SERAFIN-PH : modernisation ou risques ?
La réforme engagée depuis déjà plusieurs années par
SERAFIN-PH (pour Services et Etablissements : Réforme pour une Adéquation
des FINancements aux parcours des Personnes Handicapées) se propose de
faciliter la fluidité des parcours des personnes handicapées et la
transformation des offres d’accompagnement, en mettant leurs besoins en
adéquation avec les réponses qui peuvent leur être apportés, celles-ci étant
déclinées sur deux registres : les prestations directes (soins et
accompagnements) et les prestations indirectes (pilotage et fonctions
supports). La modernisation du système prend la suite d’autres modernisations
des systèmes étatiques, avec la même touche technocratique mainstream,
celle qu’on retrouve dans la réforme de l’hôpital et des services publics,
soucieuse de bonne gestion et de performance, en réalité de restrictions de
ressources et d’économies.
On retrouve dans le langage argumentatif de cette réforme
les mêmes registres que dans la réforme qui a modernisé depuis une vingtaine
d’année le système de santé et l’hôpital. Ainsi la tarification à l’acte à
l’hôpital, mise en place dans les années 2000 préfigure-t-elle une tarification
à l’activité que l’on voit se profiler dans SERAFIN-PH, facilitée par
l’adéquation qui devra être mis en place entre un besoin, une activité et une
ressource. La logique de SERAFIN-PH est la logique de la tarification à l’acte
de l’hôpital, améliorée dans un sens d’efficacité et de performance, vue du
côté d’une approche technocratique gestionnaire.
Evidemment, ce n’est pas le discours qui est tenu par les
promoteurs de cette réforme. Dans un texte, publié par le Secrétariat d’Etat
chargé des personnes handicapées et la Caisse Nationale de Solidarité pour
l’Autonomie début 2020, il est dit que la réforme « a vocation à être
équitable, lisible, et doit faciliter des parcours de vie fluides
personnalisés », ce qui rappelle parfois douloureusement un certain nombre
de réformes qui sous les mêmes vocables vocationnels produisaient exactement
l’inverse.
Ce fut le cas de la réforme de l’hôpital dont les effets ont
cyniquement été mis en évidence par la pandémie du COVID.19. La transformation
de l’offre de soins en santé publique a aussi été entreprise, selon les termes
officiels, en tant que modernisation et transformation, efficience et
performance, amélioration des parcours de soins, etc. Les effets observables
consistent en des réorganisations de services, avec suppression de lits, de
postes et de matériels, afin de viser à une gestion des flux, à l’image des
entreprises. Bien avant que la pandémie n’acte la faillite du système (préservé
toutefois grâce à l’engagement des soignants), les acteurs de l’hôpital n’ont
eu de cesse de dénoncer les conditions de fonctionnement qui se dégradaient de
jour en jour au nom de cette réforme. Dénonciations renvoyées à de
l’incompréhension des réformes en cours, à des résistances anachroniques, à des
avantages acquis indus. Tout cela au nom du bien du patient, et au nom de la
performance du système. Et même la crise n’a pas entamé la foi des
responsables, puisque l’on a vu un directeur d’ARS, en pleine crise, maintenir
ses objectifs de suppression de postes et de lits !
Que le secteur médico-social ne fonctionne pas de manière
satisfaisante au regard des droits, des besoins et des aspirations des
personnes en situation de handicap ne fait aucun doute. Pas plus que le fait
que des ressources publiques dont il dispose ne soient utilisés parfois à
mauvais escient. Mais modifier (moderniser et transformer dit-on) dans une
configuration et sur un registre idéologique qui ont fait montre de leurs
impasses dans d’autres secteurs devient incompréhensible. Les anticipations de
cette réforme, que l’on observe dans des CPOM (contrats pluriannuels
d’objectifs et de moyens) dont la signature est la plupart du temps soumise à
une réduction de ressources, ou encore dans des appels d’offre sélectionnés
bien souvent sur l’offre la moins-disante sur le plan financier, préfigurent le
cadre d’une réforme qui, au-delà de l’utilisation de mots disant l’inverse de
ce qu’ils font, fait courir d’énormes risques aux populations concernées.
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