L'inclusion comme avatar
Se mettent aujourd’hui en place des dispositifs qui se font
labelliser « dispositifs inclusifs », et ceci au nom de l’inclusion.
La création d’une classe spéciale pour de jeunes autistes, une nouvelle Unité localisée
pour l’inclusion scolaire (ULIS), un dispositif d’externalisation d’une unité
d’enseignement (UEE) sont médiatisés par la presse, par la communication
gouvernementale ou par des associations comme étant autant de dispositifs
témoignant d’une inclusion en cours, voire d’une inclusion déjà là, d’un
processus irréversible d’inclusion ou encore d’une école devenue inclusive.
En regardant ces évolutions avec la plus grande objectivité,
il ne fait pas de doutes que de tels dispositifs améliorent les conditions de
scolarisation (voire la scolarisation tout court) d’un certain nombre d’élèves.
La classe spéciale pour élèves autistes accueille, avec des moyens parfois
importants, des enfants qui, sans elle, seraient à la charge totale de leurs
parents, non scolarisés ou scolarisés a minima quelques petites heures avec
accompagnement dans leur école. L’ULIS accueille des élèves qui ne tirent plus
aucun profit de leurs conditions de scolarisation et qui peuvent même être en
souffrance dans leur classe. Les élèves d’une UEE gagnent de sortir de leur
entre-soi institutionnel et d’être en mesure d’avoir une socialisation scolaire
ou collégienne. De ce point de vue on ne peut que se féliciter de telles
évolutions.
Mais s’agit-il pour autant d’inclusion ? La mise en
place de tels dispositifs est-elle la marque d’une école inclusive ? En
quoi accueillir dans un local, même si celui-ci est en plein milieu du couloir
des classes, un groupe d’autistes (avec parfois des horaires décalés de
récréation pour que les autres élèves ne soient pas perturbés) relève-t-il
d’une philosophie inclusive ? Les autres élèves, les enseignants, se
familiariseront certes, plus ou moins, avec ces élèves, mais comme une
catégorie à part, comme totalement autres, au pire comme des bêtes curieuses infréquentables.
La présence d’une ULIS ou d’une UEE est-elle le signe d’un système scolaire où
tous les élèves doivent être accueillis sans distinction et surtout sans
discrimination ? Les dispositifs en question relèguent de fait ces élèves
dans des dispositifs spéciaux.
Que la mise en place de tels dispositifs, en remplacement de
rien ou de quelque chose de moins favorable, soit une bonne chose, on ne peut
qu’en convenir. Mais il ne s’agit pas d’inclusion, et encore moins la
manifestation que l’école devient ou est inclusive. Une école inclusive est une
école qui s’adapte aux nouveaux élèves qui y arrivent, parce que ces élèves
requièrent une adaptation (accessibilité) comme condition nécessaire pour
pouvoir participer et tirer profit de cette école. Or, dans les différents
dispositifs cités, nul besoin pour l’école de s’adapter ; la seule
exigence pour que ces dispositifs existent, c’est une certaine tolérance (ce
qui n’est déjà pas si mal !) à la présence d’« étrangers » dans
l’établissement scolaire. Il ne s’agit donc pas d’inclusion, mais d’un avatar
de l’inclusion, c’est-à-dire d’une « fausse incarnation » de
l’inclusion.
Les dispositifs en question relèvent en définitive plutôt
d’une approche de l’intégration, non pas sur le plan individuel comme cela a
été le cas dans la période du paradigme intégratif de l’école (un enfant en
situation de handicap rejoignant les parcours ordinaires lorsqu’il en avait les
possibilités et les capacités) ; mais sur un plan collectif : un
dispositif « spécial » est placé dans un établissement ordinaire à
condition qu’il ait les capacités de s’intégrer dans cet établissement et que
celui-ci soit tolérant envers ce dispositif. Mais rien dans ceci n’engage à une
transformation de l’école qui serait le signe que celle-ci commence à devenir
inclusive.
Il y a par conséquent une forme de manipulation, de mensonge
même, à faire passer l’avatar pour le réel, l’intégration pour l’inclusion, et
la persistance d’une certaine forme de ségrégation pour une école inclusive.
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