L'inclusion à contre-courant
Les principes politiques du droit (et des droits) aujourd’hui convergent vers l’inclusion des élèves en situation de handicap, dans une école qui se qualifie d’inclusive ou en transition inclusive. S’il y a un certain nombre de résistances à la scolarisation de ces enfants dans l’école de tous (« ce n’est pas leur place », « il y a des établissements spécialisés pour eux », « les enseignants ne sont pas formés », etc), elles apparaissaient jusqu’à aujourd’hui comme à contre-courant d’une lente évolution de la prise en compte de ces élèves dans le système éducatif. L’idée même d’inclusion était comprise comme synonyme de non-discrimination, de non-ségrégation, d’accès aux droits à la scolarisation et à la participation sociale. Aujourd’hui, la situation est peut-être en train de changer : au-delà de ces résistances, parfois intéressées, est-ce bien toujours une école et une société inclusives qui constituent le fondement de notre modèle de société ? Les évolutions que l’on peut observer aujourd’hui dans l’organisation du système éducatif vont-elles bien dans le sens d’une école inclusive ? Ne serait-ce pas celle-ci qui serait à contre-courant des évolutions sociétales et politiques ?
Quand resurgit la
thématique des classes de niveau comme perspective d’évolution de
l’organisation du système éducatif, reléguant les plus vulnérables, les plus
démunis, ceux qui ne sont pas dans les normes, à des apprentissages réduits et
à des avenirs bouchés, ce n’est pas de l’inclusion, c’est de l’exclusion de catégories
entières de population du système. Quand l’orientation scolaire sépare les
élèves dans des filières hiérarchisées socialement en fonction de leurs
caractéristiques physiques ou sociales, dotant ceux qui sont au sommet de la
pyramide de plus grands moyens, ce n’est pas de l’inclusion, c’est de la
discrimination. Quand des cours d’empathie se substituent à un fonctionnement
fraternel, égalitaire, et (même) démocratique, et se juxtaposent à une
entreprise éducative sélective, élitiste et inégalitaire (et violente), ce
n’est pas de l’inclusion, c’est de l’injustice.
Quand il manque
des enseignants devant les élèves, qu’il n’y a pas de remplaçants (et ceci en
particulier dans les établissements les plus sensibles), quand les classes sont
surchargées aux limites du convenable, quand la formation des enseignants est
réduite à peau de chagrin, ce n’est pas de l’inclusion, c’est du délaissement
du système et de ses acteurs. Quand, pour accueillir des élèves en situation de
handicap, les enseignants ne sont quasiment pas formés, quand il manque des
AESH pour accompagner ces élèves (manque qui sera accentué par le projet de loi
permettant à l’administration de l’Education nationale de déterminer les quotas
horaires, se substituant à l’organisme « neutre » qui le faisait
jusqu’à aujourd’hui, la MDPH), et que par conséquent, ces élèves sont mal et
partiellement scolarisés, ce n’est pas de l’inclusion c’est de la maltraitance.
Quand des dispositifs « spécialisés » (établissements médico-sociaux)
se pérennisent selon les mêmes principes, même avec quelques évolutions
d’offres de services, et qu’il se crée continuellement des dispositifs
spécifiques dont la diversité se cumule (ULIS, UEE, UEMA, DITEP, …), ce n’est
pas de l’inclusion c’est de la ségrégation.
Tant que l’école
fonctionnement en osmose avec un écosystème social où ont toute leur place
l’injustice, les inégalités, la discrimination, la maltraitance, la
ségrégation, l’exclusion, la compétition, l’élitisme, la sélection, la
hiérarchisation des vies, il est vain, illusoire, et mensonger, de tenir des
discours avec des objectifs inclusifs. Or la société semble s’acheminer
aujourd’hui, résolument, vers davantage d’inégalités, de mépris, d’injustices, une
démocratie en retrait, des ghettoïsations. Que signifie une école inclusive
dans ce contexte ? L’inclusion devient un mot d’ordre galvaudé, à
contre-courant des évolutions politiques et sociétales promues pas les
majorités politiques et économiques actuellement hégémoniques.
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