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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 26 mai 2020

le handicap accroît-il les situations de handicap ?

Le handicap accroît-il les situations de handicap ?

Les personnes qui ont des déficiences, des troubles, des maladies, des incapacités, sont des personnes qui rencontrent dans leur vie des situations de handicap pour pouvoir réaliser de façon satisfaisante leurs habitudes de vie. Elles sont qualifiées administrativement de personnes handicapées. Elles relèvent politiquement d’un secteur appelé médico-social. Il est à noter d’ailleurs qu’un tel secteur, constitué tel qu’il est, est spécifique à la France. De ce fait, même si l’on assiste à quelques évolutions, les personnes handicapées sont installées comme dans un système à part, qui est coupé d’une certaine manière de ce qui fait le droit commun. Et ose penser Pascal Jacob (Il n’y a pas de citoyens inutiles, p.248) : « Et si nous faisions l’hypothèse que le secteur spécialisé constitue un frein, un écran pour l’accès à la vie ordinaire ? »

Plusieurs éléments étayent cette hypothèse. Tout d’abord en ce que de tels dispositifs, à tous les niveaux, de l’organisation ministérielle à la plus petite initiative sur le terrain, l’existence de services dédiés, spécifiques, fonctionnant de manière autonome et insulaire, dispense les institutions et dispositifs de droit commun de devoir se préoccuper des personnes concernées. Ils se préoccupent au mieux de leurs relations avec les services spécialisés, s’empressant de confier à ceux-ci les missions qu’ils remplissent auprès des non handicapés. Ce qui pourrait se résumer en une formule que j’ai maintes fois entendue, plus ou moins euphémisée : « Les personnes handicapées, ce n’est pas pour nous, il y a des services spéciaux pour ça. »

Le secteur spécialisé forme aussi écran en mettant, souvent sous prétexte de protection ou de besoins prédéterminés, des barrières entre le monde ordinaire et les personnes handicapées. Combien de fois, sous prétexte de représentations a priori de manque d’autonomie, d’incapacités supposées ou réelles à faire ou à comprendre, de risques face à la cruauté du monde (« ils vont souffrir »), de besoins affirmés de tutelle, etc., n’a-t-on pas empêché des personnes en situation de handicap d’« être dans la vraie vie », de « faire comme tout le monde », d’avoir des droits humains fondamentaux ? L’existence de ce secteur spécialisé est propice à la résurgence de cette vieille idée de l’attribution d’une moindre humanité aux personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, pour faire partie du secteur spécialisé, médico-social, il faut avoir un handicap, il faut être une « personne handicapée ». Cela définit un statut, qui au-delà des aspects administratifs, finit par définir la personne. Les catégorisations d’une partie de la population, fût-ce à des fins politiques ou administratives nobles (faciliter leur vie) ont toujours pour effet d’établir des frontières entre ceux qui sont ainsi catégorisés et les autres. Les autres deviennent ainsi les « normaux » et les catégorisés les « spéciaux ». On peut faire ici l’hypothèse que la catégorie « handicap » ou « personne handicapée » sépare les personnes concernées du lot commun et de la société en les mettant dans un monde humain à part.

Et puis il y l’histoire du handicap et du secteur médico-social, porteuse d’une approche bio-médicale qui a privilégié les manques et les carences (déficience, incapacité…) à combler ou réparer. Cela commence par la détermination du handicap au niveau des MDPH : si celles-ci semblent se préoccuper des situations de handicap, c’est encore et toujours cette approche défectologique qui a le dernier mot : le degré de déficience reste le critère impératif à travers le guide barème d’invalidité, et dans les pratiques, ce sont les médecins qui ont une voix prépondérante. Le secteur lui-même est imprégné de cette idéologie mettant en avant la compensation (prothétique, éducative ou rééducative), faisant des personnes concernées des objets de soins, de rééducations, ou pour dire vite d’éducation pour un retour dans la vie normale normée.

Tous ces éléments, articulés autour de la centralité de la notion de handicap, avec ses catégorisations et ses dispositifs de réponse, font qu’on peut faire l’hypothèse que cela a pour conséquence une aggravation des situations de handicap.

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