L'inclusion, obstacle à l'éducation inclusive
Y a-t-il des
différences, et quelles seraient-elles, entre inclusion et éducation ou école
inclusive ? Faisant suite à la notion et aux dispositifs d’intégration qui
ont eu cours jusqu’aux années 2005, se sont installées les notions d’inclusion
(surtout) et d’éducation inclusive, souvent utilisées de manière équivalente.
Puis, peu à peu, ces deux dernières notions se sont distinguées l’une de
l’autre, pour arriver aujourd’hui à des significations distinctes, et qu’il est
important de pouvoir distinguer.
J’ai moi-même utilisé, et je le fais encore parfois, indifféremment les deux termes, inclusion et éducation inclusive, davantage dans le souci de les distinguer de la période, des principes et des modalités de l’intégration scolaire. Les terminologies étaient pratiques pour opposer la contrainte de l’adaptation de l’élève aux normes de l’école (l’intégration), à l’adaptation demandée de l’école à l’élève (inclusion). Mais il est temps aujourd’hui de faire le point, et de voir en quoi ce qui est établi de l’inclusion scolaire se distingue de ce qui est en train de se définir en tant qu’éducation inclusive , afin de comprendre comment, en restant sur la notion et les principes de l’inclusion, on se heurte à des impasses et des immobilismes qui sont de véritables obstacles à l’éducation inclusive.
Si l’intégration
exigeait que l’élève handicapé scolarisé s’adapte aux normes scolaires sans
changements des dispositifs et modalités de fonctionnement scolaire,
l’inclusion opérait une rupture radicale en postulant que les dispositifs
scolaires s’adaptent et s’ajustent à chacun des élèves handicapés, et que
ceux-ci étaient, de droit, scolarisés dans l’école de tous. L’adaptation
concernait les méthodes, les contenus, les modalités pédagogiques, les
supports, les compensations techniques et humaines. C’et ainsi que l’on a vu
apparaitre les AESH, l’intégration de la technologie de compensation et les
sensibilisations des enseignants aux handicaps. Mais cette adaptation visait
spécifiquement les réponses individualisées aux problématiques de difficultés
et d’incapacités des élèves concernés : « comment accueillir un
autiste dans votre classe ? », « comment accueillir un enfant
TDAH dans votre classe ? » etc. Les réponses catégorielles, selon les
catégories de handicap, étaient de mise, permettant à des élèves d’être ainsi
effectivement scolarisés.
Mais en même temps
ces adaptations n’étaient destinées qu’aux besoins spécifiques et particuliers
des élèves handicapés, sans que soit envisagés de changements structurels des
modalités pédagogiques : le dispositif pédagogique restait identique à ce
qu’il était avant, seuls quelques aménagements étaient mis en place pour un
élève particulier. Or un tel type d’adaptation est insurmontable : il
faudrait être spécialisé en tout, connaisseur de tous les handicaps, pour bien
répondre à la mission d’une école pour tous, en faisant paradoxalement
l’impasse sur les autres en difficultés mais sans handicap. C’est pour cette
raison que l’on voit aujourd’hui un certain épuisement de l’inclusion, et des
enseignants.
S’inscrire dans
une perspective d’éducation inclusive, c’est encore opérer un
renversement : ce n’est plus se préoccuper d’un élève handicapé, ou d’une
catégorie d’élève, c’est mettre en œuvre des dispositifs afin que tous les
élèves, dans leur diversité, quels que soient leurs profils et leurs
caractéristiques, puissent faire les apprentissages dans les meilleures
conditions et réussir. Bien sûr, pour cela il faut des moyens : de la
formation pour les enseignants (non pas sur les déficiences ou les handicaps,
mais sur la gestion pédagogique de la diversité et l’accessibilité), des moyens
humains (les classes avec un grand nombre d’élèves ne le permettent pas), un
changement d’éthique professionnelle pour la réussite de tous, et une nouvelle
organisation politique du système éducatif qui permette réellement d’avoir une
ambition d’égalité de droits et de chances dans l’éducation.
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