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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 25 mars 2025

lecture : Enquête sur l'évaluation

Enquête sur l'évaluation dans les établissements sociaux et médico-sociaux

de L.FRAISSE, J-L. LAVILLE, M-C. HENRY et A. SALMON, érès, 2025

Voici un petit livre sur les nouvelles modalités d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux, celles établies par un nouveau référentiel établi et publié par la HAS en 2022. Petit livre, mais lourd de questionnements et d’interrogations sur les modalités choisies dans ce référentiel, qui dorénavant s’applique à tous les établissements sociaux et médico-sociaux. Prévenons tout de suite ceux qui a priori vouent les critiques de l’évaluation aux flammes de l’enfer immobiliste ou passéiste. Les auteurs sont favorables au principe de l’évaluation, comme source d’amélioration de l’action, des pratiques, des connaissances, des compétences. Non, ce qu’ils interrogent, ce sont les modalités de réalisation des évaluations dans le cadre de ce reférentiel.

Le livre est divisé en cinq chapitres, chacun rédigé par un ou deux auteurs, abordant la question selon différentes entrés.

Le premier chapitre (Jean-Louis LAVILLE, sociologue) est intitulé : Une dérive techniciste. Cette partie a été rédigée à partir des enquêtes effectuées par des étudiants de master d’examen de nombreuses évaluations effectuées tout récemment (évaluations internes et évaluations externes). Les titres des différentes parties de ce chapitre donnent une idée précise de ce qui en a été retiré, avec des constats véritablement étayés.

·        Concernant les cabinets évaluateurs : une vernis de scientificité recouvrant des méthodes floues, des réponses convenues et une méconnaissance des réalités.

·        L’alignement sur l’entreprise : « Les méthodes sont importées de l’entreprise qui implicitement devient un modèle normatif pour toute évaluation » (p.22), qui fait disparaitre le caractère relationnel de l’action.

·        La focalisation sur un contrôle formel dans lequel la conformité écrite avec les procédures établies et exigées devient le critère principal, dont les conclusion bien souvent consistent à « rédiger, tenir à jour, compléter »

·        « de la fétichisation des procédures à l’absence de contextualisation et à la dévalorisation de l’informel et du collectif » (p.32), qui empêche la recherche de solutions, en équipe par exemple, à des problèmes rencontrés dans le travail réel, absents du travail prescrit, et qui remet de l’uniformité là où la singularité est prônée.

·        « Des savoirs professionnels négligés » (p.38), et « des savoirs expérientiels oubliés » (p.43) : les pratiques des professionnels, celles qui leur permettent de surmonter les problèmes quotidiens qu’ils rencontrent, et d’exercer leur créativité dans la recherche de réponses, seuls ou avec d’autres professionnels, ne rentrent pas dans le référentiel.

Et conclut l’auteur : « Toutes ces tendances lourds convergent vers un formatage d’une évaluation au départ conçue pour améliorer les services rendus. » (p.49)

Le second chapitre (Laurent FRAISSE, sociologue) analyse le vécu des usagers et des professionnels face au référentiel de la HAS. Deux services d’une association ont été interrogés à la suite de leurs évaluations. Les constats vont dans le même sens que ce qui a été observé dans le premier chapitre. Les titre des différents paragraphes sont explicites : de l’évaluation à l’inspection ; une normalisation de la posture, du format et de méthodes de l’évaluation ; une conception de la qualité fondée sur la traçabilité et la cotation ; des résultats difficilement appropriables, un référentiel qui rend insuffisamment compte du vécu des résidents et du travail des professionnels. « Le dispositif, visant principalement à la vérification de la conformité des pratiques professionnelles à des protocoles écrits, suscite de la défiance, car il s’intéresse insuffisamment au travail réel des équipes. Il renvoie à une conception de la qualité « comprise comme une somme de normes et de procédures écrites à assimiler et à respecter dans le cadre d’une organisation prescrite de la relation à la personne aidée » (L.Barbe) » (p.85)

Le troisième chapitre (Marie-Catherine HENRY), consacré à l’observation de la passation des évaluations selon le référentiel de la HAS sur le terrain, au sein des associations, conforte les analyses de deux auteurs précédents, et met en évidence l’ignorance du travail réel effectué par les professionnels. « Tous les compromis, arrangements, adaptations, toutes les réponses « sur mesure » qui font le quotidien des relations entre les travailleurs sociaux et les personnes concernées, toute cette capacité d’ajustement dans l’échange, dans la conflictualité parfois, passent à travers les mailles d’une grille de lecture qui envisage un usager type et non des profils variés. » (p.113)

Dans le quatrième chapitre, Anne SALMON, philosophe, réfléchit sur la contextualisation et les enjeux de la nouvelle évaluation dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Elle met en garde en particulier sur les risques qu’une telle évaluation fait courir dans les métiers du soin ou du care, en ce qu’elle est susceptible de préparer à des comparaisons, porte ouverte à la concurrence et à la mise sur un marché lucratif, comme le sont déjà certains secteurs (personnes âgées et petite enfance), dont les effets désastreux ont été mis en évidence par diverses enquêtes journalistiques. Elle critique également les impasses dans  lesquelles mènent les modalités choisies pour l’évaluation, avec par exemple le système de notation : « En ne livrant qu’un aspect appauvri du travail réel des professionnels, en quoi [les notes obtenues dans l’évaluation] peuvent-elles les aider à réfléchir collectivement en vue de repenser leurs modes d’intervention . En quoi cela favorise-t-il la recherche de solutions pour améliorer réellement la vie des usagers dans ces établissements ? » (p.141)

Dans une cinquième partie, Marie-Christine HENRY et Anouk COQBLIN font voir de nombreuses expérimentations, innovations, réponses qui sortent d’un cadre prédéfini des fonctionnements sociaux et médico-sociaux. Certaines font preuve d’une grande créativité en réponse à des situations dramatiques et sans solutions, fréquemment vécues par des personnes vulnérables (addictions, vie à la rue…). Les professionnels et les associations inventent des solutions. Qui sont absentes, et délibérément effacées des référentiels, voire contre-indiquées. Elles ne correspondent pas aux rubriques prédéfinies, elle ne font pas l’objet d’une preuve écrite d’efficience, elles démarrent parfois sans moyens attestables dans les critères de l’évaluation.

Je serais tenté de conclure par la dernière proposition formulée dans leur conclusion sur leurs scénarios prospectifs « Le dernier scénario vise à remettre en cause le référentiel HAS, jugé inadéquat à la plupart des établissements. Trop sanitaire, trop normatif, trop descendant, pas suffisamment participatif, compréhensif et explicatif, accréditant des cabinets ayant peu de connaissance du secteur, considérant trop peu les conditions de travail des professionnels et le vécu des usagers, ne faisant que peu de cas de l’histoire et du statut des organismes, l’aménagement du cadre évaluatif n’est pas à la hauteur d’une nécessaire opposition à la dérive managériale du secteur. » (p.207)

Extraits de la présentation de l’éditeur

Le référentiel de la Haute Autorité de santé (HAS) a constitué un véritable choc pour les travailleurs et intervenants sociaux déboussolés par cette nouvelle façon de mesurer à partir d’une profusion de critères. Son irruption est venue infléchir la démarche de l’obligation d’évaluation, introduite au début du XXIe soècle.

L’enjeu de cet ouvrage se distingue des nombreux guides et manuels publiés : il part d’enquêtes faites auprès des professionnels et des usagers en sollicitant leur participation active. Comment vivent-ils l’évaluation ? Comment sont-ils associés ? Quels effets discernent-ils ? Suspendons un moment les jugements des experts pour écouter les personnes concernées, celles et ceux qui sont tous les jours sur le terrain.

Cet ouvrage constitue un document permettant d’alimenter la réflexion des professionnels du travail social, d’apporter des arguments et de porter une parole publique. Il revient sur les différentes étapes de l’évaluation en action et sur les effets générés dans les établissements. Le hiatus entre les normes imposées et la réalité des associations et autres structures dans ce champ d’être questionné.

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mardi 18 mars 2025

compensation, accessibilité et droits

Compensation, accessibilité et droits

Lorsque l’approche biomédicale individuelle (ou bio-psycho-médicale) était dominante, voire hégémonique, la reconnaissance d’une place aux personnes en situation de handicap était soumise à leur « réparation ». Les personnes handicapées pouvaient prétendre appartenir, à égalité ( ?) avec les autres, à l’humanité, sous conditions de surmonter, dépasser, neutraliser, nier, ce qui leur appartenait comme caractéristiques personnelles. Un Sourd de naissance n’accédait à la pleine humanité que s’il parvenait (à force d’équipements prothétiques et d’exercices) à entendre et surtout à parler (oralement). Une personne aveugle et peintre était admirable. Une déficience motrice pouvait être surmontée partiellement avec beaucoup d’efforts, jusqu’à la consécration des Jeux Paralympiques. Dans ce modèle de l’humain, le handicap appartenait à la personne, et c’était à celle-ci de se conformer au modèle et la norme valides, à tout le moins de s’y conformer au plus près, avec l’aide des compensations fournies : compensation matérielle et technique (fauteuils, prothèses par exemple), compensation développementale (éducation et rééducation, réadaptation) et compensation financière. Mais l’illusion technico-scientifique de la réduction de ces écarts par rapport à la norme participait des limites d’une telle approche quant à la place des personnes concernées dans la société.

mardi 11 mars 2025

professionnels : renverser le stigmate

Professionnels : renverser le stigmate

Dans les évolutions du travail social, et des secteurs médico-social et social, il y une volonté institutionnelle de dépasser le passé, de passer outre la culture qui s’était mise en place dans les accompagnements,  de minorer ou neutraliser les compétences des professionnels (le cœur du métier) du travail social. Il ne s’agit pas d’une volonté individuelle malfaisante, mais tout simplement de coller aux évolutions sociales et sociétales qui consistent à considérer que la réalité humaine est celle d’un marché, et qu’en conséquence ce qui compte, c’est l’efficacité, l’efficience (et pour le privé, le profit), dans le cadre d’une économie de ressources. Il s’agit d’évolutions politiques, économiques, idéologiques, qui sont devenues dominantes en ce début du XIXème siècle, et qui s’opposent à ce qui a fondé la culture des travailleurs sociaux depuis un demi-siècle. Dans cette configuration, les éducateurs, les assistant·es de service social et autres travailleurs sociaux, qui étaient titulaires de compétences professionnelles certifiées, se retrouvent « disqualifiés » face à des postures professionnelles attendues selon cette nouvelle idéologie. Leurs formations ne correspond plus à ce qu’attendent les politiques publiques et doivent être ajustées ; leur références et leurs pratiques non plus. Lorsque les évolutions des offres de service ne sont pas assez rapides aux yeux des décideurs, ils sont accusés de faire de la résistance, d’être nostalgiques du passé. Et l’on s’étonne que le secteur ait perdu le sens de son travail.

mardi 4 mars 2025

dispositifs intégratifs ou inclusifs ?

Dispositifs intégratifs ou inclusifs ?

Les impasses et les obstacles à la scolarisation inclusive des élèves handicapés seraient-ils à la hauteur de la diversification, de l’hétérogénéité et la multiplicité des « dispositifs » censés favoriser l’inclusion scolaire. En l’occurrence, ces dispositifs ont envahi le champ des offres de service et sont plus que jamais à l’ordre du jour. Certains de ces dispositifs sont relativement anciens : les ULIS, dispositifs de l’Education nationale, ont succédé aux CLIS (classes d’intégration scolaire) il y a déjà une quinzaine d’années. Mais il y a aussi de plus en plus de dispositifs de « sortie » ou « d’évitement » des institutions médico-sociales, mis le plus souvent en place dans le cadre d’un partenariat entre l’Education nationale et les organisations médico-sociales : UEE (unité d’enseignement externalisée), UEMA (unité d’enseignement maternelle autisme), UEEA (unité d’enseignement élémentaire autisme), DITEP (dispositif intégré des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques), IME hors les murs, IME dans les écoles, inclusion inversée…

lundi 24 février 2025

si l'école était inclusive, faudrait-il des AESH ?

Si l'école était inclusive, faudrait-il des AESH ?

Question provocatrice bien évidemment  ! Car aujourd’hui, au regard du fonctionnement de l’école et des systèmes d’enseignement, les élèves en situation de handicap ne trouvent souvent pas de place dans les classes sans la présence d’un·e AESH : comportement problématique, manque d’autonomie, adaptation des contenus d’apprentissage, étayage de la communication, etc. constituent des écueils insurmontables pour nombre d’enseignants. Et dans ce registre, le travail des AESH est admirable, alors qu’iels ne bénéficient d’aucune reconnaissance sociale. Les AESH permettent que des enfants en situation de handicap soient présents dans les classes : sans eux·elles, les élèves concernés ne seraient pas scolarisés, resteraient à domicile (comme c’est encore partiellement le cas, faute d’AESH) ou seraient orientés vers des structures spécialisées. En leur absence, bien souvent l’élève handicapé ne peut être scolarisé, ou alors avec réticences, difficultés et sans adaptations.

lundi 17 février 2025

des complications de l'activité

Des complications de l'activité

Les différentes procédures qui ont cours dans le secteur médico-social (et ailleurs), et qui se sont copieusement répandues, s’avèrent de plus en plus « lourdes », compliquées plutôt que complexes, rébarbatives et pénibles : les évaluations des services, les procédures de qualité, les dossiers des usagers, les projets de toute nature, les réponses aux appels d’offre, le reporting d’activités, la formation, les algorithmes des besoins et des prestations, … et tant d’autres activités. Alors que le discours public martèle sa volonté de « simplification », on peut se demander pour  quelles véritables raisons toute l’activité sociale et professionnelle présente une telle complexité, ou plutôt de telles complications. On pourrait lire ces multiples processus et procédures, de plus en plus prégnants dans un environnement discursif d’autonomie et de responsabilité, comme des symptômes d’évolutions qu’il faudrait se garder d’ignorer.

mardi 4 février 2025

" Mais lui quand même, il ne peut pas être inclus !"

"Mais lui quand même, il ne peut pas être inclus !"

La question de la possibilité d’inclusion d’élèves handicapés dans les établissements scolaires se heurte toujours aux limites posées par des professionnels, que ce soient ceux de l’éducation nationale ou ceux de l’éducation dite spécialisée. Nombre de professionnels vont ainsi répondre : «  oui, mais avec le jeune que j’accompagne ce n’est pas possible », ou « oui, ça va avec beaucoup d’élèves handicapés, mais avec celui-là non ce n’est pas possible ». Autrement dit, pour une partie de la population concernée, celle vraisemblablement la plus proche de la population accueillie à l’école, cela est possible ; pour les autres non. C’est proprement la caractéristique des dispositifs d’intégration qui se sont mis en place avant que l’on ne s’inspire des principes de l’inclusion, ou plutôt de l’école inclusive. Diverses limites sont évoquées, dans l’école et chez les accompagnants : les écarts de niveaux, les troubles de comportement, la souffrance vécue… Toutes choses « vraies » et observables.

lundi 27 janvier 2025

le handicap ne relève pas du soin

Le handicap ne relève pas du soin

Dire que le handicap ne relève pas du soin ou de la santé (en tout cas pas davantage que le genre ou d’avoir la peau noire ou blanche) semblerait une évidence. Et pourtant, dans les établissements et services médico-sociaux, comme dans société d’ailleurs, l’évidence en question n’en est pas une. Ce qui constitue le handicap, de bien des manières, est une altération corporelle (physique ou psychique), qui renvoie par conséquent à la « réparation » de l’altération en question. La différence de fonctionnement est pathologisée, et appelle à un diagnostic et des traitements (soins). C’est pour cette raison que dans les représentations les plus fréquentes, le handicap relève d’abord et avant tout du soin, condamnant les personnes vivant ou rencontrant des situations de handicap à être des malades, marginalisés par rapport aux bien-portants et valides. La réduction de la personne à ce dont elle doit être soignée la met dans une situation de dépendance, de pathologisation, d’essentialisme, et l’enferme a priori dans une catégorie de handicap et d’incapacité.

dimanche 19 janvier 2025

inclusion et autorégulation

 Inclusion et autorégulation

Les dispositifs d’inclusion ont fait la preuve de leur difficultés, voire de leur échec, à véritablement inclure des élèves handicapés, et surtout à transformer l’institution scolaire en école inclusive. Les AESH, malgré leur bonne volonté et leur savoir d’expérience, leur indispensable présence pour permettre la présence d’enfants dans l’école et dans la classe, malgré aussi des conditions déplorables de travail, sont à la peine pour favoriser les apprentissages des élèves et les rendre autonomes dans leur « métier » d’élève. Le puits sans fond des demandes des affectations des AESH auprès des élèves handicapés se heurte aux refus politico-administratifs, mais aussi au manque de preuves de l’efficacité de l’action pour faciliter les apprentissages. Certes, ces élèves peuvent ainsi être présents dans la classe, mais sans y être vraiment intégrés en raison de la présence proche et permanente de l’AESH ; certes ils peuvent se socialiser quelque peu, mais ils ne sont pas dans de bonnes conditions d’apprentissage. Les AESH évitent en fin de compte au système d’enseignement de s’adapter aux élèves concernés. C’est ce que met en évidence un article de M TOULLEC : l’AESH, aide ou écran à l’inclusion scolaire (revue en ligne Ressources n°22, juin 2020 https://inspe.univ-nantes.fr/revue-ressources)

vendredi 10 janvier 2025

Coissance des pathologies et des handicaps ?

Croissance des pathologies et des handicaps ?

Le nombre d’enfants handicapés scolarisés dans les établissements scolaires « ordinaires » a significativement augmenté depuis une vingtaine d’années. Le discours officiel utilise cette augmentation pour affirmer et se satisfaire de l’orientation inclusive de l’école. Il faudrait toutefois confronter les chiffres de cette augmentation, réelle, avec d’autres indicateurs permettant d’analyser la situation globale, sans parti pris communicationnel ou idéologique. En effet, dans le même temps, le nombre d’enfants handicapés accueillis en établissements spécialisés a peu évolué, et les associations réclament des créations de places en nombre ; un certain nombre de dispositifs, comme les classes externalisées des établissements médico-sociaux sont dorénavant comptabilisés dans le nombre de scolarisations inclusives, alors même que les élèves ne peuvent être inscrits de plein droit dans les établissements où ils sont présents ; en vingt ans, les enfants reconnus handicapés par les MDPH ont vu leur nombre augmenter de 136 % (Nos enfants sous microscope, de E. Piquet et A. Elia, Payot, 2021).

samedi 4 janvier 2025

MDH-PPH et PASS-PAR

MDH-PPH et PASS-PAR

MDH-PPH : Modèle de Développement Humain – Processus de Production du Handicap. PASS-PAR : Processus d’actualisation Sociale de Soi – Par l’Adapation-Réadapation.

Dans les périodes de grands changements, à côté de ceux qui initient, formalisent, théorisent de nouveaux modèles de pensée, il y a toujours d’autres penseurs qui tentent de maintenir les anciens modèles, en les renouvelant toutefois sur certains aspects. Quand Galilée établit la théorie de la rotation de la terre, d’autres scientifiques, comme l’éminent astronome Tycho Brahe, ne cessèrent de produire des calculs forts compliqués pour justifier de l’ancienne théorie. Le PASS-PAR est en quelque sorte le Tycho Brahe du MDH-PPH.

lundi 16 décembre 2024

des besoins et des "nécessiteux"

Des besoins et des "nécessiteux"

 Dès lors que l’on évoque les situations de vie et l’accompagnement des personnes handicapées, quelles que soient les situations de handicap ou de participation sociale des personnes concernées, c’est la notion de besoin qui surgit et apparait comme prééminente. Quoi de plus banal ? Dans une société donnée, faite par et pour des personnes non handicapées, ce qui fait difficulté est l’écart entre les caractéristiques personnelles de la personne et les caractéristiques sociétales (sociales et physiques). Les écarts en question se traduisent en termes de besoins, afin de rejoindre les caractéristiques des personnes dites normales. Mais dans cette approche, on réduit en définitive les personnes en situations de handicap à leurs besoins, on les résume à leurs besoins d’accompagnement. Ils deviennent des (nos) nécessiteux, à qui il manque des choses et à qui il faut fournir des services.

mardi 10 décembre 2024

pathologies et situations de handicap

 Pathologies et situations de handicap

Le discours pathologique est envahissant. Dès lors qu’apparait un « dysfonctionnement », fût-il social, un obstacle à la réalisation d’une activité ou d’une habitude de vie, il y a un réponse qui jaillit spontanément : ce serait une pathologie. Une fois ceci posé, une fois un diagnostic médical (car la caractérisation d’une pathologie est une attribution médicale) établi, ce sont cette vision et cette représentation qui deviennent prééminentes. La personne concernée devient un sujet pathologique (un déficient, un trouble, un malade), et la pathologie, envahissante, va avoir tendance à vouloir expliquer bien des comportements et des activités, bien des habitudes de vie. La pathologie diagnostiquée va tout expliquer ou presque. La pathologie devient une vérité médicale qui exclut l’avis du « patient », non seulement sur son fonctionnement corporel (physique ou psychique) mais également sur sa participation sociale et sur ses ressentis de situation de handicap. La pathologie explique tout, nimbée du pouvoir médical du diagnostic.

mardi 3 décembre 2024

Besoins : éviter les pièges

Besoins : éviter les pièges

La notion de besoin, centrale aujourd’hui, articulée à celle de prestations, a pour finalité de pouvoir répondre, presque de manière algorithmique, par une correspondance quasi univoque, aux situations vécues par les personnes handicapées et de favoriser leur participation sociale. A tel besoin, correspond telle prestation, quel que soit l’être humain concerné, et telle prestation existante répond à tel besoin. Si un tel algorithme facilite la gestion, le contrôle et l’efficience de l’impact d’une action d’accompagnement, il fait l’impasse sur ce qui fait la complexité et la globalité de la relation humaine telle qu’elle existe dans le domaine du care ou de l’accompagnement (et aussi de manière générale dans toute relation humaine). En réalité une telle mise en correspondance, un tel algorithme, considère l’être humain, dans sa vie sociale, comme un client d’un marché de prestations : le client a des besoins que le marché des prestations va satisfaire.

mardi 26 novembre 2024

La différence n'est pas un handicap

La différence n'est pas un handicap

Nous sommes tous différents, et semblables en tant qu’humains. Nous avons tous et chacun des particularités qui nous sont propres : des habitudes de vie différentes, des corps différents, des aptitudes différentes, des environnements différents. La diversité humaine est une réalité intangible. Certaines de ces différences sont catégorisées pour réunir un certain nombre de personnes autour d’une ou plusieurs caractéristiques partagées, qui vont ainsi constituer le point commun, mis en avant en tant que Différence. La frontière pourra par conséquent être établie entre les différents et les non différents : c’est le cas pour les personnes qui présentent des maladies, des déficiences, des incapacités, des troubles. Elles sont catégorisées « personnes handicapées ». Dans ce processus d’appropriation de la différence (JE suis différent dans la diversité / IELS sont différents dans le handicap), la diversité disparait au profit de l’attribution du qualificatif à un groupe de personnes qui partagent les mêmes caractéristiques : « dans ma classe, j’ai au moins trois enfants différents ! » Pourquoi et en quoi ceux-ci seraient-ils différents des dix-huit autres, qui eux seraient par conséquent non différents, « normaux », les différents devenant « a-normaux ».

jeudi 21 novembre 2024

de vieilles idées recyclées dans de nouveaux mots

De vieilles idées recyclées dans de nouveaux mots

C’est un phénomène qui semble fréquent, sinon universel. Dans le monde du discours, apparaissent de nouveaux mots, de nouvelles expressions, qui se généralisent souvent très rapidement, mais qui bien souvent désignent de réalités ou des paradigmes qui n’ont pas changé, et qui auparavant étaient désignés par un autre mot ou une autre expression. Le secteur médico-social, comme tous les secteurs d’activités, n’échappe pas à cette règle, il en serait même plutôt friand. On a ainsi vu émerger les expressions : situation de handicap, inclusion ou société inclusive, autodétermination, etc. Il est intéressant d’observer de quelle manière ce nouveau vocabulaire est utilisé (dévoyé) en tant que discours d’actualisation, modernisateur et innovant, évolutif, nouvellement universel alors que les réalités et les paradigmes auxquels il fait référence n’ont, eux, que peu évolué.

mercredi 13 novembre 2024

les obstacles sociaux à l'inclusion

Les obstacles sociaux à l'inclusion

L’inclusion dans l’emploi et dans le monde de l’entreprise ? Que demande-t-on pour une embauche et pour tenir son poste de travail ? Un rapide tour sur les offre d’emploi et dans les éléments de langage du management contemporain est édifiant. Les compétences requises accumulent des qualités professionnelles et humaines remarquables, et même rédhibitoires pour certaines : agilité, adaptation, flexibilité, mobilité, polyvalence, esprit d’initiative, rapidité, réactivité, productivité, plasticité, qualifications, performance, dynamisme, autonomie, esprit d’équipe, résistance, résistance au stress, etc. Réunir ces qualités et ces compétences relève de l’exploit individuel ! Jamais n’est posée la question de l’emploi de ceux qui ne réunissent pas ces qualités (ou partie de ces qualités), si ce n’est de les disqualifier sur un plan individuel (les « fainéants »), sans remettre en question le fonctionnement social de la production de biens et de services.

jeudi 7 novembre 2024

l'autonomie c'est l'accessibilité

L'autonomie c'est l'accessibilité

Bien souvent, lorsque des professionnels de l’accompagnement parlent d’autonomie (nous allons laisser pour l’instant de côté la notion d’autodétermination, plus complexe et plus écosystémique), ils font référence en premier au développement des capacités de la personne, de ses habiletés, de ses compétences, dont l’issue serait d’atteindre le degré d’autonomie (confondue parfois avec indépendance) le plus proche possible de celui des personnes concernées. Il s’agirait en quelque sorte de définir l’accompagnement comme une aide au développement personnel. Cette conception de l’autonomie, largement partagée, renvoie en réalité à l’ancienne approche du handicap, qui attribuait celui-ci aux carences de la personne (déficiences, troubles incapacités : « pas de bras, pas de chocolat »), analysées en termes de besoins qu’il s’agissait de satisfaire (ou de combler) par des soins, des traitements, des rééducations et des compensations.

jeudi 31 octobre 2024

Le médico-social peut-il sauver l'éducation nationale ?

Le médico-social peut-il sauver l'éducation nationale ?

Depuis une vingtaine d’années, et même davantage, la prise de conscience de la séparation trop radicale entre le secteur médico-social et l’Education nationale a pris la forme d’incitations réglementaires de collaborations, de partenariats, d’actions communes, d’ouverture, de mixité, etc. entre les deux secteurs. De nombreux dispositifs ont été imaginés pour rapprocher les deux « filières » : depuis longtemps les SESSAD, plus récemment, les PIAL, les inclusions inversées, les IME en établissement scolaire, les UEMA, etc. Ces réglementations et ces actions attestent d’une prise de conscience d’une certaine anomalie dans la scolarisation des jeunes élèves en situation de handicap, partagés entre deux filières qui ont été longtemps étanches. Et malgré cela, les choses n’avancent pas de manière satisfaisante.

vendredi 25 octobre 2024

bien faire son travail

Bien faire son travail

Quelle autre valeur serait davantage partagée que celle-ci : « bien faire son travail » ?  Partagée par les professionnels de terrain, par les cadres et dirigeants, par les acteurs décisionnaires et de mise en œuvre des politiques publiques. Partagée certes sur le plan formel et langagier (signifiant) ; moins partagée, voire objet de tensions et de contradictions sur le plan sémantique et de signification (signifié et référent). Car quoiqu’en fasse apparaitre une vision naïve (ou manipulatrice), bien faire son travail n’a pas le même contenu selon la position que l’on tient dans l’organisation de l’accompagnement des personnes.

vendredi 18 octobre 2024

projets et perte de sens

Projets et perte de sens

 On pourrait penser que les qualités de travail peuvent se mesurer à l’aune des capacités des professionnels à penser et mettre en œuvre des projets d’accompagnement des usagers. Formulée de cette manière, cette assertion témoigne d’une réalité tangible. Mais dans le même temps, les choses ne sont pas aussi simples. Les projets sont relativement standardisés dans leur forme (rédaction par type d’objectifs atteignables et mesurables, moyens disponibles identifiés, etc.), ce qui ne laisse pas beaucoup de part à la créativité professionnelle des acteurs (et peut-être pas non plus à une véritable expression des personnes concernées). Et surtout ils sont issus d’un mode de pensée auquel les professionnels n’ont pas contribué. Les référentiels de bonnes pratiques, instituées incidemment en normes (jamais formellement obligatoires, mais socialement et institutionnellement souvent rendues obligatoires) sont issus d’agences lointaines, et aussi justes que puissent être ces pratiques, elles ne peuvent se présenter que comme objet d’adhésion et d’appropriation hétéronome aux professionnels.

vendredi 11 octobre 2024

Autodétermination : stop ou encore ?

Autodétermination : stop ou encore ?

On ne peut pas être « contre » l’autodétermination. De même qu’on ne peut être contre le bonheur ou le développement personnel. Cela interdit-il d’interroger le concept et son utilisation, et d’en faire la critique ? Il y a en effet quelque chose d’étrange, pour ne pas dire de suspect, dans la ruée institutionnelle dont la notion a fait l’objet dans la période récente. Il y a quelques années, on n’en parlait pas encore (longtemps la notion d’autonomie a prévalu) ; aujourd’hui elle est devenue la référence incontournable, le mot d’ordre suprême, la voie hors de laquelle on mérite l’enfer. Certes l’utilisation invasive du terme a le mérite de mettre la question à l’agenda, de faire advenir une réalité qui sera indiscutable. C’est l’objet d’un langage performatif, de faire advenir des réalités, d’orienter les pensées et les actions vers ce qui est affirmé.

mercredi 2 octobre 2024

de la compensation, faute d'accessibilité

De la compensation, faute d'accessibilité

 Compensation et accessibilité sont bien souvent, sinon toujours, considérées comme les deux faces d’une même pièce. A juste titre dans la plupart des cas. Ainsi, en ce qui concerne par exemple les transports en commun,  un fauteuil roulant, qui est de l’ordre de la compensation, ne peut-il avoir de sens que dans des dispositifs d’accessibilité de l’espace public des transports (quais…) et dans les véhicules (planchers surbaissés…). Mais l’image des deux faces d’une pièce peut être trompeuse : il arrive que la compensation dont est pourvue une personne dispense la société de mettre en place l’accessibilité, alors que parallèlement la mise en place de dispositifs d’accessibilité permet de minorer les compensations nécessaires. C’est dire que le rapport entre compensation et accessibilité n’est pas fixe et immuable, mais qu’il est flexible et que des changements dans l’un des domaines peut avoir des effets sur l’autre.

mardi 10 septembre 2024

l'école inclusive comme réalité alternative

L'école inclusive comme réalité alternative

 Le langage désigne, nomme et qualifie le réel. Mais il sert aussi à masquer et oblitérer le réel, en créant une réalité alternative. George Orwell a magnifiquement illustré ce phénomène dans son roman 1984 (publié en 1949), avec ce résumé de communication dans la formule, mot d’ordre et slogan : « La liberté, c’est l’esclavage ! ». De manière similaire, le discours politique public désigne une situation, où l’exclusion de l’école (refus, défaut d’adaptation, stigmatisation, ségrégation) de nombre d’enfants handicapés est monnaie courante, sous les termes inclusion ou école inclusive. Il crée ainsi une réalité alternative d’une école inclusive, à l’exact opposé de ce qui se passe véritablement : l’inclusion, c’est l’exclusion !

mardi 3 septembre 2024

surtout, ne pas former au handicap !

Surtout, ne pas former au handicap !

Il est pour le moins paradoxal, sinon provocateur, d’adresser cette apostrophe dans un moment où, pour favoriser l’école inclusive, tout le monde s’accorde à affirmer la nécessité d’une formation des enseignants et autres professionnels des équipes éducatives. Et pourtant, la question se pose, dès lors qu’on s’interroge sur la nature et les contenus de la formation dont il serait question. Si en effet l’approche culturelle du handicap est celle d’une conception individuelle et biomédicale, et que c’est cette approche qui est transmise dans la formation, celle-ci risque d’avoir des effets contre productifs, et contraires à l’idée même d’inclusion. Affirmer (et transmettre) que le handicap est dû aux caractéristiques individuelles de la personne (maladies, troubles, déficiences, incapacités, limitations…), c’est affirmer la responsabilité de la personne dans les situations qu’elle vit. « Pas de bras, pas de chocolat », disait l’autre.