Handicap : tout le monde est formidable !
Les fins d’année sont propices à parler des « handicapés » : du Duoday au Téléthon, de la semaine de l’emploi des personnes handicapées à leur journée internationale. Au cours de l’année, de nombreux évènements sont également l’occasion de parler d’eux. Est-ce l’occasion de les valoriser, ou au contraire et en même temps de leur faire part de notre compassion ou solidarité ? Est-ce l’occasion de reconnaitre leurs droits et l’insuffisance de l’action publique les concernant, ou au contraire et en même temps de déplorer leur malheur, leur différence, leur écart au normal et de rappeler l’importance de leur permettre l’accès à nos normes ?
Dans l’abondance d’une communication dont on ne voit pas
toujours le sens et les valeurs sous-jacentes, une chose est sûre : c’est
l’occasion bien souvent pour la société de de féliciter pour ce qu’elle fait et
qu’elle doit encore faire pour les personnes handicapées. Du financement de la
recherche génétique ou neuropsychologique à l’ouverture ambitionnée de
l’entreprise, de la bonne socialisation des personnes handicapées (fin 2022,
les petits clips officiels du ministère sont particulièrement édifiants) à une
héroïsation exemplaire que les jeux paralympiques ont amplifié (les handicapés
surmontent leur handicap, il nous apprennent tant… !), tout est présent
pour simuler leur participation sociale, une place qui leur serait acquise dans
la société, la préoccupation sociétale concernant leurs droits, leur inclusion.
Un tel « texte » sociétal (discours, réglementation, actions, initiatives…)
dissimule d’autres réalités.
Quand une ministre visite un IME (Institut médico-éducatif)
installé dans un établissement scolaire, tout le monde ( ?) s’ébahit d’une
telle initiative « inclusive ». Alors même qu’un tel dispositif est
typiquement ségrégatif et ne fait qu’entériner une double filière de
scolarisation, signe que le système éducatif n’est précisément pas inclusif. Il
fonctionne encore en discriminant dans des dispositifs spécialisés des élèves
dont l’école ne veut pas malgré les textes réglementaires. Ailleurs, un
merveilleux clip relate comment un enfant handicapé est accueilli dans une
classe le temps de l’activité physique et sportive, comme si cette séquence était
l’apogée de la reconnaissance du handicap dans le système éducatif. Des
reportages célèbrent les entreprises inclusives, qui embauchent sans
discrimination (leur rareté donne l’occasion de les magnifier), nous engageant
à les applaudir.
Tout le monde est formidable, les personnes handicapées qui
s’efforcent de s’intégrer et de participer, les non handicapés qui s’efforcent
et font tout pour bien les accueillir. Là aussi, les discours affirment combien
les handicapés sont riches de leurs différences et de leurs expériences,
d’autant que l’on peut présenter certains d’entre eux comme ayant été capables
de surmonter (voire de nier ou de supprimer) leur handicap. Le top du sujet
étant lorsque c’est justement la déficience ou l’incapacité concernée qui est
« vaincue » : le sourd qui fait de la musique, la personne handicapée
physique qui fait du sport…
Tout cela est admirable, certes. Mais enfin, nombre de ces
situations ne devraient pas relever de l’admiration des expériences relatées,
mais du simple respect de la loi ou des droits énoncés : la scolarisation
des élèves à l’école, l’embauche sans discrimination, etc. Sont objet
d’admiration les quelques séquences où la loi est appliquée, est tu ou masqué
le fonctionnement social qui ne fait rien pour qu’elle soit appliquée, voire
qui légitime l’inverse. C’est à se demander si ce genre de célébration n’a pas
pour finalité en définitive de justifier notre propre valorisation de
« valides » suffisamment généreux ou gentils pour accueillir dans
notre monde « normal » les personnes en situation de handicap,
d’autant plus lorsque celles-ci sont davantage (ou font l’effort de l’être)
conforme à notre réalité.
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