L'école inclusive entre compensation et accessibilité
L’un des obstacles majeurs au développement de l’éducation inclusive tient peut-être à la mauvaise répartition entre compensation et accessibilité dans les réponses à la scolarisations des élèves en situation de handicap, ou plus précisément au fait que c’est encore la compensation qui constitue le modèle dominant de réponses. Il ne faut pas s’étonner de ces pratiques : la société dans son ensemble a hérité de l’histoire de l’accompagnement des personnes en situation de handicap une approche compensatoire, qui la rend elle-même peu inclusive, mais réhabilitatrice, réparatrice, normative. A cela s’ajoute la tradition d’une école qui n’a pas eu l’habitude d’accueillir ces catégories de populations. Plusieurs phénomènes, plus ou moins visibles, attestent de la pérennité et du poids de cette approche dans les modalités actuelles de la présence des enfants en situation de handicap à l’école.
Le premier
dispositif qui acte massivement de cette approche est la place qu’ont prise et
que prennent les AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap). Ils
sont présents massivement (même si nombreux sont ceux qui déplorent leur
insuffisance, qui exclut nombre d’élèves de la scolarisation) dans les classes
dès lors qu’un enfant handicapé y est présent, au plus proche le plus souvent,
parce qu’il est présumé, entendu, sur de nombreuses situations pourtant
différentes, qu’en leur absence, l’enfant ne peut pas être accueilli, ne peut
pas être scolarisé, ne peut pas faire d’apprentissages, va souffrir, etc. Avant
d’être là pour répondre aux besoins des élèves, ils sont présents en raison des
impossibilités ou des incapacités du système éducatif (et en premier lieu des
enseignants) à proposer des solutions éducatives et pédagogiques pertinentes et
ajustées à l’enfant concerné. L’AESH est par conséquent la compensation réduisant
l’écart entre l’enfant concerné et les normes de la pratique enseignante, qui
peut rester dans ces conditions immuable. Leur utilisation actuelle en tant que
compensation n’est nullement en cause dans les conditions de scolarisation
actuelle. Elle dénote simplement qu’il est attendu de ces élèves qu’ils
s’adaptent eux-mêmes, via leur AESH, aux conditions données de l’école.
La seconde
manifestation de la préséance de la compensation consiste en la médicalisation
plus ou moins généralisée des difficultés d’apprentissage rencontrées. La
réponse enseignante consiste aujourd’hui bien souvent à adresser le
« cas » aux services médicaux et paramédicaux, plutôt que de
rechercher dans les ressources pédagogiques, méthodologiques, relationnelles, les
façons de s’ajuster aux difficultés de l’élève. La plupart du temps, la
situation est ainsi pathologisée, et va trouver des réponses autant dans des
compensations thérapeutiques censées remettre l’enfant dans le circuit des
apprentissages, que dans la systématisation dans des réponses d’adaptation
individualisée concernant cet élève. Ce qui confirme par un pervers retour que
ce « type » d’enfant ne peut pas vraiment trouver sa place dans la
classe : il est « spécial », il lui faut du
« spécialisé ».
Dans ce
prolongement, la demande (et la réponse) de formation se réalise
essentiellement par une information/sensibilisation/formation sur les
déficiences/troubles, attribuant le handicap à la personne, dont la logique est
la compensation, et non sur l’accessibilité, c’est-à-dire sur l’ajustement des
conditions d’apprentissage à tous les élèves. De la même manière, l’aménagement
des examens est aujourd’hui (conçu ? et) compris comme une compensation
individuelle adaptée, et non comme des modalités à concevoir en amont et
ouvertes à tous, pour inclure tous les candidats.
Si les conditions
de l’enseignement et des apprentissages étaient conçues et mobilisées afin de
s’ajuster à tous les élèves ayant des difficultés, et aux autres, gageons qu’il
y aurait moins de besoins de compensation ciblée, et qu’ainsi l’école pourrait
se prétendre inclusive. La conception universelle de l’enseignement ou des
apprentissage (CUE ou CUA) offre des réponses pertinentes.
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