme dans le cas d’une entreprise suisse
d’informatique à Zurich, qui embauche prioritairement des
« autistes », plus efficaces. Et puis il y a des personnes dont les
différences, parfois associées à des déficiences ou des incapacités, rendent
les situations de vie dans l’espace public extrêmement problématiques (« Hors
normes »), et que la qualification de « neuro-diversité » ne
suffit peut-être pas à caractériser.
Peut-être le terme autisme est-il trop extensif, et que des
diagnostics médicaux et neurocognitifs pourraient éclairer la question. Mais
sera-ce au prix de l’instauration d’une frontière entre ceux qui relèvent d’une
qualification plus noble de neurodiversité et ceux qui garderont une
qualification de handicap ? Il est vrai que pour un certain nombre de
personnes autistes, reconnaitre la neurodiversité, reconnaitre une autre
identité plutôt qu’une pathologie, chercher à les soutenir et les accompagner
plutôt que de vouloir les guérir, aménager les environnements pour faciliter
leur vie, permettrait de sortir de la stigmatisation de la maladie et de
l’anormalité. Mais pour d’autres personnes autistes, cette reconnaissance ne
suffit pas. Ces profils cognitifs font peut-être partie de la neurodiversité,
mais ils sont autrement handicapants et invalidants. A côté de cette
reconnaissance, il est par conséquent nécessaire de pourvoir à leurs besoins
d’accompagnements, d’aides, de soutiens pour améliorer leurs situations de vie.
Au-delà de l’autisme, il serait intéressant de positionner
la question du handicap dans les termes de différences et de diversité,
contrairement à aujourd’hui, où la question se pose encore prioritairement sur
la pathologie, la déficience ou l’incapacité.
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