biographie

Ma photo
Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 10 janvier 2025

Coissance des pathologies et des handicaps ?

Croissance des pathologies et des handicaps ?

Le nombre d’enfants handicapés scolarisés dans les établissements scolaires « ordinaires » a significativement augmenté depuis une vingtaine d’années. Le discours officiel utilise cette augmentation pour affirmer et se satisfaire de l’orientation inclusive de l’école. Il faudrait toutefois confronter les chiffres de cette augmentation, réelle, avec d’autres indicateurs permettant d’analyser la situation globale, sans parti pris communicationnel ou idéologique. En effet, dans le même temps, le nombre d’enfants handicapés accueillis en établissements spécialisés a peu évolué, et les associations réclament des créations de places en nombre ; un certain nombre de dispositifs, comme les classes externalisées des établissements médico-sociaux sont dorénavant comptabilisés dans le nombre de scolarisations inclusives, alors même que les élèves ne peuvent être inscrits de plein droit dans les établissements où ils sont présents ; en vingt ans, les enfants reconnus handicapés par les MDPH ont vu leur nombre augmenter de 136 % (Nos enfants sous microscope, de E. Piquet et A. Elia, Payot, 2021).

A ce titre, les évolutions en cours seraient plutôt le signe d’une plus grande handicapisation des pratiques sociales et du regard porté sur l’humain que d’une plus grand inclusivité de la société ou de l’école. Les 136 % d’enfants supplémentaires reconnus handicapés étaient auparavant, pour la plupart d’entre eux, présents à l’école, rencontrant vraisemblablement des difficultés majeures d’apprentissage, des dénis de reconnaissance, de la stigmatisation et de la souffrance. Leurs problèmes et difficultés étaient cantonnés à l’école, sans solutions adaptées, et ces élèves vivaient une scolarité difficile, des échecs successifs, des orientations subies. Nombre de ceux-là, on les retrouve aujourd’hui, diagnostiqués et étiquetés par des spécialistes des neurosciences, dans l’archipel des « dys », des troubles de l’attention, de l’hyperactivité ou de certains « traits autistiques », tous ceux qui présentent des anomalies neuro-développementales.

Y ont-ils gagné dans leur place d’élèves à l’école et dans les réponses aux difficultés qu’ils rencontrent ? Sur de nombreux plans, certainement oui. Un diagnostic permet souvent de soulager les parents et l’enfant de l’incertitude (et l’angoisse) des causes des difficultés et de donner une explication à l’expérience vécue dans les apprentissages ou les comportements. A l’école, cela permet aussi de mieux comprendre la situation de l’enfant, de savoir comment mieux l’accueillir et répondre à ses problématiques. Et le diagnostic ouvre la voie à un examen par la MDPH, qui peut décider de l’accès à des droits (dont des services) inaccessibles autrement.

Peut-être y a-t-il aussi des revers à la médaille ? La pathologisation (le fait de diagnostiquer une difficulté plus ou moins importante comme une pathologie) et la handicapisation (le fait de catégoriser administrativement des personnes qui ont ce diagnostic) sont aussi des phénomènes de stigmatisation et de discrimination de ceux qui en sont l’objet. Être considéré comme handicapé n’est en effet pas anodin, ni par rapport à son image de soi (estime de soi), ni par rapport aux regards et aux relations avec les autres (attitudes des autres élèves, attentes modifiées des enseignants). Cette situation met l’enfant dans un rôle et une « carrière » desquels il aura peut-être du mal à s’extraire.

Et c’est d’une autre manière une « exclusion » de l’école. Celle-ci en effet, à partir du moment où il y a une pathologie, s’en remet à des experts extérieurs pour les réponses, qui ne peuvent s’exprimer dès lors qu’en termes de traitements et de soins. Par conséquent, en dehors de toute problématique de pédagogie adaptative et différenciée (on voit même l’aberration des conseils pédagogiques donnés par des médicaux ou des para-médicaux). Les moyens (y compris financiers) qu’il faudrait à l’école pour devenir inclusive et accueillir pédagogiquement ces élèves sont consacrés à l’assurance maladie pour les guérir et les scolariser. L’aide devrait se mettre en place sans obligation de pathologiser.

Télécharger l'article

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire