Inclusion versus éducation inclusive
L’inclusion (ou l’éducation inclusive), si présente dans le discours institutionnel, est-elle une valeur (une éthique) si partagée ? On a vu il n’y a pas longtemps un syndicat d’enseignants s’insurger contre la poursuite de l’inclusion et réclamer que les élèves handicapés puissent être ségrégués dans des institutions spécialisées. Mais on voit aussi des décisions politiques, à rebours des discours tenus par les mêmes acteurs, nuire à la perspective inclusive : maintien d’une organisation scolaire séparatiste et inégalitaire, restriction de moyens, absence de formations, dispositifs d’organisation sélectifs et ségrégatifs (orientation, classes de niveau…), élèves handicapés non scolarisés…
Ce sont là des
signes que notre système éducatif fonctionne sur une éthique pratique
relativement éloignée des principes inclusifs. Cela se remarque bien sûr pour
les élèves en situation de handicap, dont l’inclusion est parfois contestée. Mais
toutefois il y a inclusion : lorsqu’un élève handicapé est présent dans la
classe, l’enseignant tente de s’adapter et d’adapter ses modalités pédagogiques
à l’élève concerné, selon les caractéristiques particulières de celui-ci. Tout
en laissant au reste des élèves de la classe le bénéfice (ou l’inconvénient)
des modalités pédagogiques habituelles, c’est-à-dire vraisemblablement pas ou
mal adaptées à bien d’autres élèves.
C’est bien là que
se situe la problématique : fait-on de l’inclusion en accueillant un élève
handicapé et en s’adaptant à ses caractéristiques (ce qui voudrait dire une
multispécialisation des enseignants) ? Ou pratique-t-on dans une éthique
d’éducation inclusive, où il s’agit de donner à tous les élèves les meilleures
conditions d’apprentissage et de réussite ? Dans cette dernière hypothèse,
il ne s’agit plus seulement des élèves handicapés, mais de beaucoup de
catégories (ou non catégorisés) d’enfants qui ne trouvent pas dans les modalités
actuelles de fonctionnement de l’école les conditions d’égalité d’apprentissage
et de réussite. D’autres enfants ne trouvent pas leur place institutionnellement
dans le système, et l’école n’est pas en mesure de réduire les inégalités
sociales et de scolarisation.
On ne parle pas
d’inclusion pour les enfants de familles rom, de familles supposées étrangère,
des enfants ayant des handicap invisibles, des enfants relevant de la
protection judicaire. Pas plus, mais de manière plus subtile, des enfants dont
les familles n’ont pas les ressources matérielles ou culturelles (ou les deux)
qui permettent de se conformer aux normes scolaires. Bien sûr il y a des
militants qui œuvrent à rendre leur institution inclusive, mais nombreux sont
aussi ceux qui rêveraient que de n’avoir que de bons élèves « normaux ».
Tous élèves-là gagneraient et profiteraient d’une école inclusive, une école
qui changerait son fonctionnement pour s’adapter à la diversité de ses élèves,
sans devoir à tout prix ne s’adapter qu’à des caractéristiques individuelles
d’un seul élève, fût-il handicapé.
Il serait
souhaitable de cesser de se crisper sur l’inclusion des élèves handicapés. Ce
faisant, l’institution se satisfait d’adapter quelques modalités pédagogiques
aux caractéristiques individuelles ou catégorielles de quelques élèves (« accueillir
un autiste dans sa classe »), mais ne remet pas question son
fonctionnement même, celui qui met de côté, délaisse et exclut de la réussite
bien d’autres élèves. Faire de l’éducation inclusive, c’est s’adapter et
adapter ses modalités pédagogiques (méthodes, démarches, contenus, contextes…)
à tous, et en particulier à ceux qui aujourd’hui rencontrent des difficultés,
sont mis en échec et « orientés », ne « supportent » pas
l’école. L’éducation inclusive est à l’inverse d’une école séparatiste, dont on
voit les contours se renforcer aujourd’hui. Dans ces conditions sociales et
politiques, l’école inclusive, ce n’est plus un effort à poursuivre, c’est une
rupture à effectuer pour que tous aient leur place à l’école.
RépondreSupprimerTout à fait d'accord avec votre analyse!!!