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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 11 mars 2024

les impensés du changement

Les impensés du changement

L’injonction au changement est massive et permanente. Comme si l’état naturel était l’immobilisme, et que le changement ne se produirait que par injonction, pression, voire violence. Le schéma le plus courant justifiant de cette conception du changement est basé sur une échelle des zones, allant de la zone de confort à celle du changement, en passant pas celle de l’incertitude ou de la peur et celle de l’apprentissage. Il y a un a priori méthodologique : la zone de confort ne permettrait ni innovation, ni changement, étant définie comme un état dans lequel une personne se sent à l’aise, sans subir de stress ou d’anxiété. Ce qui permettrait innovation et changement, c’est la sortie de cet état, pour entrer dans une zone de peur (heureusement personne n’a encore parlé de zone de terreur comme source de changement !).

Il faudrait encore prouver qu’un état de peur, d’anxiété, d’incertitude extrême et de déstabilisation débouche sur des apprentissages nouveaux et sur du changement. Au contraire, ce que l’on observe le plus souvent dans de telles situations, ce sont des dégradations de l’état, et de l’état de santé des personnes : sidération, stress, anxiété, dépressions… A l’inverse, l’état de sérénité assorti à la zone de confort permet, dans la confiance accordée à la personne, que celle-ci puisse être créative, innover. Et même s’interroger, friser avec une incertitude raisonnable. Le changement n’est pas une révolution violente qui se fait en état de peur, c’est souvent un pas de côté qui se fait dans la sérénité. Il y a, derrière cette approche contrainte, une dévalorisation des personnes, supposées incapables de changer, résistantes, opposantes, tant qu’elles ne sont pas bousculées radicalement dans leur confort professionnel. Oui certes, là où il n’y a que des certitudes établies, les questionnements n’ont pas leur place. Il serait plus opportun de faire référence à la notion de zone proximale de développement (Vigotsky) pour penser apprentissages et changement.

Les discours managériaux déplorant les résistances au changement ou proposant différents dispositifs de contourner ces résistances restent dans le même paradigme : le changement n’est pas naturel, le confort l’est, et le confort empêche le changement. On pourrait penser que les approches participatives dans le management sont moins brutales (on parle ici plus d’incertitudes que de peur dans ce qui advient dans la rupture de la zone de confort), et qu’elles s’appuient quelque peu sur le postulat humaniste que chacun est susceptible de changer pour peu qu’on lui donne des conditions favorables pour le faire. Ces conditions peuvent consister en une reconnaissance matérielle et organisationnelle, en un climat de travail serein, en des formations adéquates, etc.

Pour autant, ces approches se sont-elles interrogées sur la nature du changement voulu ou souhaité ? Qui a défini le changement, ce vers quoi il faudrait aller, et les chemins qui y conduisent ? Même lorsque l’on fait participer les salariés, les professionnels, les « collaborateurs », on ne leur demande pas de définir la cible vers laquelle l’institution va. Cette cible est définie à des niveaux auxquels les professionnels n’ont aucun accès. Ainsi, la réforme de la tarification des services médico-sociaux a-t-elle été définie par des « technocrates » appuyés par quelques responsables, en fonction de critères éloignés des valeurs et des pratiques « de terrain », et à laquelle les professionnels devraient adhérer. Ce type de changement instaure une espèce de division du travail entre ceux qui définissent le changement en termes d’objectif, et ceux qui vont le mettre en œuvre sans donner leur avis. Leur participation au changement se fera sur leur assentiment, au mieux, mais avec des restrictions dans le cas de cette réforme dans la recherche de certaines modalités. L’absence d’assentiment justifiera en retour la conception immobiliste de l’organisation.

Le changement, idée pourtant largement partagée, se soutient d’impensés, dans sa conception comme dans ses modalités, qui sont rarement évoqués dans les nombreux articles, ouvrages et injonctions professionnelles qui le plaident en sa faveur.

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