Compensation, accessibilité et droits
Lorsque l’approche biomédicale individuelle (ou bio-psycho-médicale) était dominante, voire hégémonique, la reconnaissance d’une place aux personnes en situation de handicap était soumise à leur « réparation ». Les personnes handicapées pouvaient prétendre appartenir, à égalité ( ?) avec les autres, à l’humanité, sous conditions de surmonter, dépasser, neutraliser, nier, ce qui leur appartenait comme caractéristiques personnelles. Un Sourd de naissance n’accédait à la pleine humanité que s’il parvenait (à force d’équipements prothétiques et d’exercices) à entendre et surtout à parler (oralement). Une personne aveugle et peintre était admirable. Une déficience motrice pouvait être surmontée partiellement avec beaucoup d’efforts, jusqu’à la consécration des Jeux Paralympiques. Dans ce modèle de l’humain, le handicap appartenait à la personne, et c’était à celle-ci de se conformer au modèle et la norme valides, à tout le moins de s’y conformer au plus près, avec l’aide des compensations fournies : compensation matérielle et technique (fauteuils, prothèses par exemple), compensation développementale (éducation et rééducation, réadaptation) et compensation financière. Mais l’illusion technico-scientifique de la réduction de ces écarts par rapport à la norme participait des limites d’une telle approche quant à la place des personnes concernées dans la société.
Un immense progrès
apparut, en contestation de cette approche, avec l’approche dite sociale.
L’approche sociale situe le handicap dans les obstacles que met l’environnement
à la réalisation d’activités des personnes. Le handicap n’est pas dans la
personne, mais dans les défauts de l’environnement. C’est l’accessibilité qui
fait défaut. En rendant accessibles les environnements, l’école, le travail, le
milieu de vie quotidienne, l’espace public, le handicap
« disparait ». Dans le prolongement de cette approche sociale, le
MDH-PPH (Modèle de Développement Humain – Processus de Production du Handicap)
définit une situation de handicap comme caractéristique de l’interaction
(écosystémique) entre des facteurs personnels et des facteurs environnementaux.
Dans le même temps, a émergé l’exigence de la reconnaissance des droits
fondamentaux des personnes handicapées.
C’est ce
changement de paradigme (d’un modèle individuel et bio-médical à un modèle
social et politique) qui a permis de mettre à l’agenda des notions
fondamentales, que l’on retrouve aujourd’hui massivement (au moins dans les
discours) dans le champ de l’accompagnement des personnes concernées, et qui
constituent comme des balises de l’action sociale : la participation
sociale, l’inclusion, l’autodétermination, l’identité des personnes…Si ces
questions sont bien à l’ordre du jour (pratiques professionnelles, offres de
services), induites par les changements de paradigme, les problématiques
engendrées par le modèle bio-médical n’ont pas disparu. Les invocations des
principes et la réalisation de dispositifs de compensation et d’accessibilité
se heurtent incessamment à des murailles et des plafonds de verre : une
autodétermination bien souvent réduite au développement personnel des
capacités ; une inclusion cantonnée à des intégrations individuelles bien
éloignées des changements nécessaires du système éducatif ; une
participation sociale limitée aux marges de la citoyenneté ; une identité
assignée dans des normes établies…
C’est peut-être
que les notions de compensations et d’accessibilité, si elles sont
fondamentales dans la reconnaissance des places des personnes handicapées dans
la société, ne sont pas suffisantes. Au lieu d’évoquer les besoins des
personnes, besoins plus souvent identifiés par des normes extérieures de
personnes valides, à mettre en algorithme avec des prestations, il semblerait
plus efficient de faire valoir des droits, ceux de tous les êtres humains, à
pouvoir réaliser des habitudes de vie, avec aide si nécessaire, et à faire
valoir des singularités dans une société qui se donne une perspective
résolument inclusive.
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