De la confusion dans les projets ?
Dans le domaine de
l’accompagnement des personnes en situation de handicap, la notion et le terme
de projet sont utilisés massivement. Le projet est né, légitime, de la
préoccupation de se centrer sur les personnes concernées en termes
d’organisation et de posture. Le projet instituait une rupture avec des
pratiques qui, aussi attentives fussent-elles, ignoraient les avis et les
besoins de personnes, centrées sur le fonctionnement institutionnel. C’est dans
ces circonstances que sont apparus les projets d’accompagnement, de vie, de
scolarisation, et d’autres, assortis le plus souvent des qualificatifs « individuel »
ou « personnalisé » pour bien marquer le centrage sur la personne. Nul
doute que si l’on mettait en regard les pratiques d’aujourd’hui avec celleS
d’il y a quelques dizaines d’années (et même d’il y a 10 ans), l’on trouverait
des changements fondamentaux. A cet égard l’utilisation du terme a tenu sa
promesse : la personne est bien davantage écoutée, au centre de son (ses)
projet(s), elle a davantage l’occasion d’exercer son autodétermination, ses
droits fondamentaux sont davantage reconnus, elle est davantage un sujet qu’un
objet de soin, de prestations ou d’organisation.
Mais la
banalisation du terme a produit une confusion de la notion et des pratiques
afférentes. Comment peut-on mettre sur le même plan et avec le même vocabulaire
le « projet de vie » de la personne et son « projet
d’accompagnement » ou son « projet de scolarisation » ? Le
premier appartient délibérément à la personne, même s’il n’est pas formalisé ou
formulé dans les règles convenues. Le projet de vie n’est pas contractuel, il
est l’expression par la personne de la manière dont elle pense sa vie et son
avenir, en tenant compte de ses possibilités et de ses difficultés, il est
l’expression de ses aspirations, de ses attentes, de ses désirs, de ses choix,
de ses besoins…
Les projets
d’accompagnement ou de scolarisation sont d’une autre nature qu’un projet de
vie. Ils n’émanent pas de la personne concernée, même si celle-ci participe de
manière active à leur élaboration. Ils décrivent précisément l’organisation des
actions, des interventions ou des aménagements mis en place afin que la
personne puisse réaliser son projet de vie. Il s’agit donc, plutôt que d’un
projet, d’un programme ou d’un plan qui détermine des moyens au service de la
personne. Dans les pratiques, on trouve de nombreuses confusions, à tout le
moins dans les discours, où le « projet d’accompagnement » devient le
projet de la personne, à partir du moment où celle-ci donne son accord.
Bénéficier d’un suivi psychologique est ainsi compris comme le projet de la
personne, alors qu’il ne s’agit que d’un moyen, sur lequel tout le monde s’est
certes mis d’accord, d’améliorer la qualité de vie et le projet de vie, qui
relève donc d’un programme d’intervention ou d’un plan personnalisé
d’accompagnement.
Cette confusion
permet de faire des amalgames entre l’expression du projet d’une personne, et
le projet institutionnel d’accompagnement, celui-ci recouvrant et masquant le
projet de la personne, parfois faisant oublier celui-ci. Lorsqu’une équipe élabore
un projet d’accompagnent avec une personne, le résultat final revient souvent à
faire de celui-ci un projet de vie pour la personne.
Il y aurait donc
intérêt à distinguer clairement et au niveau lexical ces deux registres, celui
du projet de la personne d’un côté, et les plans ou programmes d’autre part,
étant entendu que ceux-ci ne peuvent se faire sans le premier. Il s’agit de
laisser (et de valoriser) le terme projet à la personne (on ne peut pas penser
son projet à la place de la personne) et utiliser les termes programme ou plan
pour décrire l’ensemble des interventions engagées au service de la personne
(et avec son accord et/ou à son initiative) pour faciliter la réalisation de
son projet de vie dans la vie sociale, la scolarisation, l’espace public…
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