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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 30 septembre 2025

un écosystème qui produit du handicap

Un écosystème qui produit du handicap

La place et les fonctions des personnes dites handicapées ont été le plus souvent et longtemps déterminées en raison des effets de leurs caractéristiques personnelles sur le fonctionnement social. Elles étaient empêchées de participer à celui-ci en raison de leurs caractéristiques : le travail, l’école, la vie civique, l’espace public, leur étaient interdits en raison de leurs déficiences ou de leurs incapacités. L’approche sociale, postulant les causes de cet empêchement dans l’organisation sociale et dans l’environnement, a inversé la problématique de l’empêchement de participation sociale, et identifié par conséquent les causes du handicap dans le fonctionnement social (économique, politique, social, …).

On peut prolonger cette approche en observant, de manière particulière, la place et les fonctions en regard du fonctionnement économique que l’on connait aujourd’hui, c’est-à-dire une économie de type capitaliste. Le fonctionnement capitaliste étant basé sur la production de plus-value, il y a des périodes où les ressources humaines sont trop nombreuses et « surnuméraires » pour optimiser les plus-values, soit quantitativement (la réponse dans ce cas est celle des licenciements et du chômage), soit qualitativement (parce que les personnes ne sont pas assez productives : c’est le cas par exemple de certaines personnes dites handicapées). Dans ce paradigme, pourrait être considérée comme handicapée toute personne qui n’assure pas suffisamment de plus-value dans un contexte donné. C’est peut-être l’une des raisons qui explique la variation de la définition du handicap, qui voit la population concernée s’élargir en période de récession de l’emploi (ce qui permet de n’embaucher que les plus performants), et se rétrécir en période de « plein emploi ». Et l’inclusion peut être, toujours dans ce paradigme, une réponse à la pénurie de main d’œuvre, ou une atténuation de l’exigence économique.

Le fonctionnement de l’économie capitaliste a ainsi plusieurs manières de décrire et de légitimer les frontières qu’il établit entre les humains, en instituant des catégories. Il y a ainsi des frontières qui sont construites par la nature du fonctionnement du système, entre ceux qui rapportent suffisamment de plus-value (ceux qui ont encore un emploi, même déqualifié), et ceux qui n’en rapportent pas suffisamment et qui sont conduits au chômage. Le registre de justification de cette frontière est placé, par le discours économico-politique, chez les personnes concernées elles-mêmes, et non dans la nature du système qui organise ces frontières : les personnes ne veulent pas travailler, ce sont des « feignasses ». Elles sont assignées à être exclues.

Le même registre fonctionne pour les personnes dites handicapées. Du point de vue du fonctionnement de l’économie capitaliste, l’exclusion des personnes dites handicapées du monde du travail est logique, rationnelle, légitime et conforme aux valeurs portées par le système. Les personnes non performantes en termes de productivité, et donc en termes de retour de plus-values, n’ont pas de place dans une organisation dont la nature et l’objectif sont de faire de la plus-value. Et, la plupart du temps (sauf exceptions notables), une personne dite valide rapporte davantage de plus-value qu’une personne dite handicapée. La catégorisation du handicap, avec les frontières qu’elle établit et les statuts qu’elle définit, intéresse un tel système économique dans la mesure où cela lui permet de se défausser des moins productifs sur l’Etat, et des obstacles à la rentabilité et la création de plus-value que constituerait l’emploi des personnes dites handicapées. C’est une autre manière de gérer les « surnuméraires » du système économique.

Penser l’inclusion, un monde de travail inclusif, est une impasse sans remise en question de l’écosystème économique : c’est vraisemblablement pour cette raison que l’on peut déplorer, à juste titre, que l’inclusion n’avance pas.

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