Une pseudo démocratisation pour les personnes en situation de handicap
On se satisfait, peut-être parfois un peu trop rapidement, des progrès sociétaux qui ont vu accorder une place plus importante, plus reconnue, plus respectueuse pour les personnes en situation de handicap dans la société. De fait, si l’on fait une comparaison avec ce qu’il en était il y a plus d’une vingtaine d’année, les progrès ne peuvent être niés. La loi de janvier 2002 a instauré des droits minimaux aux usagers des établissements et services médico-sociaux, même s’ils ne sont toujours considérés que dans leur fonction d’usagers. Le droit à la compensation et à l’accessibilité ont été affirmés dans la loi de février 2005, avec la perspective démocratique de leur citoyenneté. Leur expertise dans l’élaboration des réponses de proximité comme dans celle des politiques publiques a été reconnue, des groupes de pairs-aidants sont présents dans un comité consultatif national. L’activisme des personnes concernées s’est développé dans différents groupes ou collectifs qui se sont constitués. Le discours dominant ne cesse de mettre en avant leur empowerment, leur autodétermination, leur responsabilité, leur pouvoir d’agir au centre de leur projet de vie. Référence est faite aux droits universels de la Convention onusienne des droits des personnes handicapées…
Tout semble donc indiqué pour déclarer que notre processus
démocratique fait ses preuves, et que l’on est dans la bonne direction. Est-ce
pour autant une véritable démocratisation ? On peut en douter en
constatant les limites mises par les décideurs des politiques publiques, les
gestionnaires des services, et d’une manière générale par les
« dominants », la population dite normale, les dits
« valides ». Il semble bien que le mouvement de démocratisation trouve
son « mur de verre » qui le freine et le limite de manière
importante.
On s’offusque, avec raison, des refus de certains enseignants
d’accueillir des enfants handicapés en classe, ou même de s’y adapter, sans
s’offusquer de certains facteurs structurels, c’est-à- institutionnalisés, dans
les politiques publiques éducatives qui nuisent à cet accueil (manque de
ressources, de formation, de dispositifs, organisation éducative ségrégative et
inégalitaire, etc). On prône l’inclusion, et donc la responsabilité de l’école
dans l’accueil de tous les élèves qui pourraient y rencontrer des difficultés
tout en médicalisant les problématiques de difficultés (les troubles), ce qui a
pour conséquence d’en déresponsabiliser l’école. Les outils de la loi 2002 comme
le Conseil de la Vie Sociale, sont très largement dévoyés dans des décisions
mineures (le choix de la couleur du couloir), excluant toute possibilité de débats
(et encore moins de décisions) dans la réflexion sur les finalités et les choix
politiques (à cet égard, les salariés ne sont guère mieux lotis que les usagers).
Lorsque le président du CNCPH suggère que le Comité pourrait n’être constitué
que de personnes représentatives (concernées), il subit une bronca de la part
des institutionnels désireux de maintenir leurs pouvoirs. Alors que la loi de
2005 s’engageait sur l’accessibilité des logements, des lois ont été
promulguées pour faire baisser le taux d’accessibilité à 20 puis 10 %. Une
secrétaire d’état auprès des personnes handicapées nie que le validisme existe.
La liste de ces limites, de ces empêchements d’accès à une
place pleine et entière dans la société, indice d’une démocratisation au mieux
inachevée, plus vraisemblablement négligée, pourrait s’allonger à l’infini.
Elle signale autant que l’on a fait quelques progrès qu’il nous en reste
d’immenses à faire. Et que, fondamentalement, il nous faut « faire
violence » à une tendance sociétale à ne pas changer les rapports sociaux
existants, dont ceux de domination des personnes valides sur les personnes
dites non valides. A ce titre, la dite démocratisation qui prétend que les
personnes en situation de handicap ont accédé à « l’égalité des chances et
des droits, la participation sociale et la citoyenneté » n’est qu’un
simulacre de démocratie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire