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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 6 mai 2024

le handicat est-il une malfaçon ?

Le handicap est-il une malfaçon ?

Il y a un proverbe (africain ?), dont une des versions dit ceci : « Tant que les lions n’auront pas leur propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter les louanges des chasseurs. » Au-delà du simple signifié de la formulation, le proverbe fait référence à une idée non seulement de séparation de catégories, les humains et les lions, mais essentiellement à la domination de la première sur la seconde, qui est sans voix, sans histoire. Les sans voix, ce sont aussi les catégories humaines dominées, dont la caractéristique est de laisser, ou plutôt de subir, la voix des dominants. C’est ainsi que furent sans voix les femmes (par rapport aux hommes), les personnes de couleur (par rapport aux blancs), les homosexuels (par rapport aux hétérosexuels), mais aussi bien sûr les personnes handicapées (par rapport aux personnes dites valides). C’est aussi le cas des pauvres, dont la caractéristique « sans voix » a été maintes fois soulignée, dominés économiquement et socialement.

A partir du moment où sont établies des classifications, « naturelles » mais surtout sociales, et des catégorisations, les catégories dominées (pour des raisons numériques, économiques, politiques, idéologiques) deviennent, au regard des dominants comme des malfaçons de l’humanité. Une femme est une malfaçon de l’homme (voir la mythologie de la création dans l’histoire religieuse) ; une personne de « couleur » est une malfaçon du blanc (l’esclavage et le colonialisme en ont fourni de multiples exemples) ; l’homosexuel devient une malfaçon de l’hétérosexuel (voir la répression et les thérapies qui ont voulu l’éradiquer). Et la personne handicapée est une malfaçon de la personne valide : longtemps, on a voulu la réparer, la rendre normale, lui donner les caractéristiques des personnes dites valides (interventions chirurgicales, compensations, réhabilitation, rééducation…). Le fil conducteur de la préoccupation sociale ou politique relativement aux personnes handicapées fut longtemps leur « correction », leur normalisation, leur « validisation », condition nécessaire pour accéder à la pleine humanité.

S’arracher de la catégorisation hiérarchisante et déshumanisante concernant les personnes handicapées (comme pour les autres par ailleurs) exige d’examiner et d’analyser les situations d’un autre, et radical, point de vue, de faire un révolution copernicienne dans la compréhension des situations vécues par les personnes concernées. Si les catégories sont parfois une nécessité administrative, correspondant par ailleurs à certaines de nos intuitions sociales, il s’agit de s’efforcer de ne pas en faire des arguments d’inégalités vécues et instituées. Il s’agit en quelque sorte de faire une critique sociale et politique de la situation de domination, et de donner une voix aux personnes sans voix.

Être sans voix, c’est laisser à d’autres, ceux qui « savent », ceux qui ont la voix, installer dans le discours et dans les actes, une domination. Les vies dominées sont pensées par d’autres, elles ne s’appartiennent pas. C’est ainsi que les personnes dites valides ont attribué aux personnes en situation de handicap des caractéristiques spécifiques, et justifiant de leur domination (« ils ne sont pas capables de… » étant la formule résumant le mieux le discours et la situation de domination). De la même manière que les hommes ont attribué aux femmes un rôle de domesticité et de maternité.

La norme de l’humanité reste dans la caractéristique de la validité, justifiant de la domination des dits valides, dans la vie sociale tout entière, sur les personnes dites non valides. A ce titre, même si la formule choque , ces dernières sont considérées comme des malfaçons, définies par des besoins marquant leurs écarts avec ce qu’il est convenu d’obtenir, par l’exigence du développement des compétences personnelles pour faire partie de la société, et même encore parfois par la « fureur » de soigner et de réparer. On est loin de la reconnaissance de la diversité.

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