Personne en situation de handicap : est-ce la bonne formulation ?
Avec la
formulation « personnes en situation(s) de handicap, on pensait avoir
trouvé la formule adéquate pour qualifier des situations dans lesquelles l’interaction
entre des caractéristiques environnementales et des caractéristiques
personnelles produisait des situations dans lesquelles une personne n’était pas
en mesure de réaliser une habitude de vie. C’est la définition et les caractéristiques
qu’en donne le MDH-PPH dans la classification éponyme. Même si cette
formulation n’est pas utilisée dans la convention des droits des personnes
handicapées (CDPH), les situations correspondent bien à ce qu’en dit le MDH-PPH.
Si tout le monde peut s’accorder à observer des situations de handicap (ou
inversement des situations de participation sociale) dans la vie d’un certain
nombre de personnes, il en est tout autrement de désigner des personnes en
situation de handicap. Comme si l’existence d’une situation de handicap dans
une situation de vie définissait la personne qui s’y confronte, en devenant une
personne en situation de handicap.
Il importe
pourtant de distinguer les notions et les concepts afin d’éviter toute ambiguïté.
Dans le MDH-PPH, le situation de handicap « correspond à la réduction
de la réalisation d’une ou plusieurs habitudes de vie, résultant de
l’interaction entre les facteurs personnels et les facteurs environnementaux »,
l’habitude de vie étant « une activité courante ou un rôle social,
valorisé par la personne ou son contexte socioculturel selon ses facteurs
identitaires. » La notion de situation ne qualifie pas du tout une
personne, mais ce qui lui arrive dans telle ou telle situation de vie. Dans cette
configuration, une personne n’EST pas en situation de handicap, elle peut se
confronter ici à une situation de handicap, là à une situation de participation
sociale. Théo, 10 ans, veut faire du judo. Il s’adresse à un premier
dojo : l’animateur est réticent au regard de ses limites
intellectuelles : Théo rencontre une situation de handicap. Il va voir un
deuxième dojo : l’animateur, enthousiaste, fait tout pour accueillir
Théo : il rencontre une situation de participation sociale. Il est donc
inapproprié de décrire Théo comme étant une personne en situation de handicap.
Là est bien le
risque d’une telle formulation, d’essentialiser une difficulté vécue dans une
situation de vie en une attribution d’une caractéristique déficitaire à la
personne. Ce que l’on retrouve dans des formulations, aberrantes
conceptuellement, comme « situation de handicap intellectuel ». Il y
a une confusion, et un amalgame, entre une caractéristique individuelle,
corporelle ou mentale, de l’ordre des limites de capacités, et une situation
dans laquelle cette caractéristique peut se trouver en défaut en raison d’une
inadaptation de l’environnement. En parlant de personne en situation de
handicap (même si l’on n’y rajoute pas de caractéristique de déficience ou de
limitations d’aptitudes), on court le risque de rabattre sur la personne ce que
voulait éviter la notion de situation. On ne qualifie plus la situation, mais
la personne. On revient par là à l’attribution traditionnelle du handicap à
celui ou celle qu’un environnement non adapté (valide) met en difficultés dans
différentes situations.
Par conséquent, cette
formulation, en dépit de la nouveauté qu’elle pouvait laisser espérer, reste
décevante : en se remettant dans le sillon depuis longtemps tracé des
caractéristiques individuelles pour désigner les personnes concernées, on n’a
pas gagné grand-chose. Les nouveautés conceptuelles imaginées, et partant, de
nouvelles représentations, se sont perdues dans les marais des habitudes de
pensée déficitaire. La formulation « personnes dites handicapées »
(en regard d’une formulation « personnes dites valides ») serait-elle
plus pertinente ? Elle permettrait en tout état de cause de distinguer la
caractérisation des personnes de la caractérisation des situations qu’elle
peuvent vivre, et de désessentialiser la problématique du handicap.



