Handicap et facteurs environnementaux
L’idée que le handicap appartient à la personne concernée, qu’il est une caractéristique de la personne, et par conséquent n’aurait pas à voir avec l’environnement, est profondément ancrée dans nos représentations et nos habitudes de pensée. Une professionnelle travaillant dans le secteur médico-social déplorait qu’un jeune homme, désirant passer son permis de conduire, soit bloqué pour l’épreuve de code, en raison justement des difficultés cognitives qu’il présentait : il n’arrivait pas à maitriser les connaissances requises, en tout cas pas à y répondre, parce que les diapos passaient trop vite, la formulation des questions présentait de la complexité, etc. Le tableau était ainsi présenté que c’était ce jeune homme qui avait le handicap et qu’il rencontrait ainsi des limites, un peu à la manière de « pas de bras, pas de chocolat ! ». L’idée d’une modification de l’environnement (aménagement des conditions des leçons de code, et de la passation de l’examen) ne lui était pas venue à l’esprit : s’il ne pouvait pas passer le permis, c’est qu’il était handicapé.
Dans un autre
registre, les dernières réformes du système éducatif ont laissé libre cours à
des propos d’exclusion, basés sur cette même idée que c’était la personne
handicapée qui était responsable de sa situation en raison de son handicap. Un
tel déplorait que l’on faisait souffrir les enfants autistes dans un
établissement scolaire en raison de la stridence de la sonnerie des changements
de cours ou de récréations. Et que c’était là la preuve qu’ils n’avaient pas
leur place dans l’établissement scolaire, qu’ils seraient mieux dans un milieu
spécialisé qui ne les mettrait pas en souffrance. Sans avoir le réflexe que la
souffrance, vraisemblablement réelle, pouvait être supprimée par une autre
modalité de sonnerie ou de signal. Dans un autre registre encore, on pourrait
penser que la recherche forcenée des caractéristiques biologiques ou
neurologiques de nombre de troubles participe de cette attribution à la
personne de la caractéristique du handicap, sans chercher ce qui fait
difficulté ou obstacle dans l’environnement.
Il n’y a pas que
dans la praxis (théorie et pratique, pensée et action) que l’on trouve
cet implicite, parfois masqué pourtant dans une référence à l’environnement.
Tel est le cas par exemple de la définition française du handicap que l’on
trouve dans la loi du 11 février 2005.Malgré sa « modernité »
apparente, la définition pérennise l’idée que le handicap est dû (« en
raison d’une altération ») aux caractéristiques individuelles de la
personne concernée. Certes les effets sont caractérisés dans le domaine de la
« participation à la vie en société », mais la limitation
d’activité pourrait n’être comprise que comme l’exercice diminué des aptitudes
personnelles. Certes aussi l’environnement est cité « dans son
environnement », mais sans que celui-ci soit caractérisé comme un des
facteurs responsable de la situation. On ne s’étonnera donc pas que l’approche
française du handicap reste enchainée à une vision individuelle et défectologique
du handicap, empêchant de prendre en compte véritablement l’environnement, et
d’intervenir sur celui-ci.
Pour véritablement
expliquer comment une situation de handicap est produite pour une personne dans
une ou des situations de vie concernant cette personne, il faut se tourner vers
le Modèle de Développement Humain et de Processus de Production du Handicap
(MDH-PPH, 2018 RIPPH). Le handicap, ou plutôt les situations de handicap,
rencontrées par les personnes qui ont des maladies, des déficiences, des
limitations, est bien sûr dû en partie aux caractéristiques qu’elles peuvent
avoir. Mais s’il y des situations de handicap, c’est parce que l’environnement
dans lequel elles vivent n’est pas ajusté à ces caractéristiques.
L’environnement produit, en ce sens, en lien avec des caractéristiques personnelles,
des situations de handicap dans divers domaines de la vie quotidienne et
sociale. Adopter une telle démarcher ou approche est le seul moyen de sortir de
l’impasse historique qui attribue le handicap aux caractéristiques de la
personne, et de se donner des objectifs d’intervention sur l’environnement.
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