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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 29 juin 2020

le trompe-l'oeil de l'expertise en déficience

Le trompe-l'oeil de l'expertise en déficience


Faut-il connaitre la déficience dont est affectée une personne pour établir avec elle une relation personnelle ou professionnelle ? Faut-il avoir une connaissance experte, technique, médicale ou scientifique, de ce qu’est la déficience auditive pour communiquer avec une personne qui a une déficience auditive, ou vivre avec elle ? Faut-il avoir une connaissance scientifique de la trisomie 21 pour élever et éduquer un enfant qui naît avec cette anomalie chromosomique ?

Pragmatiquement, on serait tenté de répondre par la négative, et l’expérience des personnes qui sont dans la situation de vivre avec quelqu’un qui a une déficience pourrait attester que ce n’est pas le cas, et que ce n’est pas la connaissance de la déficience qui permet de vivre de manière satisfaisante avec elle. Bien évidemment, il est nécessaire d’avoir quelques connaissances, moins d’ailleurs sur la déficience elle-même, que sur l’aménagement relationnel : ne pas exiger l’impossible dans le rythme de développement d’un enfant qui a une trisomie 21, être attentif aux modalités matérielles de communication avec un enfant qui a une déficience auditive, etc.

Dès lors que l’on passe dans la sphère professionnelle, les choses semblent changer, et l’exigence et l’évidence d’une connaissance experte semblent surgir. Tout professionnel (à la crèche, l’école, au centre de loisirs, et au travail sous d’autres formes) aura tendance à demander une formation pour accueillir (inclure) une personne avec une déficience, comme si la relation professionnelle avec des personnes ayant une déficience était insurmontable ou impossible sans avoir une formation à la déficience concernée. Et les services spécialisés experts de telle ou telle déficience s’empressent de répondre la plupart du temps par des formations sur les schémas explicatifs des déficiences : causes, origines, caractéristiques diverses, symptômes, traitements et indications…

Ce faisant, est renforcé le poids de la déficience et de sa connaissance dans les rapports professionnels avec les personnes qui ont une déficience. Est renforcée également l’approche qui met sur le compte de la déficience les causes des difficultés de rapports entre les personnes qui ont des déficiences et leurs environnements physiques et sociaux, en ignorant ces derniers facteurs de difficultés. Le renforcement est étayé par la généralisation des connaissances médicales et par les innovations bio-technologiques, concernant les déficiences elles-mêmes ou les capacités/incapacités qui leur sont liées. Il est même inséré dans une tendance sociétale d’une médicalisation générale de la vie (la notion de santé concerne le bien-être), où en outre les difficultés sont qualifiées de et traitées comme des pathologies. Dans ce contexte, la connaissance de la déficience sur un plan technique donne l’illusion de maitriser les problématiques vécues par les personnes concernées et renforce une approche défectologique qui continue à placer ces personnes du côté du manque, de la réparation ou de la guérison.

Il y a aujourd’hui un paradoxe certain dans la coexistence de la primauté de cette posture et les changements dans les approches conceptuelles du handicap, qui ont défini celui-ci comme étant l’interaction entre des facteurs personnels (parmi lesquels la déficience) et des facteurs environnementaux, expliquant les situations de participation sociale ou à l’inverse les situations de handicap. Sous le discours universel de l’inclusion et des droits des personnes en situation de handicap, se trouve un inconscient ou un subconscient défectologique.

Le cas de la déficience auditive et de la surdité est exemplaire à ce niveau. Le progrès des connaissances médicales et les innovations technologiques concernant la déficience justifient la mise au rencart de la langue des signes et de l’éducation bilingue. Les experts du savoir expert et technique vont indiquer et prescrire un type de vie ou d’habitudes de vie, en en écartant d’autres : une vie oralisante et conforme à la norme de ceux qui entendent. Cette approche constitue un véritable trompe-l’œil pour l’inclusion des personnes dans la société.

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