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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 19 février 2024

troubles associés à une déficience

Troubles associés à une déficience

Je me suis toujours interrogé, non sur la complexité des « troubles » qui pouvaient apparaitre associés à une déficience principale, mais sur la nature de cette association d’une déficience à des phénomènes connexes qui lui apparaissent attachés. Le premier exemple qui m’a interrogé est celui de la déficience auditive, à laquelle les représentations dominantes à une certaine époque associaient des troubles ou des handicaps associés dans différents domaines. Une publication (D.Colin, Psychologie de l’enfant sourd, Masson, 1978) me semble emblématique d’une théorisation de cette association, que l’on retrouve encore assez souvent dans les orientation contemporaines. Cet ouvrage indique, dès son premier chapitre, des « généralités sur les quatre handicaps de l’enfant sourd : handicap biologique, voire psycho-physiologique, handicap verbal, handicap social et affectif, handicap intellectuel ».

La situation d’un enfant est présentée comme un complexe déficient, liant inextricablement la déficience physique (la déficience auditive) avec ce qui est nommé handicap, mais qui constitue en réalité, dans ce modèle théorique, d’autres déficiences. La manière dont les diagnostics, les évaluations, les bilans sont posés et formulés laisse penser que l’ensemble des difficultés observées et rencontrées appartiennent (biologiquement, organiquement, fonctionnellement) à la caractéristique de la déficience, à un « syndrome » dysfonctionnel qui lie et associe entre eux différents éléments physiques et psychiques. Ainsi, toujours dans le même ouvrage, les chapitres suivants traitent des troubles associés dans les domaines du développement moteur et psycho-moteur, de la mémoire, de l’intelligence et des activités cognitives et dans la vie affective et les relations avec autrui.

Ce qui est remarquable dans une telle approche, tout à fait mainstream dans les années 1970, et encore quelque peu présente aujourd’hui, c’est qu’à aucun moment les difficultés identifiées, en dehors de la déficience auditive proprement dite, ne sont liées aux conditions et attitudes environnementales d’éducation, d’apprentissages, de communication, de relations, etc. Ce que l’on peut identifier aujourd’hui comme une situation de handicap complexe en raison de mauvaises conditions d’apprentissage, d’environnement langagier défavorable, d’absence d’accessibilité…n’est comprise que comme des attributs de l’enfant concerné. C’est à lui et à ses caractéristiques qu’est attribué le poids du handicap généralisé. Les troubles associés sont délibérément conférés  à la caractéristique déficitaire de la personne concernée. C’est de cette manière que les caractéristiques générales d’une personne, ce qu’elle peut ou ne peut pas faire tant sur le plan de ses aptitudes que dans ses habitudes de vie sont essentialisées, naturalisées comme faisant partie de la déficience dite principale.

Il y a certes de nombreuses situations où la non réalisation d’aptitudes (incapacités) est directement liée à un dysfonctionnement organique, physique ou psychique (le polyhandicap par exemple). Mais le recours à la notion de handicaps associés persiste à essentialiser des caractéristiques, quand celles-ci sont le produit de l’interaction entre la personne et son environnement. Si la notion renvoie, à juste titre à la complexité de situations vécues, la complexité tient le plus souvent à ces interactions davantage qu’à la caractéristique « élargie » de la déficience observée. La mémoire, le développement moteur, les apprentissages cognitifs ne sont pas immuablement liés à la déficience, ils dépendent des conditions dans lesquels ils ont été exercés.

Un tel retour historique n’a d’intérêt que parce qu’il permet d’identifier qu’aujourd’hui encore, il existe des ambiguïtés dans l’utilisation de la formulation de « handicaps associés ». Il y a parfois de représentation archaïques qui sont présentes, attribuant la complexité de la situation vécue à la personne concernée et ignorant les facteurs environnementaux.

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