L'inclusion, une impasse ?
Et si l’inclusion, dont on voit bien aujourd’hui, au-delà d’un consensus de façade, qu’elle se heurte à de sérieuses limites et contestations, était pensée selon un modèle qui relèverait d’une véritable aporie ? Malgré les ajustements sémantiques et conceptuels que l’on trouve dans les termes d’éducation inclusive et d’école inclusive, il reste que l’inclusion relève encore de la définition qui lui a été attribuée lorsqu’elle a remplacé la notion d’intégration dans la première décennie de ce siècle. C’est d’ailleurs pour cette raison que la plupart du temps, les différentes terminologies sont indifféremment utilisées. Dans ce registre persistant, l’inclusion scolaire concerne un ensemble de dispositifs déployés auprès des enfants handicapés, auxquels s’adapte l’école, en mettant en place diverses compensations et aménagements spécifiquement destinés à celles et ceux dont les besoins ont été identifiés comme relevant des caractéristiques personnelles déficitaires (déficiences, troubles, incapacités, limites). Les dispositifs d’intégration demandaient à l’enfant handicapé de s’adapter au fonctionnement de l’école, de laquelle il était rejeté s’il ne s’adaptait pas. Les dispositifs d’inclusion s’adaptent spécifiquement, particulièrement, à cet enfant, en raison des problèmes qu’il présente, issus de ses caractéristiques personnelles. Ainsi, une classe présente des élèves « normaux » et un élève « différent » auquel il convient de s’adapter par compensation et aménagement.
Et c’est peut-être
définie et organisée de cette manière que l’inclusion trouve ses limites, et qu’il
convient de réfléchir plutôt en termes d’éducation inclusive. L’éducation
inclusive n’est pas l’inclusion réduite à l’aménagement particulier à un élève
handicapé. Le principe fondamental de l’éducation inclusive repose sur un
élément fondateur : l’hétérogénéité et la diversité de tout collectif
social, par conséquent de toute école ou classe. Autrement dit, le principe de
l’éducation inclusive est l’acceptation de ce principe. L’éducation inclusive
concerne tous les élèves, parmi lesquels certes il y a des enfants qui ont des
incapacités ou des déficiences reconnues comme handicap ; tous les élèves
donc, et pas seulement certaines catégories désignées, auxquels il convient
d’être attentifs sur le plan pédagogique.
Si l’on convient
qu’il s’agit là des principes fondateurs de l’école inclusive, il n’est pas
étonnant que les dispositifs actuels d’inclusion, qui sont étrangers à ce
principe fondateur, ne se heurtent à des impasses. Faire de l’inclusion avec
quelques élèves sans souscrire aux principes de l’éducation inclusive est une
aporie insurmontable. Une école non inclusive, qui préserve toutefois une niche
dite d’inclusion pour des enfants handicapés, est une aberration fonctionnelle
et politique. C’est en cela que certains choix faits aujourd’hui (classes de
niveau, ségrégation sociale et institutionnelle par exemple) permettent de
continuer de parler d’inclusion en renforçant les caractéristiques d’inégalités
et d’exclusion de l’école, politiquement désirées par certains.
Souscrire aux
principes d’une éducation inclusive, c’est prendre en considération les
conditions générales environnementales dont tout élève, quelles que soient ses
caractéristiques individuelles, a besoin pour faire des apprentissages de
qualité. C’est sortir de la focalisation sur les déficits, insuffisances,
retards, échecs, c’est cesser d’identifier les élèves par leur manques ou même
par leurs besoins particuliers. En pratique, anticiper une séquence classe en
s’efforçant de proposer diverses solutions pédagogiques permet à des élèves
handicapés de tirer profit de leur activité d’apprenants dans la classe, non
pas parce que cela leur est spécifiquement adapté, mais parce qu’il y a une
préoccupation pédagogique de faire réussir tous les élèves.
Les incantations à
l’inclusion ne pourront qu’être vouées à l’échec et au discours creux, tant que
l’école ne se transformera pas en école inclusive. Pour cela, il ne s’agit pas
que de résistances de terrain, mais de choix politiques, qui ne semblent pas
aller dans ce sens actuellement.
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