Le handicap ne relève pas du soin
Dire que le handicap ne relève pas du soin ou de la santé (en tout cas pas davantage que le genre ou d’avoir la peau noire ou blanche) semblerait une évidence. Et pourtant, dans les établissements et services médico-sociaux, comme dans société d’ailleurs, l’évidence en question n’en est pas une. Ce qui constitue le handicap, de bien des manières, est une altération corporelle (physique ou psychique), qui renvoie par conséquent à la « réparation » de l’altération en question. La différence de fonctionnement est pathologisée, et appelle à un diagnostic et des traitements (soins). C’est pour cette raison que dans les représentations les plus fréquentes, le handicap relève d’abord et avant tout du soin, condamnant les personnes vivant ou rencontrant des situations de handicap à être des malades, marginalisés par rapport aux bien-portants et valides. La réduction de la personne à ce dont elle doit être soignée la met dans une situation de dépendance, de pathologisation, d’essentialisme, et l’enferme a priori dans une catégorie de handicap et d’incapacité.
Ces
représentations sont confirmées et légitimées par l’organisation
politico-administrative. La catégorie des personnes concernées appartient au
champ médico-social, la partie médicale (ne serait-ce que dans sa dénomination)
affirmant une entrée incontournable par des soins. Ce n’est sans doute pas pour
rien que la dénomination du secteur d’activités a conservé cette appellation. La
définition du handicap dans la loi de 2005 ne déroge pas à cette entrée. Si la
présence strictement médicale se fait aujourd’hui moins prégnante, ce sont les
professionnels paramédicaux, relevant également du soin, qui ont pris le relais,
imposant souvent leur rythme et leurs exigences par rapport aux autres
activités pour les personnes concernées. Il n’est pas anodin par exemple, que
dans la réforme SERAFIN-PH, la première catégorie de nomenclature des besoins
concerne les besoins de soins.
Ce fonctionnement
est également légitimé politiquement et socialement par le rattachement du
fonctionnement du secteur aux Agences Régionales de Santé (ARS),avec des
injonctions de fonctionnements venant de la Haute Autorité de Santé (HAS). Au
niveau national, le secteur a fait la danse du ventre entre les Ministères de
la santé et celui des affaires sociales, pour être rattaché aujourd’hui à celui
des solidarités. Il n’empêche que son rattachement aux ARS et à la HAS l’arrime
profondément à la Santé, avec une philosophie, des priorités et un agenda qui
se calquent sur les priorités des établissement de soins. Ceci renforce bien
évidemment, tant à l’intérieur des organisations que dans le public, cette idée
que le handicap et la personne handicapée relève du soin.
Bien évidemment,
les personnes en situation de handicap ont besoin de soins, comme tout un
chacun, ponctuels ou permanents, plus ou moins importants, généralistes ou plus
spécifiques. On peut même considérer, sans faire de généralisations, que
certaines d’entre elles, ont besoin de soins beaucoup plus importants et plus
précis que des personnes valides (actions sur les causes de déficiences et
d’incapacités, traitements de maintien ou de bien-être , etc.). Mais le
soin « s’arrête » là. Pour le reste, le handicap est un problème
social, de participation sociale, où il s’agit, non de soigner, mais
d’accompagner si nécessaire la réalisation des habitudes de vie. Il serait
préférable de parler à ce niveau, non de besoins de soins, mais de droits à une
bonne santé, et de droits d’accès aux organisations de santé. Comme tout un
chacun. Si le besoin appelle à trouver des réponses individuelles, le droit
appelle à trouver des réponses individuelles et collectives (accessibilité). La
santé, et donc l’accès aux soins, aussi spécifiques soient-ils, sont un droit
qu’il est impératif de faire advenir, tout comme le droit à l’éducation, au
bien-être, au travail. Cela évite de faire de la personne handicapée (et de l’y
réduire) un objet de soins.
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