biographie

Ma photo
Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 13 novembre 2024

les obstacles sociaux à l'inclusion

Les obstacles sociaux à l'inclusion

L’inclusion dans l’emploi et dans le monde de l’entreprise ? Que demande-t-on pour une embauche et pour tenir son poste de travail ? Un rapide tour sur les offre d’emploi et dans les éléments de langage du management contemporain est édifiant. Les compétences requises accumulent des qualités professionnelles et humaines remarquables, et même rédhibitoires pour certaines : agilité, adaptation, flexibilité, mobilité, polyvalence, esprit d’initiative, rapidité, réactivité, productivité, plasticité, qualifications, performance, dynamisme, autonomie, esprit d’équipe, résistance, résistance au stress, etc. Réunir ces qualités et ces compétences relève de l’exploit individuel ! Jamais n’est posée la question de l’emploi de ceux qui ne réunissent pas ces qualités (ou partie de ces qualités), si ce n’est de les disqualifier sur un plan individuel (les « fainéants »), sans remettre en question le fonctionnement social de la production de biens et de services.

Lorsque l’on repositionne les qualités requises dans la perspective d’une entreprise inclusive ou d’une société inclusive du travail, cela pose véritablement un problème. L’exigence de ces qualités exclut. Elle exclut tous ceux qui ne peuvent satisfaire à ces exigences : beaucoup de personnes handicapées bien sûr, mais aussi beaucoup d’autres personnes (la résistance au stress n’est pas une qualité naturelle ou innée !). Mais ces qualités exigées ne constituent en réalité qu’un construit social correspondant aux exigences d’une société de production où l’objectif est de produire des biens et des services, de qualité sans doute, mais au moindre coût.

Le « construit social » est l’ensemble des relations établies dans une société, à un moment donné, entre les personnes et entre celles-ci et les institutions. Il est constitué d’habitudes d’être, de faire, de vivre, de travailler, de se comporter, de communiquer, etc. Dans notre société contemporaine, il est constitué autant d’une égalité formelle que des inégalités de ressources et de droits, autant d’une démocratie formelle que de domination de certaines catégories sur d’autres catégories. Dans le registre formel, l’inclusion est valide : discours, réglementation, principes. Dans le registre réel se trouvent les obstacles. Dans le champ du travail, le construit social est issu de choix politiques et économiques effectuées sans (et contre dans ses effets) les personnes fragiles, vulnérables, handicapées. C’est un construit social non inclusif : il fonctionne en ne tenant pas compte de ceux qui ne disposent pas des qualités demandées, promues, exigées au sein de ce construit social. Il est constitué par et dans une société qui ne s’est préoccupée qu’à la marge des personnes vulnérables, et qui a mis en exergue le fonctionnement humain basé sur l’investissement et le capital plutôt que sur l’épanouissement et le bonheur humain.

Comment voudrait-on, en gardant tel ce construit social et ces valeurs, que les personnes vulnérables et handicapées aient une place satisfaisante dans notre société ? Combien de personnes handicapées non recrutées en raison de cet écart entre les critères et valeurs du construit social et les possibilités des personnes concernées : pas assez rapides, pas assez autonomes, pas assez performantes, etc. Même dans les entreprises du secteur médico-social, qui affichent leur philosophie et leur politique inclusives, on n’embauche pas les personnes handicapées pour ces mêmes raisons.

On ne cesse pourtant d’évoquer et d’invoquer l’inclusion, on ne cesse de prôner une perspective inclusive sans prendre en compte ce construit social interdisant « par définition », par nature, toute idée inclusive. On est donc condamné à mettre en avant symboliquement des DuoDay ou de gadgets similaires pour attester d’une action inclusive. Les situations de handicap que rencontrent les personnes dans l’emploi ne dépendent pas d’elles, mais d’un environnement économique qui met des obstacles à leur participation, en fonctionnant sur des valeurs non inclusives.

Télécharger l'article


jeudi 7 novembre 2024

l'autonomie c'est l'accessibilité

L'autonomie c'est l'accessibilité

Bien souvent, lorsque des professionnels de l’accompagnement parlent d’autonomie (nous allons laisser pour l’instant de côté la notion d’autodétermination, plus complexe et plus écosystémique), ils font référence en premier au développement des capacités de la personne, de ses habiletés, de ses compétences, dont l’issue serait d’atteindre le degré d’autonomie (confondue parfois avec indépendance) le plus proche possible de celui des personnes concernées. Il s’agirait en quelque sorte de définir l’accompagnement comme une aide au développement personnel. Cette conception de l’autonomie, largement partagée, renvoie en réalité à l’ancienne approche du handicap, qui attribuait celui-ci aux carences de la personne (déficiences, troubles incapacités : « pas de bras, pas de chocolat »), analysées en termes de besoins qu’il s’agissait de satisfaire (ou de combler) par des soins, des traitements, des rééducations et des compensations.

jeudi 31 octobre 2024

Le médico-social peut-il sauver l'éducation nationale ?

Le médico-social peut-il sauver l'éducation nationale ?

Depuis une vingtaine d’années, et même davantage, la prise de conscience de la séparation trop radicale entre le secteur médico-social et l’Education nationale a pris la forme d’incitations réglementaires de collaborations, de partenariats, d’actions communes, d’ouverture, de mixité, etc. entre les deux secteurs. De nombreux dispositifs ont été imaginés pour rapprocher les deux « filières » : depuis longtemps les SESSAD, plus récemment, les PIAL, les inclusions inversées, les IME en établissement scolaire, les UEMA, etc. Ces réglementations et ces actions attestent d’une prise de conscience d’une certaine anomalie dans la scolarisation des jeunes élèves en situation de handicap, partagés entre deux filières qui ont été longtemps étanches. Et malgré cela, les choses n’avancent pas de manière satisfaisante.

vendredi 25 octobre 2024

bien faire son travail

Bien faire son travail

Quelle autre valeur serait davantage partagée que celle-ci : « bien faire son travail » ?  Partagée par les professionnels de terrain, par les cadres et dirigeants, par les acteurs décisionnaires et de mise en œuvre des politiques publiques. Partagée certes sur le plan formel et langagier (signifiant) ; moins partagée, voire objet de tensions et de contradictions sur le plan sémantique et de signification (signifié et référent). Car quoiqu’en fasse apparaitre une vision naïve (ou manipulatrice), bien faire son travail n’a pas le même contenu selon la position que l’on tient dans l’organisation de l’accompagnement des personnes.

vendredi 18 octobre 2024

projets et perte de sens

Projets et perte de sens

 On pourrait penser que les qualités de travail peuvent se mesurer à l’aune des capacités des professionnels à penser et mettre en œuvre des projets d’accompagnement des usagers. Formulée de cette manière, cette assertion témoigne d’une réalité tangible. Mais dans le même temps, les choses ne sont pas aussi simples. Les projets sont relativement standardisés dans leur forme (rédaction par type d’objectifs atteignables et mesurables, moyens disponibles identifiés, etc.), ce qui ne laisse pas beaucoup de part à la créativité professionnelle des acteurs (et peut-être pas non plus à une véritable expression des personnes concernées). Et surtout ils sont issus d’un mode de pensée auquel les professionnels n’ont pas contribué. Les référentiels de bonnes pratiques, instituées incidemment en normes (jamais formellement obligatoires, mais socialement et institutionnellement souvent rendues obligatoires) sont issus d’agences lointaines, et aussi justes que puissent être ces pratiques, elles ne peuvent se présenter que comme objet d’adhésion et d’appropriation hétéronome aux professionnels.

vendredi 11 octobre 2024

Autodétermination : stop ou encore ?

Autodétermination : stop ou encore ?

On ne peut pas être « contre » l’autodétermination. De même qu’on ne peut être contre le bonheur ou le développement personnel. Cela interdit-il d’interroger le concept et son utilisation, et d’en faire la critique ? Il y a en effet quelque chose d’étrange, pour ne pas dire de suspect, dans la ruée institutionnelle dont la notion a fait l’objet dans la période récente. Il y a quelques années, on n’en parlait pas encore (longtemps la notion d’autonomie a prévalu) ; aujourd’hui elle est devenue la référence incontournable, le mot d’ordre suprême, la voie hors de laquelle on mérite l’enfer. Certes l’utilisation invasive du terme a le mérite de mettre la question à l’agenda, de faire advenir une réalité qui sera indiscutable. C’est l’objet d’un langage performatif, de faire advenir des réalités, d’orienter les pensées et les actions vers ce qui est affirmé.

mercredi 2 octobre 2024

de la compensation, faute d'accessibilité

De la compensation, faute d'accessibilité

 Compensation et accessibilité sont bien souvent, sinon toujours, considérées comme les deux faces d’une même pièce. A juste titre dans la plupart des cas. Ainsi, en ce qui concerne par exemple les transports en commun,  un fauteuil roulant, qui est de l’ordre de la compensation, ne peut-il avoir de sens que dans des dispositifs d’accessibilité de l’espace public des transports (quais…) et dans les véhicules (planchers surbaissés…). Mais l’image des deux faces d’une pièce peut être trompeuse : il arrive que la compensation dont est pourvue une personne dispense la société de mettre en place l’accessibilité, alors que parallèlement la mise en place de dispositifs d’accessibilité permet de minorer les compensations nécessaires. C’est dire que le rapport entre compensation et accessibilité n’est pas fixe et immuable, mais qu’il est flexible et que des changements dans l’un des domaines peut avoir des effets sur l’autre.

mardi 10 septembre 2024

l'école inclusive comme réalité alternative

L'école inclusive comme réalité alternative

 Le langage désigne, nomme et qualifie le réel. Mais il sert aussi à masquer et oblitérer le réel, en créant une réalité alternative. George Orwell a magnifiquement illustré ce phénomène dans son roman 1984 (publié en 1949), avec ce résumé de communication dans la formule, mot d’ordre et slogan : « La liberté, c’est l’esclavage ! ». De manière similaire, le discours politique public désigne une situation, où l’exclusion de l’école (refus, défaut d’adaptation, stigmatisation, ségrégation) de nombre d’enfants handicapés est monnaie courante, sous les termes inclusion ou école inclusive. Il crée ainsi une réalité alternative d’une école inclusive, à l’exact opposé de ce qui se passe véritablement : l’inclusion, c’est l’exclusion !

mardi 3 septembre 2024

surtout, ne pas former au handicap !

Surtout, ne pas former au handicap !

Il est pour le moins paradoxal, sinon provocateur, d’adresser cette apostrophe dans un moment où, pour favoriser l’école inclusive, tout le monde s’accorde à affirmer la nécessité d’une formation des enseignants et autres professionnels des équipes éducatives. Et pourtant, la question se pose, dès lors qu’on s’interroge sur la nature et les contenus de la formation dont il serait question. Si en effet l’approche culturelle du handicap est celle d’une conception individuelle et biomédicale, et que c’est cette approche qui est transmise dans la formation, celle-ci risque d’avoir des effets contre productifs, et contraires à l’idée même d’inclusion. Affirmer (et transmettre) que le handicap est dû aux caractéristiques individuelles de la personne (maladies, troubles, déficiences, incapacités, limitations…), c’est affirmer la responsabilité de la personne dans les situations qu’elle vit. « Pas de bras, pas de chocolat », disait l’autre.

vendredi 23 août 2024

normes, handicap et validisme

Normes, handicap et validisme

Dans une société conçue par et pour les personnes considérées comme valides, on demande généralement aux personnes handicapées d’organiser leur vie et leur comportement autour de ce dont ils sont « dépossédés », autour de ce qui est considéré comme la norme humaine en vigueur, autour de ce qui les fait considérer comme non valides.

Cela est particulièrement visible dans les situations vécues par les personnes sourdes (les Sourds). Malgré une reconnaissance, récente, de la langue des signes, tout est fait, dans les dispositifs et les discours sociétaux, pour que les enfants qui naissent sourds soient « normés » en enfants entendants ou pseudo-entendants. Le texte sociétal, appuyé par des textes réglementaires (législatifs, recommandations…) affirme le caractère pathologique de la condition sourde et organise dès la naissance des parcours réparateurs pour « restituer cet enfant au monde » : dépistage systématique à J+2 et diagnostic précoce, systématisation de l’implantation cochléaire précoce, incitation à l’utilisation de la langue orale (avec aujourd’hui quelques compromis en faveur de la langue des signes), dispositifs de scolarisation non bilingues (de nombreux dispositifs s’affichant bilingues ne le sont que très imparfaitement ou par défaut), des inclusions, ou plutôt des intégrations conçues sur un mode individuel et normatif, etc. Tout est fait pour que l’enfant sourd se développe comme enfant entendant, gage d’une normalité admise et souhaitée. Tous les obstacles sont mis pour qu’il ne puisse construire une identité sourde.

jeudi 27 juin 2024

Une soumission à un ordre gestionnaire ?

 Une soumission à un ordre gestionnaire ?

Comment se fait-il que personne (ou si peu) ne s’étonne que ce soit dorénavant, et en particulier pour les plus vulnérables, d’abord le coût de fonctionnement et des prestations qui détermine la réponse aux besoins individuels et sociaux ? Entre les excès fantasmés d’un « open-bar » mythique et les organisations contraintes de prestations, évaluées à la jauge de leur efficience (c’est-à-dire le fait de rentrer dans des grilles de coûts), il y a un gouffre ! Il n’empêche : c’est la seconde voie qui se met en place. SERAFIN-PH est justement en train d’installer, progressivement et sans doute avec moins de brutalité que dans des secteurs qui l’ont précédemment éprouvée, comme l’hôpital et l’aide à domicile entre autres, cette efficience revendiquée, avec un cynisme rare. Si l’on parle bien pourtant de besoins (une nomenclature a été créée à cet usage), c’est au nom du principe sacré de « l’adéquation des financements ». On inverse la donne : dorénavant c’est le financement qui détermine la cartographie des besoins ainsi que la cartographie des prestations. C’est l’affirmation de la réduction de la condition humaine aux exigences économiques du moment.

mardi 18 juin 2024

approche biomédicale et surdité

 Approche médicale et surdité

Vous croyiez que l’on s’était éloigné, voir que l’on était sorti, d’une approche médicale et individuelle du handicap ? Vous croyiez que les évolutions internationales (convention des droits, modèles du handicap) avaient fait bifurqué ou changé les approches traditionnelles du handicap ? Vous croyiez pouvoir vous satisfaire des évolutions philosophiques, réglementaires et organisationnelles concernant le cham du handicap ? Détrompez-vous ! L’approche individuelle et biomédicale est toujours à l’œuvre, imputant aux caractéristiques individuelles (déficience, trouble, incapacité, limites) la responsabilité des situations vécues de handicap, et considérant que la pleine humanité est de ne plus avoir (ou de réduire) les inconvénients de ces caractéristiques individuelles pour entrer dans la normalité. Les promoteurs et militants de l’anti-validisme renseignent et illustrent comment, au quotidien, ce sont encore ces approches qui installent des obstacles massifs à l’accès aux différents droits fondamentaux pour les personnes handicapées : les environnements non accessibles mettent des obstacles à la participation sociale et à la qualité de vie.

lundi 10 juin 2024

L'inclusion, obstacle à l'éducation inclusive

L'inclusion, obstacle à l'éducation inclusive

Y a-t-il des différences, et quelles seraient-elles, entre inclusion et éducation ou école inclusive ? Faisant suite à la notion et aux dispositifs d’intégration qui ont eu cours jusqu’aux années 2005, se sont installées les notions d’inclusion (surtout) et d’éducation inclusive, souvent utilisées de manière équivalente. Puis, peu à peu, ces deux dernières notions se sont distinguées l’une de l’autre, pour arriver aujourd’hui à des significations distinctes, et qu’il est important de pouvoir distinguer.

J’ai moi-même utilisé, et je le fais encore parfois, indifféremment les deux termes, inclusion et éducation inclusive, davantage dans le souci de les distinguer de la période, des principes et des modalités de l’intégration scolaire. Les terminologies étaient pratiques pour opposer la contrainte de l’adaptation de l’élève aux normes de l’école (l’intégration), à l’adaptation demandée de l’école à l’élève (inclusion). Mais il est temps aujourd’hui de faire le point, et de voir en quoi ce qui est établi de l’inclusion scolaire se distingue de ce qui est en train de se définir en tant qu’éducation inclusive , afin de comprendre comment, en restant sur la notion et les principes de l’inclusion, on se heurte à des impasses et des immobilismes qui sont de véritables obstacles à l’éducation inclusive.

jeudi 16 mai 2024

Handicap et facteurs environnementaux

 Handicap et facteurs environnementaux

L’idée que le handicap appartient à la personne concernée, qu’il est une caractéristique de la personne, et par conséquent n’aurait pas à voir avec l’environnement, est profondément ancrée dans nos représentations et nos habitudes de pensée. Une professionnelle travaillant dans le secteur médico-social déplorait qu’un jeune homme, désirant passer son permis de conduire, soit bloqué pour l’épreuve de code, en raison justement des difficultés cognitives qu’il présentait : il n’arrivait pas à maitriser les connaissances requises, en tout cas pas à y répondre, parce que les diapos passaient trop vite, la formulation des questions présentait de la complexité, etc. Le tableau était ainsi présenté que c’était ce jeune homme qui avait le handicap et qu’il rencontrait ainsi des limites, un peu à la manière de « pas de bras, pas de chocolat ! ». L’idée d’une modification de l’environnement (aménagement des conditions des leçons de code, et de la passation de l’examen) ne lui était pas venue à l’esprit : s’il ne pouvait pas passer le permis, c’est qu’il était handicapé.

lundi 6 mai 2024

le handicat est-il une malfaçon ?

Le handicap est-il une malfaçon ?

Il y a un proverbe (africain ?), dont une des versions dit ceci : « Tant que les lions n’auront pas leur propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter les louanges des chasseurs. » Au-delà du simple signifié de la formulation, le proverbe fait référence à une idée non seulement de séparation de catégories, les humains et les lions, mais essentiellement à la domination de la première sur la seconde, qui est sans voix, sans histoire. Les sans voix, ce sont aussi les catégories humaines dominées, dont la caractéristique est de laisser, ou plutôt de subir, la voix des dominants. C’est ainsi que furent sans voix les femmes (par rapport aux hommes), les personnes de couleur (par rapport aux blancs), les homosexuels (par rapport aux hétérosexuels), mais aussi bien sûr les personnes handicapées (par rapport aux personnes dites valides). C’est aussi le cas des pauvres, dont la caractéristique « sans voix » a été maintes fois soulignée, dominés économiquement et socialement.

jeudi 25 avril 2024

"même pas le temps de faire mon boulot"

"Même pas le temps de faire mon boulot !"

C’est l’heure d’une petite pause-café pour quelques professionnelles d’une équipe médico-sociale. « Oh ! il m’embête, X, dit l’une d’elle, éducatrice spécialisée. Qu’est-ce qu’il est collant, il n’arrête pas de venir me solliciter, il me demande toujours des trucs, il veut toujours savoir si ce qu’il fait c’est bien, tout ça… Pfff ! Il m’empêche de faire mon boulot. » - « Ton boulot ??? » - « Ben oui, je n’ai plus le temps avec lui de remplir mes tableaux Excel, de compléter le dossier informatisé des usagers, de faire mon reporting, tous les trucs qu’on a à faire là… ». Nul doute que le zèle que met cette éducatrice à faire le travail prescrit par les différents référentiels, recommandations et procédures sera la garantie d’une bonne évaluation interne et externe de qualité de services et prestations, qui trouverait grâce auprès d’une quelconque agence de la performance. Elle a le souci de renseigner les différentes grilles et documents (c’est son boulot), et ceux-ci attesteront de l’efficience des prestations, c’est-à-dire de l’adéquation entre ce qui sera déclaré réalisé et les critères établis de l’offre de services et des prestations, au nom de la bonne gestion et administration de l’activité.

lundi 15 avril 2024

Inclusion versus éducation inclusive

Inclusion versus éducation inclusive

 L’inclusion (ou l’éducation inclusive), si présente dans le discours institutionnel, est-elle une valeur (une éthique) si partagée ? On a vu il n’y a pas longtemps un syndicat d’enseignants s’insurger contre la poursuite de l’inclusion et réclamer que les élèves handicapés puissent être ségrégués dans des institutions spécialisées. Mais on voit aussi des décisions politiques, à rebours des discours tenus par les mêmes acteurs, nuire à la perspective inclusive : maintien d’une organisation scolaire séparatiste et inégalitaire, restriction de moyens, absence de formations, dispositifs d’organisation sélectifs et ségrégatifs (orientation, classes de niveau…), élèves handicapés non scolarisés…

lundi 8 avril 2024

l'inclusion, une impasse ?

 L'inclusion, une impasse ?

Et si l’inclusion, dont on voit bien aujourd’hui, au-delà d’un consensus de façade, qu’elle se heurte à de sérieuses limites et contestations, était pensée selon un modèle qui relèverait d’une véritable aporie ? Malgré les ajustements sémantiques et conceptuels que l’on trouve dans les termes d’éducation inclusive et d’école inclusive, il reste que l’inclusion relève encore de la définition qui lui a été attribuée lorsqu’elle a remplacé la notion d’intégration dans la première décennie de ce siècle. C’est d’ailleurs pour cette raison que la plupart du temps, les différentes terminologies sont indifféremment utilisées. Dans ce registre persistant, l’inclusion scolaire concerne un ensemble de dispositifs déployés auprès des enfants handicapés, auxquels s’adapte l’école, en mettant en place diverses compensations et aménagements spécifiquement destinés à celles et ceux dont les besoins ont été identifiés comme relevant des caractéristiques personnelles déficitaires (déficiences, troubles, incapacités, limites). Les dispositifs d’intégration demandaient à l’enfant handicapé de s’adapter au fonctionnement de l’école, de laquelle il était rejeté s’il ne s’adaptait pas. Les dispositifs d’inclusion s’adaptent spécifiquement, particulièrement, à cet enfant, en raison des problèmes qu’il présente, issus de ses caractéristiques personnelles. Ainsi, une classe présente des élèves « normaux » et un élève « différent » auquel il convient de s’adapter par compensation et aménagement.

mardi 2 avril 2024

comment accueillir un élève handicapé dans sa classe ?

Comment accueillir un élève handicapé dans sa classe ?

Il est convenu d’affirmer que les enseignants doivent se former afin d’accueillir des élèves handicapés dans leur classe. Tout dépend de quelle manière. Il y a en définitive deux manières, ou postures, de formation ou d’auto-formation. La première consiste à prendre connaissance des caractéristiques de tel ou tel élève concerné, et de mettre en place des dispositifs qui lui conviendront. La seconde consiste à s’interroger plus globalement sur les dispositifs d’enseignement mis en place pour les rendre accessibles et adaptés à tous les élèves, dont spécifiquement celui concerné. Les deux postures n’ont pas du tout les mêmes enjeux, ni les mêmes principes éthiques.

mardi 26 mars 2024

des représentions archaïques du handicap

Des représentations archaïques du handicap

C’est agaçant ! On croit que, concernant les situations de vie des personnes en situation de handicap et leur accès aux droits fondamentaux, les choses se sont beaucoup améliorées. On présume que l’on ne penserait plus, comme auparavant, que le handicap serait une attribution, une « propriété » de la personne, et que les conditions environnementales jouent un rôle dans les difficultés de participation des personnes, dans les situations de handicap qu’elles rencontrent. On se dit que les évolutions conceptuelles (Classifications internationales, convention des droits des personnes handicapées), que les évolutions des offres de service et les recommandations de bonnes pratiques, que les prises de parole des personnes concernées dénonçant le validisme, que les discours inclusifs et d’autodétermination, ont modifié substantiellement le regard porté sur les personnes concernées et sur les représentations négatives liées à la notion de handicap.

lundi 18 mars 2024

l'école inclusive entre compensation et accessibilité

L'école inclusive entre compensation et accessibilité

L’un des obstacles majeurs au développement de l’éducation inclusive tient peut-être à la mauvaise répartition entre compensation et accessibilité dans les réponses à la scolarisations des élèves en situation de handicap, ou plus précisément au fait que c’est encore la compensation qui constitue le modèle dominant de réponses. Il ne faut pas s’étonner de ces pratiques : la société dans son ensemble a hérité de l’histoire de l’accompagnement des personnes en situation de handicap une approche compensatoire, qui la rend elle-même peu inclusive, mais réhabilitatrice, réparatrice, normative. A cela s’ajoute la tradition d’une école qui n’a pas eu l’habitude d’accueillir ces catégories de populations. Plusieurs phénomènes, plus ou moins visibles, attestent de la pérennité et du poids de cette approche dans les modalités actuelles de la présence des enfants en situation de handicap à l’école.

lundi 11 mars 2024

les impensés du changement

Les impensés du changement

L’injonction au changement est massive et permanente. Comme si l’état naturel était l’immobilisme, et que le changement ne se produirait que par injonction, pression, voire violence. Le schéma le plus courant justifiant de cette conception du changement est basé sur une échelle des zones, allant de la zone de confort à celle du changement, en passant pas celle de l’incertitude ou de la peur et celle de l’apprentissage. Il y a un a priori méthodologique : la zone de confort ne permettrait ni innovation, ni changement, étant définie comme un état dans lequel une personne se sent à l’aise, sans subir de stress ou d’anxiété. Ce qui permettrait innovation et changement, c’est la sortie de cet état, pour entrer dans une zone de peur (heureusement personne n’a encore parlé de zone de terreur comme source de changement !).

mercredi 6 mars 2024

les besoins : une notion piège

Les besoins : une notion piège

Sous le prétexte, légitime, de tenir compte de la personne concernée, de la mettre au centre de son projet, c’est la notion de besoin qui a émergé et défini les réponses d’accompagnement. Il s’agit dorénavant de répondre aux besoins de la personne en situation de handicap, et lieu et place de lui fournir une « institution », un kit de prestations préprogrammées, organisées institutionnellement, identiques pour tous. Il est admis aujourd’hui que chacun, que chaque individu puisse avoir des réponses individualisées ou personnalisées à des besoins eux-mêmes individualisés. La prise en considération d’une telle perspective a certainement renversé, au moins en partie, le rapport entre les personnes concernées et les « prestataires », dans le sens d’une plus grande autodétermination des personnes : je ne subis plus (ou moins) la décision des professionnels et de leurs institutions, je donne mon avis, je manifeste mes besoins, je prends la parole, je (co-)élabore mon projet d’accompagnement…

lundi 26 février 2024

handicap : tout le monde est formidable

Handicap : tout le monde est formidable !

Les fins d’année sont propices à parler des « handicapés » : du Duoday au Téléthon, de la semaine de l’emploi des personnes handicapées à leur journée internationale. Au cours de l’année, de nombreux évènements sont également l’occasion de parler d’eux. Est-ce l’occasion de les valoriser, ou au contraire et en même temps de leur faire part de notre compassion ou solidarité ? Est-ce l’occasion de reconnaitre leurs droits et l’insuffisance de l’action publique les concernant, ou au contraire et en même temps de déplorer leur malheur, leur différence, leur écart au normal et de rappeler l’importance de leur permettre l’accès à nos normes ?

lundi 19 février 2024

troubles associés à une déficience

Troubles associés à une déficience

Je me suis toujours interrogé, non sur la complexité des « troubles » qui pouvaient apparaitre associés à une déficience principale, mais sur la nature de cette association d’une déficience à des phénomènes connexes qui lui apparaissent attachés. Le premier exemple qui m’a interrogé est celui de la déficience auditive, à laquelle les représentations dominantes à une certaine époque associaient des troubles ou des handicaps associés dans différents domaines. Une publication (D.Colin, Psychologie de l’enfant sourd, Masson, 1978) me semble emblématique d’une théorisation de cette association, que l’on retrouve encore assez souvent dans les orientation contemporaines. Cet ouvrage indique, dès son premier chapitre, des « généralités sur les quatre handicaps de l’enfant sourd : handicap biologique, voire psycho-physiologique, handicap verbal, handicap social et affectif, handicap intellectuel ».