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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 1 septembre 2025

Handicap : entre production et impasse

Handicap : entre production et impasse

 Texte de la conférence donnée lors de la journée NEURO SHAKER Event, à VERNON,

organisée par EIM et Autypik, en introduction de la deuxième journée. VERNON, le 22 mars 2025

Il y a tous les ans, dans le sud de la France, un évènement remarquable : un TRIATHLON INCLUSIF. Celui-ci est organisé par l’association T’CAP, à l’initiative de Vivien Fontaine, président de So’In. Quand il m’a parlé pour la première fois d’un triathlon inclusif, ma réaction a été d’être incrédule : quand même, un triathlon, ça ne peut pas être fait pour tout le monde, ça ne peut pas être inclusif ! Parce que, un triathlon, si l’on prend les références olympiques, c’est 1,5 km de natation, 40 km de vélo et 10 km de course à pied. Si on se réfère à ces critères, c’est sûr qu’il n’y a pas grand monde à pouvoir le faire. Ce qui veut dire qu’un triathlon n’est pas un évènement inclusif.

Ce n’est pas un évènement inclusif tant qu’on considère que les normes établies, ici donc les normes olympiques, sont intangibles. Comment donc un évènement comme un triathlon peut-il devenir inclusif ?  Dans le triathlon inclusif qu’il organise, tout le monde peut y participer : des jeunes et des vieux, des personnes handicapées et des personnes valides, des personnes maigres, grosses, obèses, des garçons, des filles, des trans…

Pour participer à l’évènement, on ne va pas demander aux personnes de changer, on ne va pas demander aux personnes grosses de maigrir, aux vieux de rajeunir, aux personnes handicapées de devenir des personnes valides. Donc la seule solution pour qu’un tel évènement puisse devenir inclusif, c’est de jouer sur les conditions dans lesquelles les personnes vont le réaliser, c’est de subvertir les normes habituelles : ne pas en faire une compétition concurrentielle, adapter les distances, adapter les conditions et les modalités de réalisation. Et là tout le monde, sans exclusion, peut participer, à sa manière.

Je vous ai parlé de cet évènement parce que le principe qui a présidé à sa réalisation est assez exemplaire, et pourrait être un principe qu’il faudrait retenir pour les situations de vie que chacun vit, à l’école, dans les loisirs, au travail, dans sa vie quotidienne, dans l’espace public. Et en particulier, on peut rêver et projeter cette idée, cette approche, cette conception sociale, sur l’école. Et se dire que la condition de participation de tous à l’école et à ce qui s’y fait, c’est-à-dire aux apprentissages, c’est d’abord une affaire de conditions de fonctionnement, pas une affaire de caractéristiques personnelles des élèves. Mais ce n’est pas du tout ce qui s’y passe, et on est très loin de l’accueil inconditionnel.

Pourtant, quand on entend les discours officiels, on pourrait croire qu’on est déjà dans l’inclusion. Mais vous le savez bien vous, que l’école n’est pas inclusive. Pour un enfant qui n’est pas dans les normes attendues, c’est difficile parfois d’être accueilli à l’école, et d’y être scolarisé dans de bonnes conditions. L’école a plein de faux arguments pour ne pas souscrire à l’obligation d’un accueil inconditionnel des enfants : un chromosome en plus, pas d’école ; un comportement dit difficile, pas d’école ; des modalités cognitives différentes, pas d’école. Pas d’école, ou alors dans des conditions tellement drastiques qu’il ne s’agit plus d’accueil inconditionnel, avec le fameux « oui mais » : oui mais avec une AESH, oui mais à temps partiel, oui mais à condition de pouvoir l’exclure s’il me gêne…

Alors que cette réalité-là vous la vivez au quotidien, on veut pourtant nous donner l’impression qu’on est dans l’inclusion. Parce que effectivement, il y a des choses qui ont quand même changé : la désinstitutionalisation fait ses premiers pas, diverses situations ou spécificités ont été considérées comme handicapantes, le système éducatif lui-même a mis en place des dispositifs dans les établissements scolaires.

Mais se contenter de cela nous mène à des impasses. Car ce qui est appelé inclusion aujourd’hui, ou même école inclusive, n’est que le paravent sémantique, lexical, d’une réalité et de représentations qui ont trop peu changé. Autrement dit, le mot inclusion n’a fait que remplacer dans le vocabulaire courant et professionnel le mot intégration. Et je crois que c’est une des raisons pour lesquelles le mouvement inclusif n’avance pas, se heurte sans cesse à un plafond ou à des murs de verre, se trouve finalement dans une impasse. C’est qu’on confond, consciemment ou inconsciemment, naïvement ou délibérément, les concepts d’intégration, d’inclusion et d’école inclusive. Ce que je vous propose maintenant, rapidement, c’est de réfléchir sur ces notions

Ce qui oppose l’intégration et l’inclusion, la plupart d’entre vous le connait. L’intégration a été le concept central de l’action des politiques publiques des années 1975 aux années 2005. Le concept d’intégration autorisait l’école dite ordinaire à accueillir dans son espace physique et pédagogique des élèves handicapés, mais de manière conditionnelle. Il fallait en effet ne pas être trop éloigné de la norme scolaire fixée pour pouvoir « intégrer » les organisations scolaires : donc ne pas être trop handicapé. Les élèves qui parvenaient à s’intégrer le faisaient, soit en n’ayant pas d’emblée de caractéristiques trop handicapantes, soit en ayant fait des efforts pour se rapprocher des normes, pour devenir « normaux » en quelque sorte, à force de rééducations, de réadaptations, et de compensations. Mais l’intégration laissait d’office hors du droit commun les autres enfants, trop handicapés. Donc l’intégration était par nature ségrégative. C’est aussi quand même l’époque où le système éducatif a mis en place des classes spécialisées à l’intérieur des écoles, mais classes spécialisées bien séparées du reste de l’école. Donc l’intégration était par nature ségrégative.

Avec la notion d’inclusion, le modèle change radicalement, ou devrait le faire en tout cas. Le principe de l’inclusion, ce n’est pas que l’élève s’adapte à l’environnement scolaire (il doit quand même continuer à le faire quelque peu), c’est que l’environnement scolaire s’adapte à lui pour lui fournir des conditions d’accueil et d’apprentissage satisfaisantes.

Avec la notion d’inclusion, on parle de l’élève au singulier : l’école, l’enseignante s’adaptent à un élève particulier, qui a telle ou telle caractéristique liée à une pathologie, à des incapacités, et organise l’action pédagogique qui lui est destinée en fonction de cela, parfois avec l’interface que peut être une AESH : consignes explicitées, aménagements des supports, travail individualisé, utilisation de supports techniques, etc. Ce dispositif a des avantages puisqu’il permet, le temps d’une année scolaire, d’améliorer les conditions d’apprentissage d’un élève handicapé qui rencontre des difficultés. Mais il a aussi l’inconvénient de disparaitre des pratiques pédagogiques dès que l’élève en question passe dans une autre classe. C’est aussi une des raisons de la stagnation de l’accueil des élèves handicapés dans l’école de tous. Il y a une formule qui me frappe, et qui dit bien que l’inclusion n’est souvent que de l’intégration déguisée : « c’est l’heure d’aller en inclusion » ! Ce n’est pas l’heure du cours d’arts plastiques ou de maths, c’est l’heure de l’inclusion !

Un autre modèle est ce que l’on pourrait qualifier d’école inclusive.  Dans ce modèle, le système éducatif se préoccupe de tous les enfants, en portant un intérêt spécial à tous ceux qui ont des besoins particuliers, à tous ceux qui y rencontrent des difficultés, à tous ceux qui y vivent des situations de handicap. Autrement dit, il s’agit ici d’un accueil inconditionnel, et l’on va parler ici d’accessibilité universelle des apprentissages et de l’enseignement. Qui n’est envisageable et possible évidemment que s’il y a bien adaptation systémique de l’institution (organisation et enseignantes), et attribution de ressources pour étayer ces évolutions, tant en termes de formation des acteurs que d’aides de spécialistes.

L’un des écueils, qui vient poser des limites à cette perspective inclusive, tient peut-être à la confusion de vocabulaire, où l’on parle de dispositifs inclusifs là où il s’agit de dispositifs ségrégatifs (comme les ULIS ou les UEE), ou l’on parle d’école inclusive alors que l’accueil se fait sous conditions.

Mais s’il y a de telles confusions, c’est aussi que les conceptions du handicap, les représentations qui prévalent aujourd’hui, sont en dissonance avec la notion d’école inclusive. Dans la conception commune, et très généralisée y compris chez les enseignants et les professionnels spécialisés, le handicap est attribué à la personne qui a une déficience, un trouble, une maladie ou des incapacités : on comprend spontanément, et on admet,  qu’une personne ayant un trouble ou une déficience ne puisse pas réaliser une habitude de vie comme se déplacer, ou aller à l’école, ou avoir un travail, ou faire un triathlon.

Dans le modèle classique d’explications du handicap, on ne peut pas penser les situations inclusives, comme le triathlon ou l’école inclusive. Parce que le handicap est la conséquence directe des incapacités et de la déficience. Ce modèle est très ancré dans nos cultures sociétales et professionnelles, et c’est peut-être en référence à ce modèle que j’avais eu le réflexe d’incrédulité. En effet, ce modèle, qu’on appelle modèle bio-médical individuel, attribue les causes de la non participation sociale, ou du handicap, à la personne et à ses caractéristiques : trop vieux, pas de triathlon, trop gros pas de triathlon, handicapé pas de triathlon ; pas de bras pas de chocolat comme le dit le film Intouchables. Mais aussi : handicapé, pas d’école !

Aller plus loin dans la perspective inclusive, c’est comprendre, et expliquer, de manière différente, les situations de handicap, et pour cela je vais vous présenter un modèle explicatif des situations que peuvent rencontrer les personnes handicapées, dans des situations de participation sociale et dans des situations de handicap. Ce modèle c’est le MDH-PPH, le modèle de développement humain – processus de production du handicap. C’est un modèle écosystémique, valable pour tout le monde, avec un processus particulier pour les personnes qui ont des maladies, de déficiences, des troubles ou des incapacités.


 Classification internationale

Modèle de développement humain – Processus de production du handicap (MDH-PPH)

RIPPH, Québec

 

Ce qui caractérise la vie d’une personne, c’est ce qu’elle fait. Et ce qu’elle fait dépend de ce qu’elle est, de comment elle est, et de l’environnement dans lequel elle se trouve. Dans le MDH-PPH, on appelle cela les habitudes de vie.

Comment peut-on définir une habitude de vie ? Une habitude de vie peut être une activité courante, comme se laver les dents, ou se déplacer pour faire les courses, ou un rôle social, comme avoir des relations avec d’autres, aller à l’école et y faire des apprentissages, jouer au foot avec d’autres sur le terrain de proximité, etc. Une habitude de vie, c’est aussi une chose à laquelle on accorde de la valeur (c’est important pour moi de réaliser telle ou telle habitude de vie) ou à laquelle le contexte, la société accorde de la valeur (par exemple aller à l’école).Une habitude de vie c’est ce qui assure la survie (par exemple se nourrir) ou l’épanouissement de la personne, c’est-à-dire en somme ce qui fait la qualité de vie de la personne. Et dernier élément, les habitudes de vie varient selon les personnes, et pour une même personne varient selon la chronologie de l’âge.

Dans le MDH-PPH, il a été distingué une douzaine de catégories d’habitudes de vie. On va trouver dans les activités courantes des habitudes de vie qui concernent la communication, les déplacements, la nutrition, la condition physique et le bien-être, les soins personnels et de santé, l’habitation. Dans les rôles sociaux, il y aura des habitudes de vie qui vont concerner les responsabilités, les relations interpersonnelles, la vie associative et spirituelle, l’éducation, le travail et les loisirs Chacune de ces catégories se décline en plusieurs items. Par exemple, dans les relations interpersonnelles, on va décliner le maintien des relations affectives, le maintien des liens avec des amis, la gestion des conflits, etc…

Une habitude de vie à laquelle je tiens, si je suis en mesure de la réaliser, je peux dire que je suis dans une situation de participation sociale. Je suis un fan de foot, je vais assister aux matches de l’équipe que je soutiens, je suis en situation de participation sociale. J’aime bien le foot, mais je ne peux pas me déplacer pour aller aux matches et en plus les gradins ne sont pas accessibles, je me retrouve en situation de handicap. Les notions de situations de participation sociale et de situations de handicap qualifient par conséquent les habitudes de vie selon que je peux les réaliser ou non.

Autrement dit, le handicap, ou les situations de handicap, ne sont pas des caractéristiques attachées aux personnes. Les situations de handicap sont une production écosystémique d’une interaction entre des caractéristiques personnelles et les caractéristiques de l’environnement dans lequel on réalise notre habitude de vie. Il y a situation de handicap lorsque cela ne matche pas entre les deux, et qu’une habitude de vie ne peut pas ou ne peut plus être réalisée. Dans le MDH-PPH, les situations de handicap ne sont pas figées une fois pour toutes : on peut rencontrer une situation de handicap dans la réalisation d’une habitude de vie, et ne pas en avoir dans d’autres habitudes de vie.

On parle de processus de production du handicap parce que le handicap est fabriqué dans l’interaction entre les caractéristiques personnelles et les caractéristiques de l’environnement. C’est cette interaction, variable et changeante, qui crée ou produit des situations de handicap. Je veux faire une formation (une habitude de vie), mais j’ai des difficultés dans la lecture ; heureusement,  tous les documents sont rédigés en FALC : il y a atténuation ou suppression de la situation de handicap. Sinon, il y a production de la situation de handicap.

On entend très souvent des formulations comme « situation de handicap moteur, situation de handicap intellectuel, situation de handicap sensoriel ». Ces formulations renvoient la problématique aux caractéristiques de la personne, avec ses déficiences ou ses incapacités. Non. Les situations de handicap ou les situations de participation sociale renvoient aux habitudes de vie : je rencontre une situation de handicap dans ma recherche d’emploi, dans les apprentissages scolaires en classe, dans les activités sportives de loisirs, dans mes déplacements, dans la préparation des repas, pour être parent…, pas dans mes caractéristiques sensorielles ou comportementales. Une personne n’est pas une situation !

En quoi consistent les caractéristiques personnelles et les caractéristiques environnementales, qui en interaction produisent ou pas des situations de handicap, ce qui dans le modèle est nommé facteurs personnels et facteurs environnementaux ; facteurs parce que, quand ils entrent en interaction, ils produisent, ils conditionnent la réalisation d’habitudes de vie.

Les facteurs personnels, c’est ce qui me caractérise, moi en tant que personne. Dans le MDH-PPH, sont distingués trois domaines : les facteurs identitaires, les systèmes organiques et les aptitudes.

Les facteurs identitaires jouent pour la réalisation de certaines habitudes de vie. Par exemple être une fille empêche d’aller à l’école secondaire quand on habite en Afghanistan. Avoir des ressources financières permet d’avoir des aides facilitant la réalisation d’activités, comme dans le film Intouchables par exemple. Les facteurs identitaires concernent toutes les caractéristiques sociodémographiques, économiques, culturelles, physiques, comportementales d’une personne. Ces facteurs identitaires peuvent intervenir soit comme obstacles, soit comme facilitateurs pour la réalisation des habitudes de vie.

Le deuxième domaine concerne le système organique, notre corps. Là on parle uniquement des aspects anatomiques et physiologiques (fonctionnels). La « qualité » d’un système organique se mesure sur une échelle qui va de l’intégrité à la déficience. Evidemment, le fonctionnement du corps peut constituer l’un des facteurs de la réalisation de certaines habitudes de vie. Si je suis pianiste, et que lors d’un accident j’ai une amputation de mon petit doigt, mon habitude de vie « jouer du piano » est grandement perturbée.

Le troisième domaine concerne les aptitudes des personnes. Les aptitudes, c’est le domaine le plus connu des professionnels du handicap, puisque ce qui va qualifier l’expression d’une aptitude, c’est une échelle entre capacité et incapacité. Et ce sont justement les incapacités qui ont été au centre des accompagnements, on disait même prise en charge, des personnes handicapées. Une aptitude est une possibilité pour une personne d’accomplir une activité physique ou mentale, qui se manifeste selon chacun en capacité ou incapacité.

Dans le MDH-PPH, ont été distinguées dix catégories d’aptitudes, et chaque catégorie fait l’objet d’une nomenclature en arborescence. Ces aptitudes sont liées : aux activités intellectuelles, au langage, aux comportements, aux sens et à la perception, aux activités motrices, à la respiration, à la digestion, à l’excrétion, à la reproduction, à la protection et à la résistance.

Quand une aptitude peut s’exprimer positivement, on va parler de capacité. Quand une aptitude se trouve réduite, voire impossible, on va parler de limites, de capacité partielle ou d’incapacité. Si tous les humains ont les mêmes aptitudes, ils se distinguent les uns des autres par leurs capacités et incapacités. Les capacités peuvent s’entrainer, les limites peuvent être modifiées par des interventions diverses. Là aussi les degrés d’expression des aptitudes, c’est-à-dire les capacités ou les limites peuvent être l’un des facteurs de la réalisation d’une habitude de vie, en interaction avec les facteurs environnementaux.

Si les facteurs personnels sont l’un des facteurs de diverses situations de handicap, ils n’en sont pas les seuls contributeurs. Les autres facteurs qui interviennent dans la production des situations de handicap sont les facteurs environnementaux. Un facteur environnemental est une dimension sociale ou physique qui détermine l’organisation et le contexte d’une société. Les facteurs environnementaux comprennent tant des aspects physiques comme l’aménagement du territoire ou l’équipement technologique, que des aspects sociaux comme les systèmes sociaux et politiques et les représentions ou les règles sociales.

Il est intéressant de distinguer l’environnement selon sa proximité ou sa distance vis-à-vis de la personne prise comme point de référence. On distingue ainsi le micro-environnement, les contextes spécifiques à la personne (sa famille, son domicile, son poste d’étude…) ; le méso-environnement, les contextes physiques ou sociaux avec lesquels la personne interagit (l’école, le quartier, l’espace de jeu, les magasins de proximité…) ; et enfin le macro-environnement, les dimensions sociétales (lois, règlements, systèmes étatiques…)

L’environnement peut être un facilitateur ou un obstacle à la réalisation des habitudes de vie. Une classe bruyante, le défaut d’adaptation pédagogique, une mauvaise place dans la classe, des textes réglementaires inconséquents, les représentations du handicap chez les professionnels ou les autres élèves, tous ces éléments peuvent constituer des obstacles à l’habitude de vie ‘faire des apprentissages à l’école’.

 

Voilà donc le modèle dont j’ai essayé de vous indiquer les grandes lignes.

Avec une telle approche, avec ce modèle conceptuel de développement humain qui met en avant les conditions générales de développement des êtres humains, on ne peut plus penser :

  • ·       Que le handicap et les situations de handicap vécues par les personnes sont des problèmes de santé ;
  • ·       Que le handicap et les situations de handicap sont un problème individuel qu’il s’agit de traiter
  • ·       Que le handicap est dans la nature d’une personne, qu’il lui appartient, que la personne en est responsable ;
  • ·       Qu’il suffit de doter les personnes concernées de compensations, techniques ou rééducatives, pour résoudre le problème

Mais, au contraire on peut s’autoriser à penser

  • ·       Qu’en agissant sur le changement dans l’environnement (l’accessibilité au sens large), on peut réduire les obstacles dans des habitudes de vie, c’est-à-dire réduire les situations de handicap
  • ·       Que l’accueil, inconditionnel et de qualité, est possible dans la vie et les institutions pour tous, comme l’école, le travail, l’espace public, etc. C’est ce qu’on peut appeler des environnements inclusifs.
  • ·       Que la singularité de chaque personne, dans ses caractéristiques propres, est un droit à respecter
  • ·       Que l’absence de prise en compte des facteurs personnels et/ou des facteurs environnementaux est une entrave à la participation sociale, à l’exercice des droits et à la qualité de la vie.
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mardi 26 août 2025

autonomie versus assistanat

Autonomie versus assistanat

Et si l’autonomie de la personne (on pourrait aussi parler d’autodétermination, notion plus complexe et comprenant l’autonomie), pensée d’abord sur le registre qualitatif de condition fondamentale et enviable de la personne, se pervertissait en nouveau critère de séparatisme, de discrimination, et de domination ?  Et si la mesure de la valeur humaine se définissait aujourd’hui par le degré d’autonomie atteint pas les personnes, promouvant sur le devant de la scène celles qui la « possèdent » et reléguant celle qui n’en ont pas ou peu. La richesse (le capital économique et culturel) demeure un critère fondamental de distribution sociale, avec des phénomènes comme la discrimination, la relégation, les inégalités et l’injustice. Mais il pourrait s’y ajouter la « possession » et le degré de maitrise d’autonomie personnelle comme critère supplémentaire de distribution sociale. L’homme (plus souvent que la femme) qui réussit, et mérite de réussir, est celui qui maitrise des compétences d’autonomie lui permettant de se mouvoir en toute liberté dans le monde, de prendre des initiatives, de ne pas être soumis à certaines contingences, d’avoir et de prendre des responsabilités, celui qui agit selon des modalités souples, adaptées, flexibles, agiles…

vendredi 4 juillet 2025

différences et pathologies

Différences et pathologies

Aujourd’hui, on peut convenir que l’individu et les singularités sont reconnus comme un fait biologique autant que social. L’on est même, en certaines circonstances, valorisé à faire apparaitre ou voir ce qui constitue la singularité de chacun (originalité, modalités d’expression, innovation, invention) ; en même temps d’ailleurs que les normes se manifestent de plus en plus prégnantes (droit d’expression, obéissance). C’est dire que dans le temps où la singularité est valorisée, il faut le remarquer, il est des différences et des singularités qu’il ne fait pas bon de présenter. Les dernières évolutions aux USA marquent une violente négation des singularités de genre, d’ethnie, de race, d’opinions politiques.

mardi 24 juin 2025

ESAT : à combattre ou à défendre ?

ESAT : à combattre ou à défendre ?

La question est sujette à des polémiques consistantes et nourries. Pour nombre de personnes et d’acteurs (en premier lieu les personnes concernées), ils sont des éléments nécessaires au travail (ou à l’occupation) des personnes handicapées. Pour nombre d’autres (y compris des personnes concernées), et du point de vue des principes de droit, ils sont des institutions à supprimer. Les questions se posent donc avec acuité dans la perspective d’une évolution plus ou moins radicale des offres de service et de la désinstitutionnalisation pour faire valoir les droits des personnes en situation de handicap.

vendredi 6 juin 2025

le client est-il toujours roi ?

Le client est-il toujours roi ? 

Il y a parfois un amalgame ou une synonymie qui sont établis entre le fait de mettre la personne au centre des dispositifs d’accompagnement, et le fait d’être positionné comme client. Etre client, c’est, de ce point de vue, imposer au vendeur ou au prestataire des exigences propres à le satisfaire en tant que consommateur. C’est oublier un peu vite qu’être client, c’est aussi permettre au producteur de services ou de matériel, de vivre de ce type de transactions, ou mieux d’en tirer des profits. En réalité être client est un « argument », et « être au centre » c’est secondairement être au  centre des préoccupations du prestataire. C’est plutôt être l’objet ou le moyen de faire fonctionner un service, une entreprise, un dispositif, un marché en somme au profit du fournisseur, et de fait accessoirement au profit du client. Il s’agit d’une préoccupation marchande, dont le client peut tirer parfois, et même souvent, bénéfice s’il n’est pas dans la surconsommation à laquelle l’incite le marché, ou s’il n’est pas le simple et principal moyen d’augmenter le chiffre d’affaires et/ou les profits.

mercredi 28 mai 2025

résister au changement ?

Résister au changement ?

La résistance au changement est toujours, ou la plupart du temps, affectée d’une valeur négative. Résister au changement, cela va de soi dans certains discours, c’est indifféremment s’opposer au progrès, aux évolutions naturelles et « pragmatiques » de la société, c’est se satisfaire de la situation actuelle, pourtant insatisfaisante, c’est vouloir rester dans le passé, ne pas vouloir remettre en cause les acquis. Dans ce jugement concernant les positionnements sur les changements, il y a un implicite sinon un impensé : le changement est progrès. Ce qui est perçu par certains comme régression, retour en arrière, est perçu par d’autres comme une avancée, un état meilleur.

mardi 20 mai 2025

l'autonomie, gage du mérite

L'autonomie, gage du mérite

Dans « l’école d’avant », ce qui faisait ségrégation dans les parcours scolaires (organisation scolaire, contenus pédagogiques, modalités d’enseignement…), c’était la réussite ou l’échec dans ces parcours. Ceux-ci étaient déterminés à l’aune de l’accumulation de connaissances et leur restitution dans les règles de l’art, et plus généralement par ce que Pierre Bourdieu a qualifié de capital culturel. Le mérite consistait à réussir le parcours lorsque l’on ne disposait pas de ce capital culturel par positionnement social. La reproduction scolaire fonctionnait à plein, agrémentée dans ses marges par les résultats des plus méritants. Aujourd’hui, ce ne sont plus (ou moins) l’accumulation des connaissances et la culture, ni leur restitution dans les formes attendues qui comptent et qui ont de la valeur. Avec les évolutions politiques et sociétales, c’est désormais l’individu dans sa globalité qui compte, avec des références qui se sont imposées pour tous, à l’école et dans la société : autonomie, responsabilité, initiative, créativité, expression… L’école restant une machine de sélection et de tri, ainsi que de répartition sociale, on peut imaginer que ce sont de nouveaux critères qui vont permettre de faire ségrégation. Les savoir-être constituent peut-être aujourd’hui les critères du mérite scolaire.

lundi 5 mai 2025

démédicalisation et médicalisation

Démédicalisation et médicalisation

Il est bien loin le temps (plus d’un demi-siècle) où les premiers militants de la « Vie autonome » revendiquaient une démédicalisation des problématiques de handicap et de la vie des personnes handicapées. Certes les approches conceptuelles ont évolué, et les facteurs environnementaux ont fait irruption dans les explications des situations vécues par les personnes handicapées. De nombreuses recherches ont étayé ces approches. Les approches sociales et écosystémiques sont aujourd’hui reconnues et apparaissent comme s’étant substituées aux approches médicales et individuelles du handicap. Les débats et les politiques publiques se sont construits sur ces évolutions, en prenant également appui sur l’évolution de la considération de la place des personnes concernées, dont on trouve le cadre dans la déclaration des droits des personnes handicapées (Convention des droits des personnes handicapées, ONU) et dans de nombreux textes européens. On dispose donc aujourd’hui de nombreux outils pour examiner la question du handicap et les problématiques de vie des personnes handicapées d’un point de vue non médical, pour démédicaliser les questions et les problématiques.

mardi 29 avril 2025

"Personnes handicapées vieillissantes" : quelles approches conceptuelles ?

 "Personnes handicapées vieillissantes" : quelles approches conceptuelles ?

Texte publié dans la revue GEPSO Info Public, mars 2025, n° 136, p.11

Nul ne conteste aujourd’hui l’importance et l’urgence de la question des personnes handicapées vieillissantes, au regard de la croissance de la population concernée et de la carence actuelle des réponses. Cependant intituler ainsi cette question par la formulation « personnes handicapées vieillissantes » est susceptible de renvoyer à des conceptions ou des approches conceptuelles qui pourraient être des écueils à des réponses pertinentes.

Qu’une catégorisation de population soit nécessaire à des fins administratives, cela se conçoit. Mais dans la formulation, la catégorisation « handicapées » renvoie à une situation sociale de séparation, d’exclusion, de discrimination des personnes concernées, de la naissance à la mort. Les personnes handicapées en général n’ont pas leur place égale et entière dans notre société. Assigner les personnes qui rencontrent des situations de handicap, quelquefois depuis la naissance, à la catégorie sociale pérenne de « handicapés » risque de conforter le maintien dans une discrimination hiérarchique où elles n’auraient pas la même valeur que les valides. On peut d’ailleurs faire les mêmes constats quand il s’agit de la catégorie « vieillissantes », en particulier lors cette catégorisation concerne les personnes devenant dépendantes. Les réponses qui pourraient être apportées risquent de se conformer à la formulation catégorisante inégalitaire et être éloignées de toute transition inclusive.

Par ailleurs l’entrée des personnes handicapées dans la catégorie « vieillesse », surtout en ce qui concerne la perte d’indépendance, fait prendre le risque de ne percevoir les personnes concernées qu’à travers un prisme médical, au mieux médico-social (diagnostic, soins, traitements). Alors que l’approche conceptuelle du handicap émergeait lentement d’une approche bio-médicale (avec la convention des droits des personnes handicapées, ou les notions de condition handicapée de H-J Stiker ou de situation de handicap et de processus de production du handicap de P. Fougeyrollas), le rapprochement du handicap et du vieillissement risque d’accentuer les représentations de toutes les personnes rencontrant des situations de handicap comme des personnes relevant d’un traitement médical ou bio-médical, comme le sont encore aujourd’hui celles des personnes vieillissantes.

Il n’y a pas de formulation adéquate à la question posée. Mais la formulation adoptée renvoie peut-être à des approches conceptuelle qui méritent elles aussi d’être interrogées

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vendredi 25 avril 2025

Lecture : Idées reçues sur le handicap

Idées reçues sur le handicap
Dir : E. DOUAT, H. DUPONT, S. VAQUERO (Le Cavalier Bleu, 2024)

On croit toujours tout savoir sur le handicap. Ou ne pas en savoir assez. Il en est ainsi parfois de livres qui viennent confirmer ce que l’on sait, renforcer des idées peu assurées, mais aussi interroger sur certaines de nos certitudes et nos croyances, bousculer ce que l’on croyait savoir et ce dont on était assuré. Tel est le cas de cet ouvrage, délibérément, puisqu’il interroge sur des « idées reçues ». Et des idées reçues, ici spécifiquement dans le domaine du handicap, il y en a de nombreuses, partagées dans le grand public, mais aussi paradoxalement parmi les « spécialistes ». Les idées reçues ce sont ces choses qui se disent, se pensent, se répètent, se diffusent, sans que l’on y réfléchisse vraiment, et sans que l’on sache si elles sont « vraies ». Elles sont des évidences qui éliminent toute idée contraire, elles sont en définitive des instruments d’ignorance.

lundi 14 avril 2025

handicap et situations de handicap

Handicap et situations de handicap

J’avoue être un petit peu agacé de constater dans de nombreux discours (politiques, organisationnels, professionnels) la confusion quasi générale entretenue entre le terme « handicap » et les termes « situations de handicap ». Comme si ces derniers avaient remplacé le premier, sans en changer le sens, la signification. Symptôme peut-être d’une occultation de paradigme inchangés. Le handicap, et l’identification « handicapé » ou « personne handicapée », renvoient à plusieurs sens, qui d’ailleurs ont varié au fil du temps. Si on se réfère à la première classification des handicaps (OMS, 1981, classification dite de Wood), le handicap constitue un ensemble composé de maladies, déficiences, incapacités et désavantage social, catégories liées par une relation univoque de cause à effet. Cette premier conceptualisation fut contestée dès son apparition, et donna lieu à d’autres classifications : PPH, Processus de production du handicap, puis Modèle de développement humain – PPH  (1998, 2020, RIPPH) et CIF, Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (2001, OMS).

mercredi 9 avril 2025

Un triathlon peut-il être inclusif : une réponse avec le MDH-PPH

 Un triathlon peut-il être inclusif : une réponse avec le MDH-PPH

Ce texte est la rédaction d’une présentation webinaire du MDH-PPH à une équipe de professionnels (APPV, CRR Trisomie 21 Nouvelle Aquitaine, Dispositif Appui Ressource) en date du 18 mars 2025. Le webinaire comportait deux parties : la présentation du contexte et de la réalisation du Triathlon Inclusif (organisé par T’CAP à Nice) par Vivien FONTAINE, et la présentation de la « lecture » de cet évènement à la lumière du MDH-PPH. Ces éléments ont été publiés dans le revue en ligne Inclusion sociale, N° 11(lien)


Quand on (Vivien FONTAINE, Directeur-Fondateur So'IN & Président association T'CAP) m’a parlé pour la première fois d’un triathlon inclusif, mon premier réflexe a été d’être incrédule. Parce quand même, un triathlon, c’est quoi ? C’est une épreuve sportive qui exige des qualités assez exceptionnelles. Si on prend les références olympiques c’est : 1,5 km de natation, 40 km de cyclisme et 10 km de course à pied.  Une telle épreuve sportive ne peut pas être, par nature, inclusive, c’est-à-dire accepter tout le monde. Elle est au contraire et par nature excluante, car la majorité de la population ne peut pas réaliser cette activité. Un événement qui exclut la majorité de la population, ou même une minorité, ne peut pas être inclusif.

jeudi 3 avril 2025

Les enjeux d'une qualité choisie

Les enjeux d'une qualité choisie

Qui peut être contre la qualité ? Personne ! Tous les professionnels (et pas seulement les donneurs d’ordre et les dirigeants) du secteur médico-social, ou plus globalement du secteur du care, du soin ou de l’aide à la personne, sont préoccupés par la qualité de leur travail, de ce qu’ils font auprès des personnes accompagnées, et donc de la qualité de ce qui est reçu par les bénéficiaires ou les usagers. Ils ont même souvent des idées précises sur ce qu’est un travail de qualité. Et ils sont malheureux lorsque les conditions de travail dans lesquelles ils sont mis les font ressentir leur travail comme mal fait. Oui, certes, chez quelques professionnels, certaines de leurs pratiques professionnelles ne sont pas pertinentes, sont dépassées, certaines sont même à proscrire. Pour les faire évoluer, les professionnels disposent d’outils performants, comme par exemples des temps d’analyse de pratiques, ou encore les recommandations de bonnes pratiques professionnelles. A condition de pouvoir y réfléchir, d’y consacrer du temps, celui qui aujourd’hui est consacré à toutes les procédures de contrôles, reporting, tenue de dossiers, etc.

mardi 25 mars 2025

lecture : Enquête sur l'évaluation

Enquête sur l'évaluation dans les établissements sociaux et médico-sociaux

de L.FRAISSE, J-L. LAVILLE, M-C. HENRY et A. SALMON, érès, 2025

Voici un petit livre sur les nouvelles modalités d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux, celles établies par un nouveau référentiel établi et publié par la HAS en 2022. Petit livre, mais lourd de questionnements et d’interrogations sur les modalités choisies dans ce référentiel, qui dorénavant s’applique à tous les établissements sociaux et médico-sociaux. Prévenons tout de suite ceux qui a priori vouent les critiques de l’évaluation aux flammes de l’enfer immobiliste ou passéiste. Les auteurs sont favorables au principe de l’évaluation, comme source d’amélioration de l’action, des pratiques, des connaissances, des compétences. Non, ce qu’ils interrogent, ce sont les modalités de réalisation des évaluations dans le cadre de ce reférentiel.

Le livre est divisé en cinq chapitres, chacun rédigé par un ou deux auteurs, abordant la question selon différentes entrés.

mardi 18 mars 2025

compensation, accessibilité et droits

Compensation, accessibilité et droits

Lorsque l’approche biomédicale individuelle (ou bio-psycho-médicale) était dominante, voire hégémonique, la reconnaissance d’une place aux personnes en situation de handicap était soumise à leur « réparation ». Les personnes handicapées pouvaient prétendre appartenir, à égalité ( ?) avec les autres, à l’humanité, sous conditions de surmonter, dépasser, neutraliser, nier, ce qui leur appartenait comme caractéristiques personnelles. Un Sourd de naissance n’accédait à la pleine humanité que s’il parvenait (à force d’équipements prothétiques et d’exercices) à entendre et surtout à parler (oralement). Une personne aveugle et peintre était admirable. Une déficience motrice pouvait être surmontée partiellement avec beaucoup d’efforts, jusqu’à la consécration des Jeux Paralympiques. Dans ce modèle de l’humain, le handicap appartenait à la personne, et c’était à celle-ci de se conformer au modèle et la norme valides, à tout le moins de s’y conformer au plus près, avec l’aide des compensations fournies : compensation matérielle et technique (fauteuils, prothèses par exemple), compensation développementale (éducation et rééducation, réadaptation) et compensation financière. Mais l’illusion technico-scientifique de la réduction de ces écarts par rapport à la norme participait des limites d’une telle approche quant à la place des personnes concernées dans la société.

mardi 11 mars 2025

professionnels : renverser le stigmate

Professionnels : renverser le stigmate

Dans les évolutions du travail social, et des secteurs médico-social et social, il y une volonté institutionnelle de dépasser le passé, de passer outre la culture qui s’était mise en place dans les accompagnements,  de minorer ou neutraliser les compétences des professionnels (le cœur du métier) du travail social. Il ne s’agit pas d’une volonté individuelle malfaisante, mais tout simplement de coller aux évolutions sociales et sociétales qui consistent à considérer que la réalité humaine est celle d’un marché, et qu’en conséquence ce qui compte, c’est l’efficacité, l’efficience (et pour le privé, le profit), dans le cadre d’une économie de ressources. Il s’agit d’évolutions politiques, économiques, idéologiques, qui sont devenues dominantes en ce début du XIXème siècle, et qui s’opposent à ce qui a fondé la culture des travailleurs sociaux depuis un demi-siècle. Dans cette configuration, les éducateurs, les assistant·es de service social et autres travailleurs sociaux, qui étaient titulaires de compétences professionnelles certifiées, se retrouvent « disqualifiés » face à des postures professionnelles attendues selon cette nouvelle idéologie. Leurs formations ne correspond plus à ce qu’attendent les politiques publiques et doivent être ajustées ; leur références et leurs pratiques non plus. Lorsque les évolutions des offres de service ne sont pas assez rapides aux yeux des décideurs, ils sont accusés de faire de la résistance, d’être nostalgiques du passé. Et l’on s’étonne que le secteur ait perdu le sens de son travail.

mardi 4 mars 2025

dispositifs intégratifs ou inclusifs ?

Dispositifs intégratifs ou inclusifs ?

Les impasses et les obstacles à la scolarisation inclusive des élèves handicapés seraient-ils à la hauteur de la diversification, de l’hétérogénéité et la multiplicité des « dispositifs » censés favoriser l’inclusion scolaire. En l’occurrence, ces dispositifs ont envahi le champ des offres de service et sont plus que jamais à l’ordre du jour. Certains de ces dispositifs sont relativement anciens : les ULIS, dispositifs de l’Education nationale, ont succédé aux CLIS (classes d’intégration scolaire) il y a déjà une quinzaine d’années. Mais il y a aussi de plus en plus de dispositifs de « sortie » ou « d’évitement » des institutions médico-sociales, mis le plus souvent en place dans le cadre d’un partenariat entre l’Education nationale et les organisations médico-sociales : UEE (unité d’enseignement externalisée), UEMA (unité d’enseignement maternelle autisme), UEEA (unité d’enseignement élémentaire autisme), DITEP (dispositif intégré des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques), IME hors les murs, IME dans les écoles, inclusion inversée…

lundi 24 février 2025

si l'école était inclusive, faudrait-il des AESH ?

Si l'école était inclusive, faudrait-il des AESH ?

Question provocatrice bien évidemment  ! Car aujourd’hui, au regard du fonctionnement de l’école et des systèmes d’enseignement, les élèves en situation de handicap ne trouvent souvent pas de place dans les classes sans la présence d’un·e AESH : comportement problématique, manque d’autonomie, adaptation des contenus d’apprentissage, étayage de la communication, etc. constituent des écueils insurmontables pour nombre d’enseignants. Et dans ce registre, le travail des AESH est admirable, alors qu’iels ne bénéficient d’aucune reconnaissance sociale. Les AESH permettent que des enfants en situation de handicap soient présents dans les classes : sans eux·elles, les élèves concernés ne seraient pas scolarisés, resteraient à domicile (comme c’est encore partiellement le cas, faute d’AESH) ou seraient orientés vers des structures spécialisées. En leur absence, bien souvent l’élève handicapé ne peut être scolarisé, ou alors avec réticences, difficultés et sans adaptations.

lundi 17 février 2025

des complications de l'activité

Des complications de l'activité

Les différentes procédures qui ont cours dans le secteur médico-social (et ailleurs), et qui se sont copieusement répandues, s’avèrent de plus en plus « lourdes », compliquées plutôt que complexes, rébarbatives et pénibles : les évaluations des services, les procédures de qualité, les dossiers des usagers, les projets de toute nature, les réponses aux appels d’offre, le reporting d’activités, la formation, les algorithmes des besoins et des prestations, … et tant d’autres activités. Alors que le discours public martèle sa volonté de « simplification », on peut se demander pour  quelles véritables raisons toute l’activité sociale et professionnelle présente une telle complexité, ou plutôt de telles complications. On pourrait lire ces multiples processus et procédures, de plus en plus prégnants dans un environnement discursif d’autonomie et de responsabilité, comme des symptômes d’évolutions qu’il faudrait se garder d’ignorer.

mardi 4 février 2025

" Mais lui quand même, il ne peut pas être inclus !"

"Mais lui quand même, il ne peut pas être inclus !"

La question de la possibilité d’inclusion d’élèves handicapés dans les établissements scolaires se heurte toujours aux limites posées par des professionnels, que ce soient ceux de l’éducation nationale ou ceux de l’éducation dite spécialisée. Nombre de professionnels vont ainsi répondre : «  oui, mais avec le jeune que j’accompagne ce n’est pas possible », ou « oui, ça va avec beaucoup d’élèves handicapés, mais avec celui-là non ce n’est pas possible ». Autrement dit, pour une partie de la population concernée, celle vraisemblablement la plus proche de la population accueillie à l’école, cela est possible ; pour les autres non. C’est proprement la caractéristique des dispositifs d’intégration qui se sont mis en place avant que l’on ne s’inspire des principes de l’inclusion, ou plutôt de l’école inclusive. Diverses limites sont évoquées, dans l’école et chez les accompagnants : les écarts de niveaux, les troubles de comportement, la souffrance vécue… Toutes choses « vraies » et observables.

lundi 27 janvier 2025

le handicap ne relève pas du soin

Le handicap ne relève pas du soin

Dire que le handicap ne relève pas du soin ou de la santé (en tout cas pas davantage que le genre ou d’avoir la peau noire ou blanche) semblerait une évidence. Et pourtant, dans les établissements et services médico-sociaux, comme dans société d’ailleurs, l’évidence en question n’en est pas une. Ce qui constitue le handicap, de bien des manières, est une altération corporelle (physique ou psychique), qui renvoie par conséquent à la « réparation » de l’altération en question. La différence de fonctionnement est pathologisée, et appelle à un diagnostic et des traitements (soins). C’est pour cette raison que dans les représentations les plus fréquentes, le handicap relève d’abord et avant tout du soin, condamnant les personnes vivant ou rencontrant des situations de handicap à être des malades, marginalisés par rapport aux bien-portants et valides. La réduction de la personne à ce dont elle doit être soignée la met dans une situation de dépendance, de pathologisation, d’essentialisme, et l’enferme a priori dans une catégorie de handicap et d’incapacité.

dimanche 19 janvier 2025

inclusion et autorégulation

 Inclusion et autorégulation

Les dispositifs d’inclusion ont fait la preuve de leur difficultés, voire de leur échec, à véritablement inclure des élèves handicapés, et surtout à transformer l’institution scolaire en école inclusive. Les AESH, malgré leur bonne volonté et leur savoir d’expérience, leur indispensable présence pour permettre la présence d’enfants dans l’école et dans la classe, malgré aussi des conditions déplorables de travail, sont à la peine pour favoriser les apprentissages des élèves et les rendre autonomes dans leur « métier » d’élève. Le puits sans fond des demandes des affectations des AESH auprès des élèves handicapés se heurte aux refus politico-administratifs, mais aussi au manque de preuves de l’efficacité de l’action pour faciliter les apprentissages. Certes, ces élèves peuvent ainsi être présents dans la classe, mais sans y être vraiment intégrés en raison de la présence proche et permanente de l’AESH ; certes ils peuvent se socialiser quelque peu, mais ils ne sont pas dans de bonnes conditions d’apprentissage. Les AESH évitent en fin de compte au système d’enseignement de s’adapter aux élèves concernés. C’est ce que met en évidence un article de M TOULLEC : l’AESH, aide ou écran à l’inclusion scolaire (revue en ligne Ressources n°22, juin 2020 https://inspe.univ-nantes.fr/revue-ressources)

vendredi 10 janvier 2025

Coissance des pathologies et des handicaps ?

Croissance des pathologies et des handicaps ?

Le nombre d’enfants handicapés scolarisés dans les établissements scolaires « ordinaires » a significativement augmenté depuis une vingtaine d’années. Le discours officiel utilise cette augmentation pour affirmer et se satisfaire de l’orientation inclusive de l’école. Il faudrait toutefois confronter les chiffres de cette augmentation, réelle, avec d’autres indicateurs permettant d’analyser la situation globale, sans parti pris communicationnel ou idéologique. En effet, dans le même temps, le nombre d’enfants handicapés accueillis en établissements spécialisés a peu évolué, et les associations réclament des créations de places en nombre ; un certain nombre de dispositifs, comme les classes externalisées des établissements médico-sociaux sont dorénavant comptabilisés dans le nombre de scolarisations inclusives, alors même que les élèves ne peuvent être inscrits de plein droit dans les établissements où ils sont présents ; en vingt ans, les enfants reconnus handicapés par les MDPH ont vu leur nombre augmenter de 136 % (Nos enfants sous microscope, de E. Piquet et A. Elia, Payot, 2021).

samedi 4 janvier 2025

MDH-PPH et PASS-PAR

MDH-PPH et PASS-PAR

MDH-PPH : Modèle de Développement Humain – Processus de Production du Handicap. PASS-PAR : Processus d’actualisation Sociale de Soi – Par l’Adapation-Réadapation.

Dans les périodes de grands changements, à côté de ceux qui initient, formalisent, théorisent de nouveaux modèles de pensée, il y a toujours d’autres penseurs qui tentent de maintenir les anciens modèles, en les renouvelant toutefois sur certains aspects. Quand Galilée établit la théorie de la rotation de la terre, d’autres scientifiques, comme l’éminent astronome Tycho Brahe, ne cessèrent de produire des calculs forts compliqués pour justifier de l’ancienne théorie. Le PASS-PAR est en quelque sorte le Tycho Brahe du MDH-PPH.