Inclusion et autorégulation
Les dispositifs
d’inclusion ont fait la preuve de leur difficultés, voire de leur échec, à
véritablement inclure des élèves handicapés, et surtout à transformer
l’institution scolaire en école inclusive. Les AESH, malgré leur bonne volonté
et leur savoir d’expérience, leur indispensable présence pour permettre la
présence d’enfants dans l’école et dans la classe, malgré aussi des conditions
déplorables de travail, sont à la peine pour favoriser les apprentissages des
élèves et les rendre autonomes dans leur « métier » d’élève. Le puits
sans fond des demandes des affectations des AESH auprès des élèves handicapés
se heurte aux refus politico-administratifs, mais aussi au manque de preuves de
l’efficacité de l’action pour faciliter les apprentissages. Certes, ces élèves
peuvent ainsi être présents dans la classe, mais sans y être vraiment intégrés
en raison de la présence proche et permanente de l’AESH ; certes ils
peuvent se socialiser quelque peu, mais ils ne sont pas dans de bonnes
conditions d’apprentissage. Les AESH évitent en fin de compte au système
d’enseignement de s’adapter aux élèves concernés. C’est ce que met en évidence
un article de M TOULLEC : l’AESH, aide ou écran à l’inclusion scolaire
(revue en ligne Ressources n°22, juin 2020 https://inspe.univ-nantes.fr/revue-ressources)
C’est donc en
toute légitimité que des enseignants, des chercheurs et des responsables du
ministère se sont penchés sur de nouvelles modalités de développement de
l’école inclusive. C’est ainsi qu’on a vu apparaitre, après diverses expérimentations,
sous forme de nouveau dispositif (nouvel acronyme, les DAR, dispositif
d’autorégulation) dans un texte officiel du 5/9/2024. L’autorégulation y
est définie « comme un ensemble de procédures d’ajustement volontaire,
par l’apprenant lui-même, de ses conduites, stratégies, comportements et
émotions. L’autorégulation fait référence à la capacité de contrôler ses
pensées, ses émotions et ses comportements dans différents contextes de la vie
quotidienne pour atteindre des objectifs, réguler les réponses aux stimuli de
l'environnement et s'adapter aux situations changeantes. » « On
définit trois processus distincts dans l’autorégulation : 1) l’auto-observation
de son activité, de son comportement par la personne, pour obtenir de
l’information sur sa propre manière d’agir, de réfléchir ; 2)
l’auto-évaluation. La personne doit pouvoir mesurer l’écart entre sa manière
d’agir et ce qui est attendu. Elle évalue sa performance en se fondant sur des
normes préétablies ; 3) l’auto-réaction : la personne agit à la suite de
l’évaluation de son comportement régi par les normes qu’elle s’est fixées pour
trouver un équilibre personnel. »
Il s’agit d’un beau challenge, celui d’ailleurs qu’on
retrouve de manière récurrente dans les références du secteur médico-social
avec le déploiement du principe d’autodétermination. Ici tous les élèves ont
des capacités, et les perspectives d’apprentissage sont légitimement
ambitieuses et méritent d’être encouragées. Il y a lieu de prendre garde
toutefois, car la mise en place de tels dispositifs, sans moyens comme il est
de coutume, peut avoir des effets destructeurs significatifs. Car
l’autorégulation, ou l’autodétermination, sont conçus dans la pensée dominante
comme des qualités d’essence, de nature, et comme en dehors de tout
environnement et des obstacles qui s’y trouvent. La généralisation, à l’école,
de l’idéologie de la responsabilité individuelle, du mérite, de l’égalité
formelle des chances, irradie aujourd’hui tous les segments du fonctionnement
social. Elle fonctionne bien pour ceux qui « réussissent » :
ceux-ci n’ont d’ailleurs de cesse d’invoquer le mérite qu’ils ont pour être là
où ils sont. Elle fonctionne moins bien pour « ceux qui ne sont
rien ». Ceux-ci deviennent responsables de leurs échecs ou de leurs
difficultés, sont vilipendés de leurs manques, méprisés par les premiers :
le chômeur est un fainéant qui ne cherche pas de travail, le pauvre est un
fraudeur en puissance. Une telle idéologie de la responsabilité produit, et
continue de produire, des injustices, des inégalités, de l’exclusion, de
l’indignité. L’autorégulation à l’école, un nouveau moyen de ségrégation entre
ceux qui y parviennent, et les autres ? Et n’oublions pas non plus que ces
dispositifs sont une opportunité de réduction à tout prix des coûts du puits
sans fond de l’inclusion !
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