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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

jeudi 27 juin 2024

Une soumission à un ordre gestionnaire ?

 Une soumission à un ordre gestionnaire ?

Comment se fait-il que personne (ou si peu) ne s’étonne que ce soit dorénavant, et en particulier pour les plus vulnérables, d’abord le coût de fonctionnement et des prestations qui détermine la réponse aux besoins individuels et sociaux ? Entre les excès fantasmés d’un « open-bar » mythique et les organisations contraintes de prestations, évaluées à la jauge de leur efficience (c’est-à-dire le fait de rentrer dans des grilles de coûts), il y a un gouffre ! Il n’empêche : c’est la seconde voie qui se met en place. SERAFIN-PH est justement en train d’installer, progressivement et sans doute avec moins de brutalité que dans des secteurs qui l’ont précédemment éprouvée, comme l’hôpital et l’aide à domicile entre autres, cette efficience revendiquée, avec un cynisme rare. Si l’on parle bien pourtant de besoins (une nomenclature a été créée à cet usage), c’est au nom du principe sacré de « l’adéquation des financements ». On inverse la donne : dorénavant c’est le financement qui détermine la cartographie des besoins ainsi que la cartographie des prestations. C’est l’affirmation de la réduction de la condition humaine aux exigences économiques du moment.

Pourtant l’expérience aurait dû  nous apprendre. Ces principes ont été actionnés dans plusieurs secteurs, dans les réformes de l’hôpital et dans l’aide à domicile. Pour le secteur de la santé, la faillite d’une telle approche, d’un tel dogme économique, idéologique et managérial, depuis longtemps dénoncé, s’est avérée dans toute son horreur lors de la crise sanitaire de la Covid 19, se confirme aujourd’hui dans l’accroissement du nombre de morts aux urgences ou dans la dégradation générale du système de soins. Rien n’y fait : l’approche gestionnaire qui considère la santé comme un coût (et non comme un investissement ou un bien commun) qu’il faut contrôler et minorer continue d’être justifiée, au nom du dogme en vigueur, qui veut que les critères économique choisis selon une idéologie rigide déterminent la vie humaine.

Les transformations de l’aide à domicile attestent des mêmes dérives gestionnaires et des mêmes dégradations. Au nom du marché et d’une concurrence vus comme créateurs de qualité, les services à domicile ont évolué pour se soumettre à une efficience évaluée selon les coûts générés par les prestations. Les « valeurs » de l’aide à domicile, fondées sur le registre relationnel disparaissent au profit de services comme succession d’actes cotés et préalablement définis dans leur durée. Les réformes successives ont effacé le relationnel, objet et moyen de la réponse aux besoins sociaux, et remplacé par une comptabilité chronométrée d’actes et de taches qui se succèdent. Ainsi, pour les personnes faiblement dépendantes, l’aide aux repas est définie selon une durée de 15 minutes : arrivée, prise de plat dans le frigo, le réchauffer dans le micro-ondes, mettre la table et repartir [Je dois ces observation à la remarquable analyse de A. Le Roy et E. Puissant dans leur contribution à l’ouvrage de M. Hely et M. Simonnet, Monde associatif et néolibéralisme, 2023, PUF]. La désappropriation de l’aspect premier relationnel (qui prend du temps, mais qui n’est pas décomptée dans les nouvelles organisations) a pour conséquence une perte de sens pour les salariés, et peut aller jusqu’à la maltraitance : comment bien faire quand on n’a que 30 minutes pour s’occuper d’une personne qui ne fait pas assez vite ?

Les résultats escomptés en qualité de services sont loin d’être présents, comme on a pu le voir aussi dans les EHPAD. Voilà à quoi conduit une conception gestionnaire des prestations dont le cœur est la relation humaine. Avec SERAFIN-PH, nous n’en sommes pas encore là. Mais ce sont les mêmes principes qui président au dispositif ; et qui interrogent sur la place de l’humain quand il s’agit d’accompagner des personnes. Que d’anciennes habitudes d’utilisation des fonds publics sans évaluations et sans limites ( ?) aient dû être interrogées, cela va de soi. Mais que cette interrogation passe par la soumission à des critères uniquement gestionnaires inverse la donne, en rendant l’humain esclave des contraintes financières choisies et établies par une idéologie politique. Et l’idéologie reste plus forte que l’expérience de laquelle on aurait pu apprendre.

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