Dispositifs intégratifs ou inclusifs ?
Les impasses et
les obstacles à la scolarisation inclusive des élèves handicapés seraient-ils à
la hauteur de la diversification, de l’hétérogénéité et la multiplicité des
« dispositifs » censés favoriser l’inclusion scolaire. En
l’occurrence, ces dispositifs ont envahi le champ des offres de service et sont
plus que jamais à l’ordre du jour. Certains de ces dispositifs sont
relativement anciens : les ULIS, dispositifs de l’Education nationale, ont
succédé aux CLIS (classes d’intégration scolaire) il y a déjà une quinzaine
d’années. Mais il y a aussi de plus en plus de dispositifs de
« sortie » ou « d’évitement » des institutions
médico-sociales, mis le plus souvent en place dans le cadre d’un partenariat
entre l’Education nationale et les organisations médico-sociales : UEE
(unité d’enseignement externalisée), UEMA (unité d’enseignement maternelle
autisme), UEEA (unité d’enseignement élémentaire autisme), DITEP (dispositif
intégré des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques), IME hors les
murs, IME dans les écoles, inclusion inversée…
Est-ce de
l’inclusion ? C’est certainement un désir d’inclusion, à défaut d’être une
réalité inclusive. Ces dispositifs ont en commun de dresser une frontière, fut-elle
dans une école, entre des enfants considérés comme « ordinaires »,
c’est-à-dire « normaux », et des enfants considérés et classés comme
« spéciaux ». La frontière n’est plus dans l’exclusion de tels
enfants hors des murs de l’école, dans des institutions spécialisées dédiées à
ces catégories d’enfants, elle est au sein-même de l’espace scolaire et des
habitudes de vie de la population scolaire. Ces dispositifs ont la plupart du
temps leur espace spécifique, leurs habitudes de vie spécifique (l’enseignement
spécialisé), leur relations sociales particulières. De temps en temps, lorsque
les professionnels évaluent que cela est possible, avec toutes les appréhensions
et les méfiances existantes, un enfant « va en inclusion » (comme
s’il allait en cours d’anglais !). Il est dans l’école, mais il y est
comme un étranger de passage, risquant d’en être exclu s’il ne se conforme pas
à ce qui est attendu de lui.
Certes depuis une
vingtaine d’années, la situation a changé. Il y a de moins en moins d’enfants
handicapés dans les murs institutionnels. De ce point de vue c’est un progrès.
Et peut-être même cette évolution pourra-t-elle déboucher un jour sur des
« dispositifs » plus inclusifs. Mais aujourd’hui, il y a un leurre absolu
à vouloir les qualifier comme « inclusifs ». Ils font référence, dans
leur fonctionnement, davantage à ce qui était défini dans la fin du XXème
siècle comme des dispositifs intégratifs. Dans cette pensée intégrative, les
personnes devaient faire l’effort de ressembler aux « normaux »,
devaient surmonter les obstacles dus à leurs déficiences et à leurs incapacités
afin de prétendre être avec (et comme) les autres. Avec la conséquence que
seuls les enfants les moins handicapés pouvaient y prétendre. Il n’était pas
demandé à l’environnement, à l’école de changer son fonctionnement. Dans les
dispositifs actuels, c’est encore cette règle qui est de mise : l’élève ne
« va en inclusion » que s’il ne dérange pas, que si le fonctionnement
habituel de l’école le permet et le tolère.
Il y a donc un
leurre, et même un mensonge, à qualifier d’inclusifs les dispositifs actuels.
Cela laisse penser que les processus en cours sont achevés, ou que les élèves
qui en bénéficient y trouveront l’occasion de se conformer aux normes
inchangées en vigueur. Il s’agit pourtant d’un processus d’évolution, qui sort
d’une période où une plus grande ségrégation était de mise. Il y aurait plutôt
lieu de qualifier cette évolution de transition. Il serait plus honnête de
qualifier cette transition d’intégrative plutôt que d’inclusive. En qualifiant
aujourd’hui ces évolutions comme inclusives, on prend le risque d’ignorer les
nécessaires changements de l’environnement, de négliger l’intervention sur ces
changements, de méconnaitre les obstacles environnementaux qui produisent des
situations de handicap à l’école, de se satisfaire d’une fausse inclusion qui
hiérarchise les possibilités d’appartenance au monde (scolaire) de tous.
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