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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 26 octobre 2020

Alexandre, un élève qui "pose des problèmes"

 Alexandre, un élève qui "pose des problèmes"

Alexandre est un jeune garçon sourd « qui pose des problèmes ». Il a effectué toute sa scolarité élémentaire en CLIS (Classes pour l’Inclusion scolaire, aujourd’hui ULIS). Il n’a pas pu bénéficier d’une langue des signes efficace ; son niveau de compétences en langue orale (réception et expression) est faible. Ses compétences scolaires à 12 ans sont plutôt équivalentes à celles d’un élève de CE1 (7-8 ans). Aujourd’hui, à 14 ans, il poursuit sa scolarité dans une unité d’enseignement d’un « établissement pour déficients sensoriels » au sein d’un collège, dans un dispositif de classe spécialisée. Il est toutefois inclus dans une classe de 5ième du collège en Education physique et sportive et en Arts Plastiques, accompagné par un interface en langue des signes.

Dans les temps où il se trouve en classe spécialisée pour jeunes sourds, avec quatre ou cinq autres élèves sourds, eux aussi rencontrant des difficultés scolaires d’apprentissage, Alexandre « est infernal » aux dires de quasiment tous ses enseignants. Effectivement, c’est un élève qui résiste au fonctionnement scolaire : refus de travail, travail du soir non fait, leçons non sues, inattention permanente en cours, et même parfois répliques violentes lorsqu’il lui est fait des remarques sur son comportement. Bref un comportement d’un jeune que l’on pouvait caractériser comme « caractériel », manifestant des attitudes anti-scolaires typiques, celui que des enseignants ne veulent pas en classe, dont parfois ils ont peur. Mais dans cette situation, sans autre solution, puisqu’Alexandre est déjà dans une classe spécialisée.

Paradoxalement, lorsqu’il est inclus dans la classe de 5ième, accompagné par un interface en langue des signes, Alexandre devient un autre. Non pas qu’il brille particulièrement dans ces disciplines (il a même quelques difficultés en EPS en raison de sa corpulence), mais il a un comportement d’élève : pas de résistance manifeste, participation aux cours, et même application dans les tâches (note l’enseignante d’arts plastiques).

Quelques moins auparavant, il s’était agi de définir le projet personnalisé de scolarisation d’Alexandre. L’une des questions qui se posait était de poursuivre, ou non, ces temps d’inclusion. Au regard de la manière dont les choses se passaient dans ces deux disciplines, il n’apparaissait pas de contre-indication à la poursuite de ce parcours. N’étaient les vives objections des enseignants spécialisés, ceux de la classe spécialisée, qui au regard de ce qui se passait dans leurs propres cours, ne pouvaient se représenter que cela se passe ainsi dans les temps d’inclusion. Ceux-ci étaient prêts, non à développer et expérimenter quelques temps supplémentaires d’inclusion dans d’autres disciplines comme cela aurait pu se concevoir à partir de l’expérience scolaire observée, mais à préconiser une autre orientation, s’il en existait, vers des dispositifs encore plus spécialisés, pour enfants sourds en difficultés scolaires et avec des troubles du comportement.

Comment expliquer cette situation paradoxale ? Il y a certainement de multiples facteurs explicatifs, mais parmi ceux-ci, on peut évoquer le facteur négatif du dispositif spécialisé : c’est bien celui-ci qui, pour de raisons que les spécialistes ne maîtrisent pas, produit un effet de résistance. Refus du handicap ? Refus de la ségrégation ? Refus d’être en échec ? Refus d’être avec des semblables ? Nous l’ignorions. Toujours est-il que les « symptômes » de résistance « disparaissaient » dans l’environnement ordinaire, malgré l’écart avec les compétences maitrisées par les autres élèves.

De là à dire que l’inclusion « guérit » des symptômes d’une stigmatisation instituée par un dispositif spécialisé, il y a un fossé que je me garderai de franchir. Mais peut-être que la valorisation d’un rôle social d’élève, dans un fonctionnement ordinaire d’élève, favorise-t-elle une certaine participation sociale qu’un dispositif spécialisés fait vivre comme dévalorisation des rôles sociaux.

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