Si l'école était inclusive, faudrait-il des AESH ?
Question provocatrice bien évidemment ! Car aujourd’hui, au regard du fonctionnement de l’école et des systèmes d’enseignement, les élèves en situation de handicap ne trouvent souvent pas de place dans les classes sans la présence d’un·e AESH : comportement problématique, manque d’autonomie, adaptation des contenus d’apprentissage, étayage de la communication, etc. constituent des écueils insurmontables pour nombre d’enseignants. Et dans ce registre, le travail des AESH est admirable, alors qu’iels ne bénéficient d’aucune reconnaissance sociale. Les AESH permettent que des enfants en situation de handicap soient présents dans les classes : sans eux·elles, les élèves concernés ne seraient pas scolarisés, resteraient à domicile (comme c’est encore partiellement le cas, faute d’AESH) ou seraient orientés vers des structures spécialisées. En leur absence, bien souvent l’élève handicapé ne peut être scolarisé, ou alors avec réticences, difficultés et sans adaptations.
Leur
incontournable présence n’est pour autant pas gage d’efficience ou d’efficacité
dans les apprentissages. Différentes recherches pointent en effet qu’un·e AESH,
de par sa position et ses missions auprès d’un élève, peut être autant aide
qu’obstacle pour l’élève lui-même dans ses apprentissages. Si l’AESH est
indéniablement un facilitateur pour l’enseignant, il ne l’est peut-être pas
toujours pour les apprentissages cognitifs et sociaux de l’élève concerné. Et
surtout, il dispense l’enseignant de mettre en place des dispositifs
pédagogiques susceptibles d’être adaptés à cet élève, et à d’autres élèves qui
peuvent également rencontrer des difficultés.
C’est pour cette
raison que les classes sont, avec ou sans élèves en situations de handicap,
plus ou moins inclusives. Je me souviens de cette rencontre avec une famille
sollicitant une place en institut spécialisé : leur fille était en échec
scolaire, en attente d’un diagnostic de « dys », sans dossier déposé
à la MDPH. Ne pouvant l’accueillir (sans notification), nous convenons de
reprendre contact quand le dossier serait avancé. Plusieurs mois plus tard, je
reprends contact : un diagnostic de « dys » a bien été posé, le
dossier traité auprès de la MDPH. Mais pas de demande d’orientation : en
effet « On a déménagé, notre fille est dans une nouvelle école ; la
maitresse a bien accueilli notre fille, elle a encore des difficultés, mais
rien à côté de l’an dernier, et elle fait beaucoup de progrès. On n’a même pas
demandé d’AESH. » Dans cette situation, ce sont les modalités
pédagogiques, relationnelles, … qui sont inclusives. Ce qui induit l’hypothèse
qu’une école inclusive pourrait sensiblement diminuer les besoins d’AESH.
L’on peut en
définitive se projeter dans une utopie, celle qui définit d’ailleurs l’école
inclusive comme un processus sans cesse renouvelé d’adaptation de
l’environnement scolaire à la diversité des élèves. Les obstacles rencontrés
aujourd’hui dans l’absence d’ajustements entre différents élèves et les
enseignants auxquels ils ont affaire pourraient être partiellement et
progressivement levés par des modifications de la « pédagogie ».
Celle-ci est étayée par les différents textes réglementaires de l’éducation
nationale : l’école se doit d’accueillir et de fournir une qualité
d’enseignement pour tous les élèves. Même si ces principes sont battus en
brèche par d’autres décisions politiques, il n’en demeure pas moins qu’ils
restent un principe conditionnant la scolarisation de qualité des élèves en
situation de handicap. Les obstacles ne viennent pas d’eux, ils viennent de
l’absence d’ajustements entre eux et les dispositifs pédagogiques (attitudes,
modalités, supports, espaces…). Ces ajustements portent aussi sur les caractéristiques
des élèves : à ce titre, la compensation par des AESH s’avèrera
vraisemblablement longtemps nécessaire. Mais l’adaptation pédagogie de son côté
facilitera et rendra accessible bien des apprentissages chez ces enfants, ce
qui peut permettre de penser que là où ils sont aujourd’hui incontournables ils
le seraient moins à l’avenir.
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