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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 18 juin 2024

approche biomédicale et surdité

 Approche médicale et surdité

Vous croyiez que l’on s’était éloigné, voir que l’on était sorti, d’une approche médicale et individuelle du handicap ? Vous croyiez que les évolutions internationales (convention des droits, modèles du handicap) avaient fait bifurqué ou changé les approches traditionnelles du handicap ? Vous croyiez pouvoir vous satisfaire des évolutions philosophiques, réglementaires et organisationnelles concernant le cham du handicap ? Détrompez-vous ! L’approche individuelle et biomédicale est toujours à l’œuvre, imputant aux caractéristiques individuelles (déficience, trouble, incapacité, limites) la responsabilité des situations vécues de handicap, et considérant que la pleine humanité est de ne plus avoir (ou de réduire) les inconvénients de ces caractéristiques individuelles pour entrer dans la normalité. Les promoteurs et militants de l’anti-validisme renseignent et illustrent comment, au quotidien, ce sont encore ces approches qui installent des obstacles massifs à l’accès aux différents droits fondamentaux pour les personnes handicapées : les environnements non accessibles mettent des obstacles à la participation sociale et à la qualité de vie.

S’il y a une population dont l’approche biomédicale aurait pu paraitre éloignée, c’est bien celle des Sourds, dont l’identité « minorité linguistique » parait évidente. Depuis le début de l’éducation des sourds au XVIIIe siècle, la langue des signes, et partant l’élaboration d’une culture propre, ont constitué l’identité des personnes sourdes. En concurrence, parfois violente, avec la volonté de les réduire à une pathologie auditive qu’il fallait traiter, et l’acharnement de les contraindre à « entrer dans l’oral », à l’exclusion de leur langue propre. Cette contrainte fut hégémonique pendant plus d’un siècle ; elle n’empêcha pas la communauté sourde de « survivre », à travers le sport par exemple. Avec le « réveil sourd » des années 1970, il fut de nouveau question sociétalement et politiquement, de langue des signes, de culture sourde, de communauté sourde, d’éducation bilingue, objet d’âpres combats. Pendant qu’elles furent progressivement reconnues sur le plan réglementaire, se menait un autre combat, celui d’une inscription encore plus forte dans le tissu biomédical, dans les pratiques, les dispositifs et les discours institutionnels.

La surdité, à l’appui d’avancées technologiques pouvait être présentée comme une pathologie, une maladie qu’il s’agissait d’éradiquer, soigner et traiter afin de « rendre les enfants sourds au monde et les sortir du silence », et même être présentée comme « une maladie posant une problème grave de santé publique ». Les implants intracochléaires faisaient des miracles, permettant aux enfants sourds d’entendre (parfois bien mal pourtant), mais surtout de parler oralement, après souvent d’immenses efforts personnels et familiaux, ce qui les intègrerait dans le monde (entendant). Le dépistage précoce à J+2 permet de nommer une nouvelle maladie (la SPN : surdité permanente néonatale), dont le diagnostic présente des perspectives précoces de guérison et de traitement de normalisation de la pathologie. Les recommandations de bonnes pratiques ne peuvent s’empêcher à un savant compromis intégrant pourtant la langue orale dans tous les choix possibles. Le bilinguisme, compris pourtant tout autrement par les sourds, n’est conçu et recommandé qu’avec la lange orale. « L’inclusion individuelle » sans langue collective, la scolarisation partielle des jeunes sourds en dehors de l’Education nationale, constituent, comme bien d’autres agencements, des dispositifs d’inscription de la surdité dans une problématique de santé, appelant du soin afin de rejoindre la normalité.

En regardant du côté des droits, tels qu’ils sont aujourd’hui préconisés sur le plan international, on remarque que ces dispositifs manifestant une approche extrêmement bio-médicale constituent une violation manifeste des droits des personnes sourdes : non respect de l’identité sourde (langue, culture), non respect de la diversité humaine (la surdité considérée comme une maladie ou une anormalie, supériorité de la norme entendante), ignorance des facteurs environnementaux dans la participation sociale et la qualité de vie (accessibilité, accompagnement).

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